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Obama Hollande

Fin août, une intervention militaire des Etats-Unis et de la France contre la Syrie semblait imminente, annoncée comme telle par les gouvernements américain et français. Hollande et Fabius étaient bien plus virulents qu’Obama. Il fallait « punir » le régime syrien pour l’utilisation d’armes chimiques. Des innocents, des femmes et des enfants avaient été tués. Les preuves étaient accablantes et ne laissaient aucun doute quant à la culpabilité du régime. La France allait donc prendre ses responsabilités. Le président français voulait que l’attaque ait lieu rapidement, sans attendre davantage de vérifications sur place et avant l’ouverture de la nouvelle session parlementaire du 4 septembre dernier.

Aujourd’hui, Monsieur Hollande chante une tout autre chanson. Les frappes « indispensables » n’ont toujours pas eu lieu et ne semblent plus être à l’ordre du jour dans un avenir prévisible. Le « devoir sacré » de punir la Syrie a été mis de côté. Une attaque occidentale contre la Syrie n’est pas définitivement exclue. Toutes sortes de retournements sont encore possibles. Mais quoi qu’il en soit, ceux de ces dernières semaines en disent long sur l’affaiblissement de la position mondiale de l’impérialisme français et sur la véritable nature du gouvernement « socialiste » de François Hollande.

Manipulation de l’opinion publique

Les agressions impérialistes ont toujours des objectifs « nobles » – selon la propagande des agresseurs. Ce fut le cas même avec Adolphe Hitler, qui présentait l’invasion des pays de l’Europe centrale comme des guerres de libération des minorités allemandes. Plus récemment, le bombardement de la Serbie était engagé pour protéger les Albanais, l’invasion de l’Afghanistan pour éliminer Ben Laden – qui n’y était pas – et, tant qu’à faire, pour libérer les femmes afghanes ! L’invasion de l’Irak devait sauver le monde des « armes de destruction massive » qui se sont avérées inexistantes, tandis que la guerre en Libye avait un but humanitaire, visant à protéger la population de Benghazi d’un massacre imminent.

L’attitude des puissances occidentales envers la Syrie nous offre un nouvel exemple de cette manipulation de l’opinion publique. Pour justifier le bombardement prévu, il fallait un prétexte. Il n’est pas impossible que les forces armées syriennes aient utilisé des armes chimiques contre des civils. Assad dirige un régime exécrable qui n’aurait pas de scrupules à ce sujet. D’un autre côté, l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui arment et financent les groupes armés sur place, réclamaient des frappes contre les installations militaires syriennes bien avant l’utilisation des armes chimiques. De leur point de vue, ce massacre tombait à pic. Il est donc loin d’être impensable que des milices à la solde des pays du Golfe – qui perdaient du terrain face à l’armée syrienne – aient eu recours à cet expédient à leurs propres fins. Les milices fondamentalistes ont elles-mêmes perpétré de nombreux massacres en Syrie, tuant « femmes et enfants » par centaines. Monsieur Hollande ne semble pas avoir remarqué ce détail. Mais peut-être que, pour lui, des massacres ne sont dignes d’intérêt que s’ils sont le produit de gaz toxiques…

Comme avec l’Irak, le rapport des inspecteurs de l’ONU n’avait d’autre but que de servir de justification à une intervention décidée a priori. Avant l’envoi des inspecteurs, Hollande et Fabius prétendaient détenir des preuves irréfutables impliquant le régime syrien. Mais selon le gouvernement russe, le rapport des services de renseignement français ne contient aucune preuve matérielle. Poutine est allé jusqu’à déclarer que si la France pouvait fournir des preuves, il approuverait une intervention militaire. La France n’a rien fourni de la sorte. Et finalement, lorsque le rapport des inspecteurs de l’ONU a été rendu, il ne contenait pas d’éléments susceptibles d’incriminer le régime. Il paraît que la désignation des responsables ne faisait pas partie de la mission des inspecteurs ! Mais dans ce cas, quel était le lien entre le contenu de leur rapport et le déclenchement des frappes ?

