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Le dictionnaire britannique Collins a fait du terme « permacrisis » – « crise permanente » – son « mot de l’année 2022 ». D’après le directeur de Collins Learning, ce néologisme exprime le sentiment de vivre dans une époque de guerre, d’inflation et d’instabilité politique sans issue apparente. Alors que la Grande-Bretagne vient de se doter de son troisième Premier ministre conservateur en moins de trois mois, le mot semble plutôt bien choisi.

La chute de Truss

Après la démission de Boris Johnson, Liz Truss a été élue par les seuls adhérents du parti conservateur. Elle aura exercé le pouvoir pendant moins de deux mois : un record ! Au cours de ses 49 jours de mandat, elle a néanmoins réussi à provoquer une panique des marchés en annonçant des baisses massives d’impôts pour les riches, sur fond de dette publique tout aussi massive.

Selon Truss, ces mesures d’allègement fiscal – d’une valeur totale de près de 45 milliards de livres sterling, et financées par un creusement de la dette – allaient « stimuler la croissance » et, à terme, restaurer la grandeur du capitalisme britannique. Cependant, les marchés financiers étaient beaucoup moins optimistes : la livre sterling s’est immédiatement effondrée, sur fond de protestations générales (dont celles, très fermes, du FMI). Sous cette colossale pression, Truss a dû retirer ses mesures et limoger son ministre de l’économie, avant d’être elle-même poussée à la démission par des dirigeants de son propre parti.

Cet épisode est symptomatique de la profonde crise qui frappe toutes les institutions du Royaume-Uni. Autrefois considérés comme des stratèges compétents et dévoués aux intérêts à long terme de la bourgeoisie britannique, les dirigeants conservateurs sont désormais de stupides carriéristes qui cherchent surtout à flatter une base de militants ultra-réactionnaires.

Mission impossible pour Sunak

En temps de crise, les capitalistes ont désespérément besoin de stabilité. Redoutant une nouvelle consultation de la base du parti conservateur, qui aurait très bien pu réélire Boris Johnson, la classe dirigeante a réussi à obtenir la nomination d’un « modéré » à la tête du parti – et donc du gouvernement : le multimillionnaire Rishi Sunak.

Mais Sunak n’aura pas la tâche facile. Son parti discrédité plafonne à 20 % dans les sondages, contre plus de 50 % pour le parti travailliste. En outre, une fraction significative de sa propre majorité parlementaire considère qu’il est responsable de l’échec de Truss. Enfin, face aux dizaines de milliards de livres de déficit public, Sunak a déjà annoncé que son programme serait essentiellement composé de nouvelles mesures d’austérité, à commencer par de nouvelles coupes budgétaires dans les services publics.

Comme l’expliquent nos camarades britanniques de Socialist Appeal, les conséquences seront d’autant plus graves que « le système de santé est déjà au bord de l’effondrement, avec des listes d’attente de plusieurs millions de personnes. Les tribunaux sont submergés d’affaires en instance. Les écoles délabrées ont du mal à garder leur personnel. Et les travailleurs du secteur public démissionnent en masse, après des années d’austérité salariale. »

L’inflation dépasse les 10 % – et les salaires ne suivent pas. Selon une enquête de l’agence Opinium, un Britannique sur sept est obligé de régulièrement sauter un repas, faute d’argent. Les mesures d’austérité que prépare Sunak ne peuvent qu’aggraver cette situation sociale désastreuse et pousser la classe ouvrière dans la lutte pour sa survie.

Vague de grèves

Nombre de travailleurs sont d’ores et déjà entrés dans l’action gréviste pour défendre leur pouvoir d’achat. Les cheminots et les postiers se mobilisent depuis cet été. Ils ont depuis été rejoints par les dockers de Liverpool et Felixstowe. Les travailleurs des universités ont récemment voté pour la grève à plus de 80 %. Le Congrès des syndicats britanniques (TUC) s’est réuni, fin octobre, pour approuver plusieurs résolutions appelant à des « actions coordonnées ». Sunak pourrait être rapidement confronté à une grève générale de fait.

Les syndicats et le parti travailliste demandent des élections anticipées, qui porteraient probablement les travaillistes au pouvoir. Une bonne partie de la classe dirigeante est aussi de cet avis, car elle pense avoir trouvé dans le très droitier dirigeant du parti travailliste, Keir Starmer, un digne héritier de Tony Blair, c’est-à-dire un représentant forcené de ses intérêts.

Starmer rêve effectivement de jouer ce rôle. Mais la situation actuelle est bien différente de la période de croissance économique pendant laquelle Tony Blair était au pouvoir. Même avec l’écrasante majorité parlementaire que lui promettent les sondages, un gouvernement Starmer sera, dès le premier jour, un gouvernement de crise, car il s’engagera dans une politique très semblable à celle que prépare Sunak. Au passage, cela dissipera les illusions que Starmer suscite dans une partie de la classe ouvrière britannique.

Le capitalisme britannique n’a rien d’autre à proposer qu’une « permacrisis » sans fin. En conséquence, les salariés de ce pays n’auront pas le choix : ils devront lutter toujours plus massivement – et plus radicalement – pour défendre leurs conditions de vie et de travail.

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