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Depuis plusieurs années, les gouvernements de droite passent la fonction publique au rouleau compresseur de la contre-réforme. Leur objectif est de diminuer massivement les dépenses publiques. Même si les attaques contre le statut des fonctionnaires et les services publics n’ont pas commencé avec l’élection de Sarkozy, elles se sont accélérées avec la mise en œuvre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). Avec le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite, 100 000 emplois ont déjà été détruits au cours des trois dernières années. 100 000 autres le seront d’ici 2012. A terme, la droite vise la suppression d’au moins 300 000 emplois.

Casse du statut

Pour faire face à une telle saignée de personnels et accroître encore les économies réalisées, l’Etat se restructure. Les fermetures de services se multiplient et le réseau des administrations s’affaiblit. Mais contrairement à ce qui se passe dans les entreprises privées, l’Etat ne pouvait pas imposer des mutations à ses salariés pour « raison économique », et encore moins les licencier sur ce motif. Le Statut Général des fonctionnaires, acquis social de la Libération, assurait la stabilité dans l’emploi. Elle constituait un obstacle – relatif – à la RGPP et à la restructuration massive des services publics.

Les nouvelles dispositions prises pour faciliter la mobilité des fonctionnaires visent à abattre cet obstacle. Dorénavant, lorsque le poste d’un fonctionnaire est supprimé, celui-ci ne peut refuser plus de trois propositions de reclassement, sous peine d’être mis en disponibilité : sans travail et sans salaire. Le gouvernement instaure ainsi de fait la possibilité de licencier les fonctionnaires pour motif économique. En effet, l’Etat pourra proposer des reclassements dans d’autres villes, ou encore sur un poste à temps partiel, ce qui se traduira par une perte sèche de rémunération. Avec son cynisme habituel, Eric Woerth, ministre de la fonction publique, y voit un « progrès » pour les agents de l’Etat qui se heurtaient aux « lourdeurs administratives », lorsqu’ils demandaient une mutation. Il fait mine d’ignorer que ces nouvelles dispositions permettront surtout de licencier des fonctionnaires – avec aussi peu de « lourdeurs administratives » que dans le secteur privé.

Reste qu’il faut faire tourner l’administration avec moins de personnel. Comme dans les entreprises, il faut donc augmenter la charge de travail qui pèse sur les fonctionnaires. L’Etat entend y parvenir en généralisant les méthodes managériales du monde de l’entreprise privée. On sait quelles ont été les conséquences dramatiques de ces méthodes, par exemple chez Renault ou France Télécom. L’idée est de généraliser le système d’entretiens professionnels annuels, avec des objectifs à atteindre toujours plus élevés, année après année. Il faut faire plus avec toujours moins de moyens, sous peine de voir son salaire baisser. Car qui dit objectifs à atteindre, dit bien évidemment rémunération en fonction de la réalisation – ou non – des objectifs.

Quant à la qualité du service public, qui peut croire qu’elle résistera à la suppression de centaines de milliers d’emplois dans l’éducation nationale, les hôpitaux, les services sociaux, la Poste, etc. ? Le personnel de l’éducation nationale en lutte contre la suppression de 13 000 postes, cette année, peut en témoigner. Sans une riposte syndicale à la hauteur de l’offensive gouvernementale, les services publics continueront de se détériorer. De même, la suppression de la taxe professionnelle promet une hécatombe, dans la fonction publique territoriale.

Une conséquence de la crise du capitalisme

Le système capitaliste est entré dans une phase de crise majeure, la pire depuis les années 1930. Dans ces conditions, le gouvernement a injecté des sommes colossales dans le système bancaire, aggravant la dette publique à des niveaux inédits (80 % du PIB). Pour essayer d’y faire face, il est hors de question, pour la droite, d’augmenter l’imposition des entreprises. Les investisseurs sont aux petits soins. L’addition sera donc présentée aux salariés et aux classes moyennes. L’Etat se prépare notamment à trancher dans le vif des dépenses publiques, à l’instar de ce qu’on voit en Grèce.