Enjeux et manœuvres impérialistes

La guerre humanitaire n’existe pas. L’impérialisme humanitaire n’existe pas non plus. C’est en vain que les âmes bien-pensantes s’en remettent à l’ONU et à sa pitoyable « charte » pour répandre la justice et la paix dans le monde. Quand les intérêts des capitalistes sont en jeu, le sort « des femmes et des enfants » n’entre pas en ligne de compte. Tout au long de leur histoire, les grandes puissances ont répandu la misère et la mort dans le monde, organisant famines, guerres et massacres, ne reculant devant rien pour défendre leurs intérêts. Quand cela les arrange, ils versent des larmes de crocodile sur les souffrances « des femmes et des enfants », comme c’est le cas en ce qui concerne la Syrie. Ce que les Etats-Unis, la France et les monarchies du Golfe veulent protéger n’est pas des « civils innocents », mais leurs propres intérêts économiques et positions stratégiques dans la région.

Nous ne défendons pas le régime syrien. Nous voulons son renversement. Mais la question des forces sociales qui accomplissent ce renversement est primordiale. Si le régime avait été renversé par un mouvement révolutionnaire, par un mouvement de la classe ouvrière syrienne, sa défaite aurait donné une nouvelle impulsion aux révolutions en cours en Egypte et en Tunisie et ouvert la possibilité d’une extension de la révolution à travers le Moyen-Orient. Mais la révolution syrienne, qui a commencé sous l’impact d’événements extérieurs – les révolutions en Tunisie et en Egypte – a été rapidement étouffée. Les dizaines de milliers de combattants qui font la guerre contre Assad actuellement n’ont rien de révolutionnaire ou même de progressiste. Bien au contraire. Selon un rapport de l’Institut Britannique de Défense (IHS Jane’s, lié aux services de renseignements britanniques), publié par le Daily Telegraph, on évalue à quelque 70 000 hommes les forces se réclamant de diverses doctrines djihadistes : Wahhabisme, Al Qaeda, etc. Les mieux armées et les plus puissantes de ces structures sont financées et équipées par l’Arabie Saoudite et le Qatar. Quelque 10 000 miliciens, selon le même institut, appartiendraient directement à Al Qaeda. Le peuple syrien est pris dans un étau entre la tyrannie du régime et la tyrannie des djihadistes. C’est une guerre réactionnaire des deux côtés. Il est donc hors de question de soutenir l’un des deux camps.

Si le régime devait tomber, avec ou sans les bombardements occidentaux, qui en profiterait ? Dans les conditions actuelles, qui malheureusement excluent à court terme un mouvement indépendant des travailleurs syriens, le renversement du régime par les milices réactionnaires n’aurait aucune conséquence positive du point de vue du peuple syrien. Les seuls qui en tireraient profit seraient les régimes saoudien, qatari et turc. L’Arabie Saoudite et le Qatar sont deux Etats rivaux qui réclament tous deux le bombardement des dispositifs militaires du régime syrien. Ils ont versé des milliards de dollars aux miliciens sur place. S’ils réussissent à renverser Assad, ou même à l’affaiblir considérablement, ils renforceraient leurs positions stratégiques face à la Russie et à l’Iran et feraient main basse sur au moins une partie des ressources énergétiques du pays. Les Qataris veulent construire un gazoduc passant du Golfe Persique, à travers la Syrie, vers l’Europe. La Syrie, l’Iran et la Russie y sont hostiles.

Quant à l’impérialisme français, il partage beaucoup d’intérêts économiques – et donc stratégiques et militaires – avec le Qatar et l’Arabie Saoudite. De nombreuses formes de « coopération militaire » existent entre la France et ces deux Etats. Bien avant le massacre provoqué par des armes chimiques, l’Arabie Saoudite fournissait des armes lourdes – dont, selon certaines sources, des armes chimiques – aux milices djihadistes. La France est active du côté des djihadistes également. Une dépêche de Reuters publiée au début du mois de septembre affirmait que des conseillers militaires français installés en Turquie et en Jordanie formaient des miliciens à l’utilisation d’armes fournies par les Saoudiens.

Il semblerait que Sarkozy tendait à favoriser les Qataris, alors que Hollande tente de se rapprocher davantage des Saoudiens. Quoi qu’il en soit, les liens entre la France et ces dictatures se sont renforcés au fil des années. En 2006, un accord a été conclu entre Total et la compagnie pétrolière saoudienne Aramco, portant sur la construction d’une raffinerie géante à Jubail. Une joint venture (SATORP) a été créée à cet effet. La construction du site a commencé en 2009. Aujourd’hui, il est en cours d’achèvement et déjà opérationnel. Capable de produire 400 000 barils de pétrole brut par jour pour desservir le Moyen-Orient et l’Asie, le site de Jubail produira également 700 000 tonnes de paraxylène, 150 000 tonnes de benzène et 200 000 tonnes de propylène par an. Ce projet et bien d’autres du même genre, impliquant également des compagnies pétrolières américaines, donnent une idée des intérêts qui sont en jeu dans la région. Dans la lutte pour s’assurer des zones d’influence, le contrôle de la Syrie est un enjeu majeur.

