L’année 2015 a été marquée par un déchaînement de guerres et de terrorisme. Des dizaines de conflits armés sèment la mort et la désolation en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. Ils ont tué, blessé ou forcé à l’exil des millions de personnes. Aux frontières de l’Europe, l’Ukraine s’est enfoncée dans une guerre civile qui, d’après l’ONU, a tué près de 10 000 personnes et en a blessé plus de 20 000. La liste des pays frappés par le terrorisme n’a cessé de s’allonger. La barbarie dont Paris a été victime peut, demain, ensanglanter Londres, Bruxelles ou d’autres villes d’Europe.
Les grands médias français passent sous silence la plupart des conflits en cours. Par exemple, ils n’évoquent presque jamais la guerre que le gouvernement d’Erdogan a déclarée aux Kurdes et aux militants de gauche, en Turquie, ou encore le bombardement du Yémen par l’armée saoudienne. Ces silences ne sont pas le fruit du hasard ou de l’indifférence ; ils sont délibérés, complices. Malgré leurs dissensions croissantes avec les impérialistes occidentaux, les criminels qui dirigent l’Arabie Saoudite et la Turquie sont toujours leurs « alliés ».
Les informations que diffusent les grands médias sont taillées dans le mensonge et l’hypocrisie. A les entendre, les guerres et le terrorisme seraient des affrontements entre des systèmes de « valeurs ». Lorsque l’aviation française frappe la Syrie et l’Irak, ce ne sont pas des bombes qui tombent du ciel, mais « la liberté, l’égalité et la fraternité ». Le premier devoir du mouvement ouvrier français est de réfuter cette propagande écœurante – en rappelant, par exemple, le rôle du gouvernement français dans le financement et l’armement des fondamentalistes en Syrie, il y a peu.
Crise économique et morale
En dernière analyse, l’épidémie de violence qui ravage la planète est une expression de l’agonie du système capitaliste. Il a complètement épuisé son potentiel progressiste, mais refuse de mourir. Ce n’est pas étonnant. Jamais les classes dirigeantes n’ont abandonné leur pouvoir et leurs privilèges sans se battre, même si cela implique d’aggraver les souffrances du reste de l’humanité. En outre, les bourgeois sont convaincus qu’ils sont les seuls à être capables de diriger la société, malgré le chaos qui en résulte.
L’impasse du capitalisme se manifeste d’abord sur le plan économique. Huit ans après l’éclatement de la crise, l’économie mondiale n’a toujours pas renoué avec une croissance digne de ce nom. Et les problèmes continuent de s’accumuler, dont le ralentissement de la Chine. De nombreux économistes évoquent désormais le risque d’une nouvelle récession mondiale. Quoi qu’il en soit, les contre-réformes et les mesures d’austérité vont s’intensifier, partout. Récession ou pas, cette politique est la seule possible du point de vue de la bourgeoisie. Des millions de jeunes, travailleurs et retraités en feront les frais, à commencer par les plus fragiles.
Mais la crise organique du capitalisme n’est pas réductible à sa seule dimension économique, même si celle-ci en forme la base. Un sentiment de malaise se développe à une vaste échelle, y compris dans les classes moyennes, face à la putréfaction morale du système, au sens large de ce terme. Les « élites » politiques et économiques sont largement déconnectées des problèmes auxquels sont confrontés les gens ordinaires. Habituées à l’atmosphère corrompue de leurs petits cercles, à leurs passe-droits et privilèges, elles finissent par oublier l’homme de la rue qui gagne sa vie honnêtement, mais toujours plus difficilement – et qui les observe avec un dégoût croissant.
L’opulence des plus riches atteint des degrés inouïs que rien ne peut justifier, sinon la folie d’un système décadent. Dans Le Figaro du 30 décembre dernier, on apprend que Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a plus que doublé sa fortune personnelle en 2015. Ce simple mortel « pesait » 28,6 milliards de dollars fin 2014 ; il en pèse 59,3 milliards aujourd’hui. Il prend ainsi la quatrième place du palmarès des parasites géants, derrière Bill Gates (83,6 milliards), Amancio Ortega (73,2 milliards) et Warren Buffet (62,5 milliards). Ce dernier a perdu 11,3 milliards de dollars en 2015, soit environ le PIB du Nicaragua. Le Figaro précise : cette perte n’est pas « de nature à bouleverser (son) mode de vie ». On s’en serait douté. Pendant ce temps, 2,8 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour.
