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Nationalization de la banca

La profondeur et les succès de cette révolution en font une immense source d’enthousiasme pour la jeunesse et les travailleurs du monde entier. Or, justement, l’un de ses aspects les plus frappants, c’est le faible écho qu’elle rencontre dans le mouvement ouvrier international. En France, la grande majorité des jeunes et des salariés en ignorent presque tout. Cette situation est d’autant plus inacceptable que, face aux menaces qui pèsent sur la révolution, la solidarité internationale est une tâche cruciale et qui devrait être menée avec la plus grande énergie.

La révolution au Venezuela est à un stade décisif de son développement. Les offensives successives de la réaction ont toutes été balayées par des mobilisations massives du peuple. Cependant, la classe capitaliste vénézuélienne contrôle encore d’importants secteurs de l’économie, ce qui lui permet de faire un travail de sabotage systématique de la révolution. En même temps, elle prépare - avec l’administration américaine - un nouveau plan pour renverser le gouvernement d’Hugo Chavez. D’un autre côté, l’expérience de ces dernières années pousse toujours plus le mouvement bolivarien dans la direction d’une rupture avec le système capitaliste. Hugo Chavez lui-même a publiquement reconnu que son projet initial - l’établissement d’un « capitalisme à visage humain » - était irréalisable, et que le Venezuela devait s’engager dans la voie du socialisme.

La profondeur et les succès de cette révolution en font une immense source d’enthousiasme pour la jeunesse et les travailleurs du monde entier. Or, justement, l’un de ses aspects les plus frappants, c’est le faible écho qu’elle rencontre dans le mouvement ouvrier international. En France, la grande majorité des jeunes et des salariés en ignorent presque tout. Cette situation est d’autant plus inacceptable que, face aux menaces qui pèsent sur la révolution, la solidarité internationale est une tâche cruciale et qui devrait être menée avec la plus grande énergie. L’enthousiasme que rencontre notre campagne Pas touche au Venezuela !, active dans une vingtaine de pays, prouve l’énorme potentiel qui existe. Aussi faut-il se poser la question : d’où vient ce mur de silence entourant la révolution bolivarienne ?

Les grands médias « indépendants » ont bien évidemment leur part de responsabilité. Ils parlent le moins possible de la situation au Venezuela. Et tous ceux qui, en France, connaissent le sujet, ne peuvent lire sans écœurement les rares articles que lui consacrent des journaux comme Le Monde et Libération. Neuf fois sur dix, on y retrouve, tels quels, les lamentables mensonges que diffusent quotidiennement les médias de l’opposition vénézuélienne. En général, de tels articles paraissent au plus fort d’une offensive de la contre-révolution : ainsi lors du coup d’Etat d’avril 2002, lors du lock-out patronal de fin 20002/début 2003 - qualifié de « grève générale » par nos professionnels de l’information - ou encore lors de la campagne précédant le référendum d’août 2004. Chaque fois, il s’agissait de préparer l’opinion publique à l’éventualité d’un changement de régime. Mais chaque fois, la mobilisation massive du peuple vénézuélien a fait obstacle au renversement d’Hugo Chavez. Alors, les grands médias français retombaient dans leur mutisme habituel. Silence ou mensonges : telle est la ligne éditoriale de la presse capitaliste au sujet du Venezuela.

Cette soumission des grands médias aux intérêts de la contre-révolution vénézuélienne est certes révoltante, mais elle ne devrait pas nous étonner, et il serait vain d’espérer le moindre changement sérieux dans ce domaine. Alors que les principaux organes de presse sont la propriété d’immenses entreprises, la notion de « liberté éditoriale » ne peut que faire sourire. Les journaux qui expriment une sorte d’opposition sur des questions secondaires ne le font que pour ménager leur ralliement total au capitalisme et à l’impérialisme sur les questions essentielles. Et la révolution vénézuélienne est précisément l’une de ces questions essentielles.

Le silence de la gauche

Le problème majeur, c’est qu’au silence des ces ennemis du mouvement ouvrier s’ajoute celui des directions des grands partis de gauche. Ils auraient largement les moyens de contrer la propagande mensongère au sujet du Venezuela et d’organiser un vaste mouvement de solidarité avec la révolution. Mais rien, ou presque, n’est fait dans ce sens.