Des considérations de ce genre figurent beaucoup plus large dans les calculs de François Hollande et du système dont il est l’esclave volontaire que la vie de quelques centaines « de femmes et d’enfants ». L’attaque contre la Syrie voulue par Hollande ne répond pas aux « crimes contre l’humanité » du régime Assad mais aux intérêts stratégiques des puissances occidentales et de leurs partenaires dans la région. Quand François Hollande cherche à convaincre la population de la France – sans grand succès, à en croire les sondages – qu’une attaque contre la Syrie viserait à « protéger des civils », il prouve seulement par là qu’il n’est qu’un menteur cynique, comme n’importe quel autre politicien capitaliste.

Depuis des décennies, la Syrie constitue une position stratégique de la plus haute importance pour la Russie. C’est un partenaire économique majeur. La Russie exploite le pétrole et le gaz syriens. D’où l’opposition des Russes au gazoduc que veulent installer les Qataris. Depuis 1971, la Russie dispose d’une base navale importante à Tartous, sur la Méditerranée, face à Chypres. Elle est destinée à abriter des navires de guerre lourds. C’est le seul accès de la Russie sur la Méditerranée. Moscou ne pourrait en aucun cas se permettre de perdre cette base, ni de compromettre sa sécurité en laissant des forces au service d’intérêts hostiles s’installer durablement en Syrie. L’Arabie Saoudite et le Qatar appuient des milices et divers regroupements terroristes en Tchétchénie. Il semblerait qu’ils aient essayé de se servir du contrôle financier et logistique qu’ils exercent sur ces « rebelles » tchétchènes comme monnaie d’échange contre un vote favorable – ou tout au moins une abstention – de la Russie à l’ONU sur la question syrienne.

Amis et intérêts

Lord Palmerston (1784-1865) disait que son pays n’avait « ni amis éternels, ni ennemis éternels, mais seulement des intérêts éternels et perpétuels ». Il parlait de l’Angleterre, mais cela vaut pour toutes les puissances impérialistes, ce dont l’affaire syrienne nous offre une nouvelle preuve. Les représentants du capitalisme français – de droite comme de « gauche » – ne sont ni pour ni contre des fanatiques fondamentalistes. Il en va de même pour les gouvernements américains successifs. Leur attitude est déterminée par leurs intérêts du moment. Rappelons que dans les années 80, pendant la guerre contre le régime pro-soviétique de Kaboul, les milices islamistes étaient financées et armées par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Plus tard, dans les années 90, ces grandes puissances ont participé à la mise sur pied de l’armée des soi-disant « talibans ». Ben Laden était considéré alors comme un allié précieux de l’Occident.

En Libye, les frappes aériennes massives appuyaient les milices fondamentalistes actives au sol, qualifiées de « révolutionnaires » pour l’occasion. Mais lorsque ces mêmes milices menaçaient les intérêts du capitalisme français au Mali, le « danger fondamentaliste » a été ressorti des placards diplomatiques pour justifier une intervention militaire. Pour la Syrie, François Hollande ne peut pas se servir du même prétexte. Les « ennemis » au Mali sont des « amis » en Syrie.

La voix de la France, bien plus forte que ses moyens

Hollande a sans doute pensé se défaire de la mollesse et de l’indécision que ses critiques lui imputent en adoptant un ton particulièrement belliqueux à l’égard de la Syrie. Lui, François Hollande – chef des armées ! – ne se démonterait pas. Sans attendre, il fallait punir la Syrie ! Ici, il faut reconnaître que, quelles que soient les déficiences de François Hollande par ailleurs, il ne manque certainement pas d’air. Si Hollande avait vraiment les moyens de punir la Syrie, qu’est-ce qu’il attendait ? Il attendait juste un peu d’aide… des Etats-Unis ! Quand Hollande et ses diplomates se vantent du « courage de la France », qui « n’a pas hésité à menacer de recourir à la force », ils oublient de préciser que la force en question était américaine – et non française.

