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Les salariés d’Air France sont à nouveau frappés par de brutales mesures d’austérité. Le plan d’économie prévoyait la suppression de 5 100 postes. La direction vient d’annoncer qu’elle porte ce chiffre à près de 8 000. Parmi les autres nouvelles mesures, la flotte d’avions réservée au transport des marchandises sera réduite drastiquement – de 13 à 4 avions – et la gare de fret d’Orly sera fermée, comme plusieurs escales de province. Le principe de nouvelles mises en sous-traitance est annoncé. On redoute l’externalisation à terme des milliers d’emplois à l’accueil des passagers et parmi les bagagistes.

Cet été, le PDG d’Air France/KLM, Alexandre de Juniac, avait prévenu que l’aggravation de l’austérité à venir ne consisterait pas en des « mesurettes ». Comprenez que pour ces gens-là, la casse de toutes les conventions collectives et la suppression de plus de 5 000 emplois, annoncées dans la première vague d’attaques, étaient de simples « mesurettes ».

Le plan d’austérité Transform 2015 n’a pas encore provoqué une action de grève massive et généralisée à l’ensemble des salariés de la compagnie. Air France connaît régulièrement des grèves, mais souvent locales et sous des mots d’ordre très partiels. Trois facteurs principaux expliquent cette situation. 1) Les salariés les moins combatifs tolèrent – pour le moment – les mesures d’austérité dans l’espoir qu’elles permettront de rétablir les comptes de la compagnie, très déficitaires depuis plusieurs années. 2) Le rôle joué par les dirigeants d’une partie des syndicats de la compagnie (CFDT, FO, CGC), qui ont validé le plan d’austérité et entretiennent l’illusion d’un « retour à meilleure fortune », c’est-à-dire le retrait des mesures d’austérité une fois les comptes à nouveau excédentaires. (Or, a-t-on déjà vu le patronat augmenter massivement les salaires, réévaluer les conventions collectives à la hausse et réembaucher des salariés licenciés sans y être contraint par la force d’une grève ?). 3) Le découragement des salariés les plus combatifs face aux grèves fréquentes mais isolées et partielles, qui conduisent à des échecs systématiques, faute d’une stratégie de lutte correcte de la part des syndicats opposés au plan Transform 2015. Ainsi, à Paris, les mécaniciens ont été en grève, puis le cargo, puis l’escale, puis les navigants, puis les commerciaux, puis Marseille, puis la Corse, puis Bordeaux, etc., de façon improvisée et jamais coordonnée.

Perspectives

Cette situation finira par se modifier sous l’impact des événements. Car il n’y aura pas de retour en arrière possible. D’abord du fait de la crise économique qui va se poursuivre durablement. N’en déplaise à François Hollande, il n’y a pas de reprise économique. Dans ces conditions, la croissance du secteur aérien ne peut se faire qu’à la condition de baisser ses coûts d’exploitation pour afficher les prix les plus attractifs. D’où la tendance générale vers les modèles « low cost ». On estime à 50 % l’écart de coûts entre Air France et Easyjet en 2011. En réponse à une question d’un journaliste sur cet écart après l’actuel plan d’austérité, le PDG d’Air France a estimé que « l’écart se réduit, mais les coûts d’Air France resteront plus élevés que ceux des low cost. En revanche, Transavia [la compagnie low cost d’Air France], dont les coûts sont environ deux fois moindres que ceux d’Air France, n’en est pas très loin ». [ 1].

Pour obtenir un même plat, il faut suivre la même recette. Les low cost grignotent les parts de marchés des grandes compagnies historiques parce qu’elles calculent leurs coûts au plus juste, paient de faibles salaires, exploitent les salariés à un taux plus élevé que ceux des compagnies traditionnelles. Désormais Transavia se développe rapidement. En cinq ans, sa flotte augmentera de 19 avions tandis que celle d’Air France diminuera de 15 avions. Des pilotes d’Air France sont en train d’y être transférés et des lignes aériennes anciennement Air France (ou de ses filiales régionales) vont être exploitées par Transavia. Cette politique de transfert n’en est qu’à son début. Le même processus est en cours chez Lufthansa avec sa filiale low cost Germanwings, ou dans le groupe British Airways/Iberia, avec Vueling et Iberia Express.

Ainsi, la croissance du chiffre d’affaires d’Air France ne peut se faire que sur la base de la régression sociale à long terme. Même dans l’hypothèse d’un retour à des comptes positifs, les attaques se poursuivront. Car la baisse générale des coûts d’exploitation est à l’œuvre chez l’ensemble des acteurs du secteur, y compris d’ailleurs chez les compagnies low cost. Confrontés à la dégradation à long terme de leur situation, le sentiment d’injustice ne fera que se renforcer chez les salariés d’Air France. Les conditions d’un puissant mouvement de lutte seront plus mûres encore. Ceci placera les syndicats signataires du plan Transform 2015 sous une forte pression des salariés. Leur discrédit grandira à mesure que la colère s’exprimera. Alors, les syndicats non-signataires, la CGT en tête, auront pour tâche de conduire la bataille.

Les conditions pour mener cette bataille doivent se préparer dès à présent en mettant un terme à la dispersion, en se coordonnant, en formant des militants capables d’organiser des assemblées générales, de diriger les luttes dans tous les secteurs de la compagnie, et au-delà, chez les salariés des filiales et des sous-traitants. 


 [ 1Les Echos du 1er octobre 2013

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