En France, le PS est quasiment muet. Le seul article que l’on trouve, sur le site national du PS, est d’une absurdité exemplaire. Long de trois petits paragraphes, il a pour titre : Le Parti Socialiste condamne l’assassinat de Danilo Anderson. De quoi s’agit-il ? Danilo Anderson était le procureur chargé de mener l’enquête sur les auteurs du coup d’Etat d’avril 2002. Dans la mesure où les leaders de l’opposition, les grands patrons vénézuéliens, les directeurs des grands médias privés et les dirigeants syndicaux corrompus étaient tous plus ou moins impliqués dans le coup d’Etat, Danilo Anderson se trouvait dans la situation de condamner les principaux représentants de l’oligarchie vénézuélienne, ceux-là mêmes qui préparent une nouvelle offensive contre la révolution. Tous ces gens haïssaient Danilo Anderson, pour lesquels il représentait une menace. Aussi a-t-il été assassiné, en novembre dernier.

L’auteur de l’article en question, cependant, n’hésite pas à se « féliciter » de la chose suivante : « la plupart des partis politiques vénézuéliens a condamné cet acte terroriste. Les forces d’opposition comme celles de la majorité ont signalé, avec raison, qu’en démocratie les différends politiques doivent être résolus par le dialogue, la négociation et le recours aux urnes. » Ainsi, les forces d’opposition, qui ont tenté un coup d’Etat en avril 2002, qui ont organisé le lock-out patronal de décembre 2002/janvier 20003, et qui ont massivement fraudé lors de la collecte des signatures précédant l’organisation du référendum d’août 2004, tous ces réactionnaires patentés ont « signalé » que la démocratie est une bien belle chose - et il faudrait s’en « féliciter » ! C’est comme si l’on se félicitait du fait qu’un tueur en série, après avoir commis un nouveau meurtre, avait « signalé » que la violence est inacceptable. Cela ferait bien rire si le sujet n’était aussi grave.

La situation est un peu meilleure au PCF. L’Humanité a consacré à la situation au Venezuela un certain nombre d’articles favorables au gouvernement d’Hugo Chavez. Cependant, on ne peut se satisfaire de quelques articles. Ce qui se passe au Venezuela est d’une immense importance, non seulement pour le peuple vénézuélien, mais pour l’ensemble du mouvement ouvrier international. L’activité du parti est très en dessous de ce qui devrait être fait pour populariser et soutenir la révolution vénézuélienne. La victoire de cette révolution - et elle ne peut vaincre que comme révolution socialiste - aurait des conséquences colossales sur le cours de l’histoire. Elle porterait un coup majeur à l’impérialisme américain et susciterait l’enthousiasme des travailleurs du monde entier, en même temps qu’elle leur servirait d’exemple. Les effets d’un tel bouleversement seraient comparables à ceux de la révolution russe, en 1917, ou encore du renversement du capitalisme à Cuba, en 1960-1961.

Remarquons au passage que les organisations d’« extrême gauche » ne font pas grand cas de cette révolution. Lorsque, rarement, elles en parlent, c’est pour débiter des idioties sur le thème : « Chavez est un ancien militaire, un politicien bourgeois, etc. » Hypnotisés par les galons militaires de Chavez, ces gens n’ont pas remarqué que des millions de vénézuéliens se sont arrachés à des années d’apathie politique pour tenter de prendre en main leur destinée. Ce fait - l’essence même d’une révolution - ne mérite pas leur considération. Certains ont même consacré la plupart de leurs écrits sur le Venezuela à critiquer notre campagne internationale Pas touche au Venezuela ! Du haut de leur sublime abstraction révolutionnaire, ils nous accusent de « capituler devant le bourgeois Chavez, cet ancien militaire... ». Ainsi tourne le disque rayé du sectarisme. Exception notable : la LCR, qui avec trois ans de retard semble manifester un début de quelque chose comme un intérêt pour la révolution bolivarienne. Malheureusement, son analyse a également trois ans de retard sur la révolution elle-même, puisqu’au moment où Chavez commence à parler de socialisme, la LCR présente en modèle la politique de « redistribution des richesses [...] sur la base des énormes profits », sans développer l’idée d’une nécessaire rupture avec le capitalisme.

Réforme et révolution

Comment expliquer le désintérêt relatif que suscite la révolution bolivarienne parmi les dirigeants du PS et du PCF ? La réponse réside dans leurs idées et leurs programmes. Le développement de la révolution bolivarienne est la réfutation vivante, dans les faits, du réformisme, lequel constitue l’alpha et l’oméga des programmes défendus par les dirigeants du PS et du PCF.

