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Les riches à la rescousse

L’appel de seize patrons milliardaires, publié fin août par le Nouvel Observateur, a fait le tour des autres médias. Ils demandent de payer une « contribution exceptionnelle » au Trésor Public. On y lit : « Au moment où le déficit des finances publiques et les perspectives d’aggravation de la dette de l’Etat menacent l’avenir de la France et de l’Europe, au moment où le gouvernement demande à tous un effort de solidarité, il nous semble nécessaire d’y contribuer. » Parmi les signataires figurent Jean-Paul Agon et Liliane Bettencourt (L’Oréal), Antoine Frérot (Veolia), Maurice Lévy (Publicis) et Christophe de Margerie (Total).

Prenons tout d’abord la véritable mesure de cette proposition. Le gouvernement a mis un chiffre sur « l’effort » collectif auquel ces bonnes âmes veulent bien consentir : 200 millions d’euros. Quand on gagne le SMIC, cela semble être beaucoup d’argent. Mais quand on possède une fortune aussi colossale que les signataires de cet appel, ce n’est rien. Prenons le seul cas de Mme Bettencourt. 200 millions d’euros représentent à peu près ce qu’elle engrange en dividendes de L’Oréal en l’espace d’une année, sans parler de ses autres sources de revenus.

La « générosité » de cet appel est donc toute relative. Néanmoins, cette démarche fait réfléchir, n’est-ce pas ? Les capitalistes passent leur vie à s’enrichir sur le dos des autres. Les grandes fortunes de France sont des spécialistes de la fraude et du détournement des fonds publics. Ce sont les capitalistes qui ont ruiné l’Etat. Ils emploient une légion d’experts en « optimisation fiscale » pour réduire au strict minimum – par des moyens légaux ou illégaux – le montant de leurs impôts. Ils profitent largement des fameuses « niches fiscales », qui rapportent quelques 50 milliards aux plus fortunés (et 25 milliards à d’autres personnes relativement aisées). Ils utilisent des paradis fiscaux pour cacher des revenus imposables et couvrir leurs activités illégales. En Suisse, les banques détiennent au moins 80 milliards d’avoirs français non déclarés. Que peut donc signifier, chez ces requins capitalistes, un tel accès de générosité ? Quel est le but de cette opération médiatique ?

« L’appel des seize » est avant tout l’expression du cynisme de ses signataires et de leurs amis dans les médias. Ils écrivent : « Cette contribution n’est pas une solution en soi : elle doit s’inscrire dans un effort plus global de réforme, tant sur les dépenses que sur les recettes. » Voilà une des clés de cette affaire. L’« effort global de réforme » comprend le saccage des retraites et de la sécurité sociale, la destruction progressive de l’Education Nationale et de l’ensemble des services publics, la réduction massive du nombre de fonctionnaires, la pression constante sur les salaires et les conditions de travail. Les 200 millions offerts à titre « exceptionnel » représentent une minuscule ristourne sur les dizaines de milliards que la politique du gouvernement rapporte à ces parasites. Cet appel est une stratégie de manipulation de l’opinion publique destinée à justifier un durcissement de la politique d’austérité qui frappe la masse de la population – et surtout les plus pauvres – au profit des plus riches.

Tout ceci traduit aussi une certaine peur chez les capitalistes. Ils savent pertinemment que le gouffre entre les riches et les pauvres se creuse d’année en année. La « grande misère » se généralise. Mais malgré la « crise » – qui ne touche pas ceux qui en sont responsables –, les 10 % les plus riches se sont encore enrichis au cours de ces dernières années. Les capitalistes ont beaucoup de pouvoir, il est vrai. Ce pouvoir repose sur leur propriété – et notamment sur la propriété privée des moyens de production, des rouages du commerce et des banques. Mais en même temps, c’est une classe faible. D’une part, elle est peu nombreuse comparée au salariat. D’autre part, son pouvoir repose sur la patience de la population en général et des travailleurs en particulier. Si jamais cette masse décide de ne plus tolérer le pouvoir capitaliste et d’entrer en action pour y mettre fin, il s’écroulera comme un château de cartes. Et c’est la crainte de cette perspective qui pousse ces quelques riches à la « générosité ». Il faut afficher une « solidarité » fictive et hypocrite en haut, dans l’espoir de calmer la colère sourde mais explosive qui gronde en bas !

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