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Trotsky, chef de l’Armée rouge, avec des soldats
Trotsky, chef de l’Armée rouge, avec des soldats

Dans les semaines qui suivent la révolution d’Octobre 1917, l’ancien chef du gouvernement provisoire, Kerenski, prend la tête d’une offensive militaire visant à renverser le nouveau régime des soviets. Elle échoue lamentablement du fait de la mobilisation des travailleurs de Petrograd. Mais ce n’est que le premier acte d’une longue série d’agressions contre le nouveau pouvoir.

Interventions impérialistes

Militairement et politiquement vaincus, les chefs contre-révolutionnaires (les « blancs ») se réfugient aux frontières du pays et, dès les premiers mois de 1918, reçoivent une aide militaire faramineuse de la part des grandes puissances impérialistes. Des unités entières sont équipées de la tête aux pieds. Elles reçoivent aussi des armes de pointe, dont des chars d’assaut et des avions, alors que la République soviétique en est cruellement dépourvue. Chaque puissance impérialiste trouve ses champions : les Allemands choisissent l’Ataman Skoropadsky en Ukraine et le général Krasnov sur le Don ; les Français appuient Dénikine dans le sud ; les Anglais et les Japonais soutiennent l’amiral Koltchak en Sibérie.

En plus de cette aide matérielle, des troupes impérialistes débarquent directement en Russie dès 1918. Alors que les Allemands envahissent l’Ukraine et les Pays baltes, les Britanniques occupent Bakou dans le Caucase, mais aussi Arkhangelsk et Mourmansk dans le Nord. Plus tard, les Français prennent la relève des Allemands sur les côtes d’Ukraine et de Crimée, tandis que les Japonais et les Américains occupent Vladivostok et l’extrême-orient sibérien.

Ces interventions impérialistes ont un impact énorme sur l’évolution de la Révolution russe. Le régime soviétique est obligé de consacrer l’ensemble de ses forces à sa survie ; la question militaire passe au premier plan, au détriment de tout le reste. Les généraux « blancs » se vengent du peuple qui a osé les renverser. Partout, dans les territoires qu’ils conquièrent, ils déchaînent une orgie de pogroms et de terreur, sous les yeux ravis des représentants galonnés des « démocraties » occidentales.

L’objectif des interventions impérialistes est clair : il s’agit d’écraser la menace que représente la Révolution russe pour le capitalisme mondial. En Russie, les travailleurs ont pris le pouvoir et ont renversé leurs exploiteurs. C’est un exemple insupportable pour les bourgeoisies du monde entier. Alors ministre de l’Armement du gouvernement britannique, Winston Churchill proclame la nécessité d’« étrangler à la naissance l’Etat bolchevique ». La guerre civile russe prend un caractère international, symbolisé par les navires de guerre français ancrés dans les ports de la Mer Noire.

Mutineries

Le caractère international de la guerre civile ne se limite pas au camp de la contre-révolution. De nombreux militants communistes des quatre coins du monde se trouvent alors en Russie. Le gouvernement bolchevik en emploie un certain nombre à des fins d’agitation internationaliste. Ils sont envoyés sur les lignes de front, où ils trouvent les moyens d’expliquer aux soldats des armées impérialistes pourquoi leurs gouvernements les ont envoyés combattre en Russie, alors que la guerre mondiale est terminée depuis des mois. Beaucoup le payent de leur vie. En mars 1919, par exemple, l’institutrice et militante française Jeanne Labourbe est assassinée par des officiers français à Odessa.

L’agitation internationaliste produit ses effets : presque tous les contingents étrangers connaissent des mutineries. Parfois, non seulement les soldats refusent de se battre, mais ils tentent même de rallier l’Armée rouge. La flotte française est particulièrement affectée par ce mouvement. Au printemps 1919, deux vagues successives de mutineries touchent les navires français envoyés dans la Mer Noire. D’abord, des militants socialistes mobilisés dans la marine tentent de livrer des navires de guerre à la flotte rouge. Ils échouent, mais c’est le point de départ d’une deuxième vague, qui a pour but de libérer les mutins emprisonnés, d’améliorer les conditions de service et, surtout, de faire cesser l’intervention française en Russie. L’ampleur du mouvement est telle que l’état-major français est obligé de rapatrier ses navires en France. Malgré cela, le mouvement se poursuit. Des soulèvements éclatent dans les ports militaires de Toulon, Brest et Lorient. Des revendications politiques se mêlent aux protestations contre les mauvaises conditions de service des marins.

Ces événements ne sont pas une exception : le gouvernement britannique est obligé, lui aussi, de rapatrier ses troupes, suite à des mutineries.

Solidarité internationale

De nombreux mutins réussissent à passer dans les rangs de l’Armée rouge. Jacques Sadoul, un capitaine français en poste à Moscou pendant la guerre, décide de rester en Russie après la révolution d’Octobre, adhère au parti bolchevik et sert dans l’Armée rouge, dont les rangs comptent des dizaines de milliers de volontaires étrangers. Parmi eux, il y a des travailleurs immigrés (dont de nombreux Chinois), que le régime tsariste avait traités comme des travailleurs de seconde zone – et qui ont massivement rallié la révolution. De nombreux prisonniers de guerre des puissances centrales se trouvent aussi en Russie. Des milliers d’entre eux rejoignent l’Armée rouge : des Autrichiens, des Allemands, des Hongrois, des Tchèques...

Finalement, les bourgeoisies impérialistes doivent renoncer aux agressions militaires contre le régime soviétique, de peur de provoquer des révolutions en Occident. Par exemple, lorsque la bourgeoisie britannique songe à soutenir la Pologne dans sa guerre contre la Russie soviétique, début 1919, c’est la menace d’une grève générale qui l’en dissuade. Lloyd Georges, le Premier ministre britannique, prévient qu’une intervention contre les soviets de Russie ferait naître des soviets en Ecosse. Cette crainte est justifiée : entre 1918 et 1923, l’Europe est le théâtre de mobilisations révolutionnaires. En Allemagne, en Italie, en Autriche et ailleurs, le pouvoir de la bourgeoisie vacille. Elle n’est sauvée que par l’inexpérience des jeunes partis révolutionnaires et par la trahison des chefs réformistes (« socialistes »). En Hongrie, il faut même une intervention armée de la France et de la Roumanie pour écraser la république des Conseils et imposer au peuple hongrois une dictature militaire féroce.

Révolution mondiale

Tout cela montre que la révolution d’Octobre 1917 n’est pas qu’une affaire russe, mais bien un événement d’ampleur internationale. De fait, elle est perçue, à l’époque, comme la première étape de la révolution socialiste mondiale. Pour des millions d’ouvriers et de paysans à travers le monde, le programme socialiste des bolcheviks semble une bonne réponse à leurs propres problèmes, à la guerre, à la misère et à l’exploitation. Comme l’expliquait Marx dans Le Manifeste du Parti Communiste, déjà, « les travailleurs n’ont pas de patrie ». Ils ont les mêmes intérêts et forment donc une seule classe internationale.

Cette idée est toujours d’une brûlante actualité. L’émancipation des travailleurs passera par leur unité internationale, par-delà les frontières. Or, si la solidarité internationale est un réflexe spontané en période révolutionnaire, elle doit aussi être organisée, pour être victorieuse. C’est ce que les bolcheviks ont bien compris : immédiatement après la révolution d’Octobre, ils s’attellent à la construction d’une IIIe Internationale, dont le premier congrès se tient à Moscou en mars 1919. Mais c’est le début d’une autre histoire – que nous évoquerons dans un prochain numéro de Révolution !

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