Alors que le réformisme dresse la perspective d’un développement du progrès social reposant sur une majorité parlementaire de gauche, la révolution vénézuélienne a apporté une nouvelle illustration de la loi historique suivante : les véritables réformes sociales sont toujours des sous-produits de mouvements révolutionnaires du salariat. Les réformes engagées par le gouvernement vénézuélien n’auraient eu aucune chance de passer dans la réalité sans l’appui massif du peuple. Et pour cause : sans ce dernier, l’oligarchie et l’administration américaine auraient renversé le gouvernement de Chavez. Ainsi, le sort des réformes issues d’une majorité parlementaire acquise au gouvernement Chavez s’est joué en dehors du parlement. En France, il en fut de même en 1936, 1944-47 et 1968. Tous nos grands acquis sociaux datent de ces périodes, qui ont toutes été caractérisées par de puissants mouvements extra-parlementaires de la classe ouvrière. Même la réforme des 35 heures est un écho de la grande grève de décembre 1995.

On entend souvent dire, à ce sujet, que « la France n’est pas l’Amérique-latine », que des coups d’Etat et des dictatures sont inimaginables en Europe, etc. Or, d’une part, s’il est clair que la classe dirigeante française n’a, à ce stade, ni le besoin ni la possibilité d’envisager un coup de force contre la gauche et le mouvement syndical, il serait parfaitement incorrect de considérer qu’il en sera toujours ainsi. Dans un contexte d’aggravation de la crise du capitalisme, si la classe ouvrière ne parvient pas à prendre le pouvoir, des tendances bonapartistes finiront par gagner du terrain.

Mais surtout, les coups d’Etat et les régimes bonapartistes ne sont pas les seuls moyens extra-parlementaires dont dispose la classe dirigeante pour imposer sa volonté. Tant que les capitalistes contrôlent les secteurs clés de l’économie, ils utilisent ce contrôle comme un redoutable moyen de pression. En France, l’expérience du gouvernement Mauroy, entre 1981 et 1984, en est l’illustration la plus claire. Ce gouvernement avait annoncé un ensemble de réformes positives, comme par exemple la réduction progressive du temps de travail à 35 heures par semaine, sans flexibilité ni perte de salaire. Or, dans les semaines précédant l’élection de François Mitterrand, déjà, sept milliards de francs quittaient le pays chaque jour. Puis le patronat a décrété une « grève d’investissement » et menacé de semer le chômage sur l’ensemble du territoire. Face à cette pression, le gouvernement Mauroy a fait marche arrière, ouvrant la période dite « de rigueur ». Quelle aurait été l’alternative ? Remettre en cause le contrôle de la majorité de l’économie par une poignée de capitalistes, qui l’utilisaient pour forcer le gouvernement à battre en retraite. Mais cela, à son tour, n’aurait pas été possible sans une mobilisation massive des travailleurs français.

Au Venezuela, le gouvernement Chavez a été confronté à une forme particulièrement radicale de ce type d’actions : le lock-out patronal. La direction de l’entreprise pétrolière PDVSA, qui est la principale source de revenus du pays, a saboté les commandes hautement technologiques de l’entreprise, puis a déserté les lieux et appelé à la grève générale. Mais la grande majorité des travailleurs de PDVSA ont occupé l’entreprise et sont parvenus à maintenir la production, en s’organisant d’une façon démocratique qui tranchait nettement avec l’ancienne hiérarchie. Dans le même temps, des manifestations massives venaient appuyer la lutte contre le lock-out. L’opposition a dû faire marche arrière, et a payé cet échec au prix d’un nettoyage de la direction de PDVSA, de même que la défaite du coup d’Etat d’avril 2002 a réduit son influence dans les forces armées.

Des réformes appuyées par des mobilisations de masse : tel est le ressort de la révolution bolivarienne. Les dirigeants réformistes qui, en France, nous parlent d’obliger le patronat à faire des concessions aux salariés grâce à de contraintes ou des incitations d’ordre fiscal, ont quelques bonnes leçons à y puiser.

Mais la principale leçon de la révolution bolivarienne a été formulée par Hugo Chavez lui-même : il est impossible de résoudre les problèmes sociaux dans le cadre du système capitaliste ; il faut aller vers le socialisme. Cette idée, qui gagne du terrain dans le mouvement bolivarien, Chavez n’est pas allé la chercher dans des livres de théorie socialiste. C’est l’expérience vivante de la révolution qui pousse le mouvement dans cette direction.

Certes, il y a loin de la parole à l’acte, et la transformation socialiste du Venezuela n’a pas encore été accomplie. De même, ce que Chavez entend par « socialisme » n’est pas très clair. Cependant, ces paroles, jetées à la face d’une opposition et d’un gouvernement américain extrêmement hostiles, tranchent nettement avec les discours réformistes sur les vertus de l’« économie de marché à dominante sociale ». Comment les dirigeants du PS et du PCF les ont-ils accueillies ? Nous l’ignorons, car ils n’en ont pas parlé. Et nous ne voyons qu’une explication à ce silence : l’idée d’une rupture avec le système capitaliste et les programmes officiels du PS et du PCF sont trop contradictoires.