Car la vérité, c’est qu’en dépit du bellicisme verbal de son président, la France n’a pas les moyens de faire la guerre contre la Syrie, et le « chef des armées » le sait pertinemment. La France serait incapable de mener une action d’envergure en Syrie. Son apport militaire, par rapport à celui des Etats-Unis, ne serait qu’anecdotique. La France n’a pas les moyens de bombarder la Syrie à partir de la mer. Les frappes aériennes dont elle a – du moins théoriquement – les moyens exposeraient ses avions aux systèmes de défense syriens qui sont, pour le coup, extrêmement sophistiqués. Son alliance avec les Etats-Unis fait penser à celle d’une souris et d’un éléphant. Le petit rôle militaire qu’aurait joué la France dans la « punition » de la Syrie s’est traduit dans le domaine diplomatique par le fait qu’elle n’a même pas eu droit à un strapontin lors des discussions à Genève. Hollande brandissait impuissamment sa petite épée de bois à Paris, pendant que les affaires sérieuses étaient traitées entre la Russie et les Etats-Unis à Genève.

Le fait que la perspective de bombardements ait cédé du terrain à celle d’un « texte fort » doit beaucoup à l’opposition de la Russie et, accessoirement, de l’Iran. La Russie ne peut pas lâcher le régime d’Assad. Par conséquent, une guerre contre la Syrie serait une guerre menée directement contre des intérêts russes. Mais d’autres facteurs majeurs entrent en ligne de compte dans la volte-face américaine, et donc française.

Premièrement, du point de vue de l’impérialisme américain, l’utilité d’une attaque contre la Syrie n’est pas évidente. Si l’intervention devait se limiter à quelques « frappes ciblées », il est clair que le régime syrien s’en remettrait rapidement. En effet, Assad n’est pas seul. La Russie et l’Iran sont des alliés puissants. Si, au contraire, il était question d’infliger des dégâts d’une ampleur telle que les capacités militaires du régime en soient durement affectées, la guerre ne pourrait pas se limiter à quelques destructions et ne serait pas non plus de courte durée. Une intervention de grande envergure attiserait durablement les tensions entre la Russie et les Etats-Unis et aggraverait l’instabilité économique, sociale et politique de l’ensemble du Moyen-Orient. Une guerre prolongée risquerait fort de se répandre vers le Liban, l’Irak et ailleurs.

Des considérations politiques s’ajoutent à ce dilemme concernant l’ampleur de l’action à entreprendre. L’affaiblissement militaire du régime favoriserait l’action des milices fondamentalistes sur le terrain, comme ce fut le cas en Libye. Et si jamais celles-ci parvenaient à renverser le régime, le résultat ne serait pas la création d’un Etat satellite des Etats-Unis, mais la division du pays entre plusieurs zones d’influence des milices djihadistes rivales et, inévitablement, l’extension de la lutte armée vers le Liban et l’Irak, entre autres. C’est pour cette raison que les puissances occidentales ont essayé de soutenir les milices djihadistes juste assez pour affaiblir le régime et le mettre sous pression, mais pas assez pour leur permettre une victoire décisive. Tout en pleurant sur le sort des « victimes de la guerre civile » dans les médias, elles ont sciemment entretenu et prolongé la tuerie dans le but de forcer Assad et les Russes à faire des concessions à l’Arabie Saoudite, au Qatar, au Koweït, etc.

Les guerres en Afghanistan, en Irak et plus récemment en Libye, n’ont pas obtenu des résultats positifs tangibles, même du point de vue des impérialistes. Au cours de la dernière période, le Washington Post a publié plusieurs articles faisant état des « doutes sérieux » de l’Etat-Major américain quant à l’opportunité d’une nouvelle guerre. Cela fait douze ans que les forces armées américaines sont en guerre permanente, et pour quel résultat ? Quelle est la différence entre l’Afghanistan d’aujourd’hui et l’Afghanistan de 2001 ? Douze ans de guerre n’ont servi à rien. En Irak, il n’y a plus Saddam Hussein, qui, ne l’oublions pas, avait été armé et appuyé par des puissances occidentales, dont la France et l’Allemagne. C’est l’Allemagne, en l’occurrence, qui lui fournissait les moyens de fabriquer des armes chimiques, comme elle en a fourni à la Syrie. Mais la situation actuelle en Irak est très instable et contribue ainsi à l’instabilité dans toute la région – y compris en Arabie Saoudite. Il y a aussi le risque d’une flambée des prix pétroliers dans le cas d’une attaque contre la Syrie.