Les restructurations en cours, dans la fonction publique, ont aussi pour objet d’ouvrir de nouveaux marchés aux capitalistes. Les services dits de « support » – comme les services du personnel, l’informatique, le nettoyage, maintenance, de gardiennage, de formation, etc. – sont destinés à être toujours plus externalisés et privatisés. Cette politique a commencé de longue date. Elle va s’intensifier. Et les économies réalisées à cette occasion pèseront sur les salaires et les conditions de travail. A cela s’ajoute l’énorme marché que la loi sur la mobilité ouvre aux entreprises de travail temporaire. Les agences d’intérim, qui font des profits sur le marché du chômage et de la précarité, vont être mobilisées pour pourvoir à des remplacements temporaires de fonctionnaires.

Il n’est pas vrai qu’il y a trop de services publics et trop de fonctionnaires. Mais il est vrai qu’il y en a trop au regard de ce que le capitalisme est capable de tolérer. Le gouvernement parle de « modernisation des services publics ». Ce discours de propagande cherche à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, c’est-à-dire une contre-réforme pour un progrès. Mais c’est vrai d’un certain point de vue : ce qui est moderne, au sens de ce qui est d’actualité, sous le capitalisme, c’est désormais la régression permanente. Avoir le droit de se loger, de se soigner, de recevoir un enseignement de qualité, de bénéficier de soins, de transports publics et d’une retraite décente à un âge décent : ce sont là autant de dépenses que le capitalisme en crise n’est plus en mesure de supporter.

Quelle stratégie syndicale ?

Le statut public de l’emploi rend la mobilisation des fonctionnaires relativement plus facile que dans le secteur privé. Pour s’opposer à la destruction de leur statut et de leurs missions publiques, les fonctionnaires se sont mobilisés en nombre au cours des deux dernières années, et dernièrement le 21 janvier. La pression monte partout dans les administrations, les écoles, les hôpitaux. La CGT y est particulièrement bien implantée. Elle y dispose de vastes réserves militantes et d’une grande capacité de mobilisation. On l’a vu dans toute une série de luttes, au fil des mois. Mais la stratégie des directions syndicales n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Il manque une réelle coordination des luttes. Par ailleurs, les journées d’action distantes de plusieurs mois ne sont pas efficaces. Le fait est que le gouvernement ne se sent pas menacé lorsqu’un tiers des fonctionnaires cesse le travail, un jour par trimestre.

Cette stratégie épuise les militants syndicaux les plus combatifs, à commencer par ceux de la CGT. Dans une résolution adoptée lors du dernier congrès confédéral, à Nantes, la CGT s’engage à mener la bataille pour la défense des services publics et du statut général des fonctionnaires. L’Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires CGT précise de son côté qu’il faut entamer une grève « jusqu’à satisfaction des revendications ». C’est correct, mais il faut passer de la parole aux actes en préparant cette grève. Or, à ce stade, les instances dirigeantes de la CGT n’ont pas présenté de plan de bataille concret aux bases syndicales, aux Unions Locales et aux Unions Départementales. Après la mobilisation du 21 janvier dernier, aucune disposition n’a été prise pour y donner suite. Dans certaines administrations, des militants CGT – légitimement sceptiques – n’ont pas suivi le mot d’ordre de grève.

Une grande lutte se prépare dans la fonction publique et pour la défense des services publics. Les coupes drastiques, dans les dépenses de l’Etat, n’en sont qu’à leurs balbutiements. Criblé de dettes et sans perspective sérieuse d’expansion, le capitalisme français ne peut plus se permettre de financer des services publics tels qu’ils ont existé au cours des dernières décennies. A l’image du patronat, l’Etat doit mettre en pièces les acquis de la période précédente. C’est cela que les directions syndicales et les partis de gauche, à commencer par le Parti Communiste et la CGT, devraient expliquer patiemment aux travailleurs, afin de les préparer à mener une lutte sérieuse et décisive contre le capitalisme.

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