La nationalisation sous contrôle ouvrier de Venepal , une immense fabrique de papier, offre une bonne illustration de cette contradiction. Abandonnée à deux reprises par ses patrons, Venepal a chaque fois été occupée et maintenue en marche par les salariés, qui ont fini par obtenir du gouvernement que l’entreprise soit nationalisée sous contrôle ouvrier. Ce cas a servi d’exemple et relancé le mouvement d’occupation des usines abandonnées. En France, bien que le contexte général soit différent, nous sommes confrontés à des problèmes semblables. De nombreuses entreprises ferment, du jour au lendemain, par la simple volonté des actionnaires, dont la marge de profit est la seule préoccupation.

Face à ce phénomène, qui frappe de nombreuses communes, que proposent nos dirigeants de gauche ? D’abord, ils promettent d’empêcher en amont les licenciements grâce à un dosage « social » d’allègements fiscaux, de subventions et de crédits au profit des employeurs. Malheureusement, les subventions massives qui ont été versées dans les caisses du patronat à l’occasion des 35 heures nous ont clairement démontré l’inefficacité de ce genre de mesure. Les patrons ont aimablement encaissé des milliards de francs, les ont intégrés dans leurs tableaux budgétaires, puis ont continué de licencier, de précariser l’emploi et de dégrader les conditions de travail. Anticipant sans doute sur l’échec - inévitable - de cette stratégie, la direction du PCF propose un deuxième recours : la « table ronde ». Celle-ci consiste en une réunion entre les représentants de deux camps aux intérêts diamétralement opposés - les salariés et les propriétaires de l’entreprise -, ces derniers ayant l’avantage considérable d’emporter la décision finale. Il semble clair qu’une fois les désaccords exposés, les patrons choisiront toujours leurs intérêts, et le problème demeurera entier.

La solution au problème, les salariés de Venepal nous l’ont montrée. En France, face à l’avalanche de fermetures, de délocalisations et de plans sociaux, nous devrions revendiquer l’expropriation des entreprises concernées - sans indemnités pour les gros actionnaires - et leur nationalisation sous le contrôle démocratique des salariés. Certes, une telle mesure empiéterait sur la « propriété privée » de la classe dirigeante, que les programmes du PS et du PCF s’efforcent de ne jamais remettre sérieusement en cause. Mais c’est justement là la faiblesse majeure de ces programmes. Toutes les « contraintes » et « incitations » du monde ne pourront rien face à la crise du système capitaliste et son cortège de plans sociaux. De manière générale, il est impossible de s’attaquer efficacement au chômage, à la précarité et à tous les autres problèmes sans remettre en cause le contrôle de l’économie par une poignée de grands patrons et actionnaires. Les travailleurs de Venepal nous montrent la voie !

Pas touche au Venezuela !

Pendant des années, le gouvernement Chavez a mené une politique réformiste conséquente. S’appuyant, d’une part, sur les vastes ressources pétrolières du pays, et d’autre part sur la puissance du mouvement révolutionnaire, il est parvenu à lancer une série de réformes significatives dans les domaines de l’éducation, du logement, de la santé et de l’emploi. Une réforme agraire est également en cours. Mais la classe capitaliste et les puissances impérialistes contrôlent toujours de larges secteurs de l’économie nationale, et elles font tout ce qu’elles peuvent pour saboter les réformes et déstabiliser le gouvernement, en même temps qu’elles préparent une nouvelle offensive pour le renverser. Cela constitue une grave menace pour la révolution. Et la seule façon d’écarter cette menace, c’est d’exproprier les ennemis de la révolution et de mettre en place une planification démocratique de l’économie.

Dans ce contexte, le rôle du mouvement ouvrier international est fondamental. Les déclarations de Chavez au sujet du socialisme, la nationalisation de Venepal et le développement de la réforme agraire inquiètent au plus haut point les réactionnaires de Caracas, Washington et Madrid. Ils n’en sont que plus déterminés à renverser Chavez et à écraser le mouvement bolivarien. L’une de leurs armes, dans ce domaine, est le mur de silence qu’ils ont bâti autour de la révolution. Nous devons briser ce mur ! Le mouvement ouvrier doit savoir ce qui se passe vraiment au Venezuela et s’impliquer dans des activités de solidarité avec la révolution. En France, les militants socialistes, communistes et syndicaux doivent prendre en main cette question. Nous ne devons plus tolérer que les mensonges des grands médias capitalistes soient la principale source d’information sur le Venezuela dont disposent la jeunesse et les travailleurs de notre pays.

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