Cette accumulation de contre-indications explique la réticence, voire l’hostilité, des milieux capitalistes et des gouvernements de nombreux pays – dont l’Allemagne et pratiquement tous les pays européens – au déclenchement d’une guerre contre la Syrie. Le sentiment qu’une intervention risquerait de créer bien plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait explique aussi le vote du parlement britannique et l’opposition d’une majorité de sénateurs américains.

Enfin, il y a l’opposition des populations dans les pays agresseurs. Trois Américains sur quatre et au moins deux Français sur trois sont hostiles à une intervention en Syrie. Dans l’armée américaine, des pétitions clandestines circulent contre la guerre. Officiers et soldats de rang se prennent en photo, se couvrant le visage d’une feuille de papier sur laquelle il est écrit : « Je n’ai pas rejoint les Marines pour me battre à côté d’Al Qaeda ». Ou encore : « Nous avons perdu trop d’hommes en Afghanistan aux mains des djihadistes. Pourquoi les aider en Syrie ? » Les peuples ont vu que les guerres en Afghanistan et en Irak n’ont abouti à rien, si ce n’est à installer des gouvernements fondamentalistes oppresseurs et corrompus, entourés de chefs de guerre djihadistes. Et ils en ont assez.

En France, par exemple, Hollande s’en prend aux hôpitaux, à la sécurité sociale, aux services publics, aux retraites, aux droits et aux conditions de travail des salariés. Au nom de l’endettement de l’Etat, il augmente la fiscalité, même pour les foyers les plus modestes. Et pourtant, il est prêt à consacrer des centaines de millions d’euros à des guerres pour le compte des compagnies de pétrole et des marchands d’armes. La guerre en Libye et les autres opérations militaires engagées en 2011 ont coûté 1,7 milliard d’euros. En 2012, le coût des opérations a été de 837 millions. Un porte-avions avec son groupe aérien déployé pendant une semaine coûte entre 20 et 30 millions d’euros. Un destroyer déployé pendant une semaine coûte entre 5 et 6 millions d’euros. Un seul missile air-sol AASM coûte 350 000 euros. Combien d’emplois pourrait-on créer avec cet argent en France, où le capitalisme a créé une « armée » de 5 millions de demandeurs d’emploi ?

Constatant toutes les difficultés et divisions dans lesquelles les puissances occidentales s’embourbaient, Poutine a pu infliger une défaite diplomatique majeure aux Etats-Unis. Sa proposition concernant la mise sous tutelle des armes chimiques syriennes, qui aurait été rejetée sans appel dans d’autres circonstances, enlevait le dernier brin d’argumentation aux partisans des frappes.

Le coup est dur pour Obama et les « maîtres de la guerre » américains – habitués comme ils le sont à décider de la guerre ou de la paix à leur guise. Il l’est encore plus pour Hollande. Il se démène comme il peut pour se préserver du ridicule. Son épée de bois a été remplacée par la revendication d’un « texte » qui devrait être « fort », c’est-à-dire incluant la menace d’une intervention armée contre la Syrie si son gouvernement ne se pliait pas aux conditions fixées par le Conseil de Sécurité de l’ONU. En l’occurrence, la résolution russo-américaine ne menace pas la Syrie et n’attribue pas non plus la responsabilité de l’utilisation de gaz toxique au régime syrien. Fabius et Hollande, essuyant ce nouveau camouflet, avaient tout de même assez de courage – ou de sens de l’humour, peut-être – pour qualifier la résolution de « pas en avant » ! Dans les faits, c’est une défaite diplomatique cinglante.

Tous les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sont déstabilisés. Les événements en Syrie se déroulent dans ce contexte. En Tunisie et en Egypte, révolution et contre-révolution s’affrontent. Le cours des événements échappe au contrôle des grandes puissances, qu’elles soient occidentales ou orientales. Les régimes tyranniques du monde arabe, inextricablement liés aux intérêts impérialistes, sentent le sol se dérober sous leurs pieds. La déstabilisation se propage désormais aux puissances régionales que sont l’Iran, l’Arabie Saoudite et Israël, dont les régimes cherchent désespérément à consolider leur position intérieure par la défense et l’extension de leurs « zones d’influence » à l’extérieur. Toutes ces turbulences sont la conséquence d’un ordre social – le capitalisme – devenu totalement incompatible avec le développement économique et social, un ordre qui ne peut se maintenir qu’en refoulant l’humanité en arrière. Pour les masses d’Afrique et du Moyen-Orient, déjà misérables, cette régression signifie une descente en enfer. Non l’enfer imaginaire des religions, mais un enfer terrestre, un enfer matériel et mortel.

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