Crise politique
La politique du gouvernement Hollande est entièrement subordonnée aux intérêts des gros parasites français, les Bettencourt (33,3 milliards), Arnault (32,2 milliards) et compagnie. Or du fait de la situation économique, ces derniers exigent des coupes drastiques dans les dépenses publiques, la mise à sac du Code du travail, la destruction des services publics – et des « allègements de charges » pour eux-mêmes. Les dirigeants « socialistes » ayant juré fidélité au capitalisme, à ses lois et ses maîtres, ils s’exécutent avec enthousiasme.
Hollande a poursuivi la politique de Sarkozy, en pire. Une profonde crise politique en a forcément découlé ; elle s’est amplifiée lors des élections régionales de décembre. En chute libre dans l’opinion, le gouvernement a cyniquement profité des attentats du 13 novembre pour désamorcer la gronde sociale en imposant l’« état d’urgence », avec le soutien scandaleux des députés du PCF. L’état d’urgence n’est pas dirigé contre les terroristes potentiels, dont il ne peut empêcher l’action. Il est dirigé contre nos droits démocratiques, comme on l’a très vite constaté. Le mouvement ouvrier doit exiger sa levée immédiate – et lutter pour l’obtenir.
La politique intérieure et extérieure du gouvernement Hollande ne diminue pas mais, au contraire, accroît la probabilité de nouveaux attentats en France. Le bombardement de la Syrie et de l’Irak fait le jeu de la réaction fondamentaliste, au final, quel qu’en soit l’impact militaire immédiat (et des victimes civiles sont inévitables). Quant à la proposition relative à la « déchéance de la nationalité », elle n’a rien à voir avec la « protection des Français », bien sûr. L’objectif est de détourner l’attention des travailleurs des véritables responsables de la misère et du chômage qui ne cessent d’augmenter, dans le pays. Le Front National en sera le principal bénéficiaire, une fois de plus.
Un monde qui lutte pour naître
Les attentats, les élections régionales et les manœuvres réactionnaires du gouvernement ont créé un climat qui pèse sur le moral de nombreux militants de gauche. Mais le terrorisme, le Front National et la faillite des dirigeants « socialistes » ne sont, au fond, que différentes expressions d’un système à l’agonie. Ne perdons pas de vue la société nouvelle qui s’efforce de naître – une société juste, digne des hommes et des femmes qui la composent. C’est l’espoir de ce monde nouveau qu’incarnent les grandes mobilisations politiques autour de Podemos, en Espagne, ou de Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne.
La même colère et les mêmes aspirations existent en France. Elles finiront par trouver une expression massive dans la jeunesse et le mouvement ouvrier – non dans 10 ou 20 ans, mais bien avant. Nous devons contribuer à faire émerger ce mouvement d’opposition de gauche aux politiques d’austérité et au système qui les réclame. Mais nous devons aussi tirer les leçons de l’échec de Syriza, en Grèce, qui avait incarné les mêmes espoirs et qui les a déçus, malgré le soutien et l’enthousiasme de millions de Grecs.
Alexis Tsipras a refusé de s’attaquer à la grande propriété capitaliste. Dès lors, il a dû renoncer à son programme sous la pression de la troïka. L’échec de cette politique réformiste sonne comme un avertissement à Jeremy Corbyn, aux dirigeants de Podemos et à l’ensemble du mouvement ouvrier international. La naissance d’un monde nouveau, débarrassé des injustices et de l’oppression, ne pourra pas faire l’économie d’une rupture avec le système actuel, qui repose sur la propriété privée des banques et des grands moyens de production. On ne pourra pas venir à bout des politiques d’austérité, des inégalités et du chômage sans venir à bout du capitalisme lui-même. Le monde nouveau sera socialiste, au sens marxiste du terme, ou ne sera pas.
Sommaire
L’agonie d’un système - Edito du n°9
Smart : les petites voitures font les longues semaines
Quelques rappels sur le temps de travail en France
La colère monte dans les usines Latécoère
La casse de l’hôpital public et de l’accès à l’IVG
Carton rouge pour la mairie de Paris
Les élections régionales et l’avenir du Front de Gauche
Sur la géopolitique de Jean-Luc Mélenchon
Vers une nouvelle récession mondiale ?
Turquie, Arabie Saoudite : deux régimes au bord du gouffre
Elections en Espagne : un coup contre le régime
Portugal : un gouvernement socialiste sous pression de la troïka
Venezuela : la contre-révolution remporte les élections
Pour une planification socialiste et démocratique de l’économie
Souscription 2016 - Soutenez la TMI ! Soutenez Révolution !
Pakistan : nos camarades fondent l’Alliance de la Jeunesse Progressiste
Le capitalisme et la jeunesse