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Cet entretien a été réalisé fin mai, avant les dernières annonces du gouvernement, qui n’ont fait que confirmer les craintes de la CGT-Taxis sur l’augmnentation du nombre de licences.

La Riposte : Quelle est la situation des chauffeurs de taxis, sur Paris ?

Karim Asnoun : Il y a trois catégories de chauffeurs : environ 800 salariés, 7000 locataires et 8000 « artisans ». Contrairement à ce que racontent les médias, aucun chauffeur n’est un « privilégié », quel que soit son statut. En fait, c’est de l’esclavage moderne. Les « artisans » – en fait, des travailleurs – doivent rembourser le crédit avec lequel ils ont acheté leur licence, et travaillent souvent plus de 60 heures par semaine. Les salariés, eux, sont pénalisés par une mauvaise convention collective. Par exemple, ils ne sont payés que pendant la durée des courses. Or un taxi passe la moitié de son temps à attendre les clients.

Les plus mal lotis sont clairement les locataires. Ils louent leur voiture à des grandes entreprises – comme la G7 – qui possèdent des licences. Pour cela, ils doivent sortir d’avance 80 à 130 euros par jour (selon qu’ils ramènent la voiture à la société ou chez eux, après le travail). A quoi s’ajoutent les frais de carburant, qui sont à leur charge. Résultat : ils doivent travailler 7 jours sur 7, à raison de 10 à 11 heures par jour, pour gagner leur vie. A ce rythme, ils sont souvent complètement lessivés au bout d’un ou deux ans, après quoi ceux qui le peuvent achètent une licence. Les autres cherchent un autre métier. D’où une très grande volatilité, parmi les locataires, qui complique le travail syndical.

Les patrons des entreprises de location sont de véritables parasites. Ils ont obtenu les licences pour trois fois rien. Tout ce qu’ils apportent, ce sont les voitures – or tout le monde peut prendre un crédit pour acheter une voiture. Les patrons ne prennent aucun risque : quels que soient la conjoncture et le chiffre d’affaires du chauffeur, ils engrangent les 80 à 130 euros par jour. Par ailleurs, sous prétexte que les chauffeurs ne sont pas leurs « salariés », ils sont dégagés de toute responsabilité sociale : si un chauffeur tombe malade, par exemple, le patron n’est pas obligé de le reprendre. Par ailleurs, les locataires n’ont pas d’assurance chômage.

LR : Que revendique la CGT-Taxis ?

K. A : On demande – entre autres – l’abolition pure et simple de la location. Les locataires doivent être reconnus pour ce qu’ils sont, en réalité : des salariés. Les patrons doivent rendre les licences aux chauffeurs. Dans le même temps, il faut renégocier la convention collective des salariés, de façon à la rendre attractive.

LR : La CGT a mobilisé les taxis à plusieurs reprises, ces derniers mois. Mais contre quoi, précisément ?

K. A : Le gouvernement Fillon s’est violemment attaqué aux chauffeurs. Premièrement, il a supprimé la « détaxe », c’est-à-dire le remboursement partiel des frais de carburant. Cela concerne les locataires et les « artisans », soit l’écrasante majorité des taxis. Le manque à gagner, pour les chauffeurs, est de 2142 euros par an ! C’est cette somme qui permettait aux chauffeurs de partir en vacances, ou, simplement, de prendre quelques semaines de repos. Il s’agit d’un acquis de 1981, qui faisait partie du programme de Mitterrand et que la CGT demandait depuis des décennies.

Suite à la mobilisation des taxis, Sarkozy a lâché quelques miettes : 532 euros en 2008. Cela représente une perte de 1610 euros sur l’année. C’est inadmissible. Mais la lutte n’est pas terminée.

Le deuxième scandale, c’est le projet d’augmenter le nombre de chauffeurs, sur Paris. Ils parlent de 1000 à 2000 licences supplémentaires. Cela ne ferait qu’aggraver la situation – déjà ultra-précaire – des taxis. Sarkozy nous dit : « en augmentant l’offre, on va mécaniquement augmenter la demande ». Il se moque de nous. En réalité, les taxis seront plus nombreux à vivre de plus petites miettes : voilà tout. On le sait d’expérience.

Ah, mais il n’y a pas assez de taxis, nous dit-on. On lit dans la presse des « témoignages » du style : « Samedi dernier, en sortant d’une soirée VIP, sur les Champs-Elysées, j’ai attendu un taxi pendant une demi-heure… » Tel est le degré de démagogie des grands médias. Ils oublient de rappeler que le samedi soir est l’exception. Le reste de la semaine, je le répète, les taxis passent la moitié du temps « à vide », à attendre un client. Par ailleurs, on comprend que certains taxis ne veuillent pas travailler le samedi soir : les gens ont fait la fête, ils ont bu, et c’est très stressant pour le chauffeur.

LR : Le gouvernement dit que cela créera des emplois…

K. A : C’est parfaitement hypocrite. S’ils veulent créer des emplois, qu’ils construisent des usines, au lieu de les fermer ! D’ailleurs, nous aussi nous sommes pour la création d’emplois de chauffeurs, mais sur la base d’une réduction du temps de travail pour tous. Cela suppose d’abolir la location. Sans cela, l’augmentation du nombre de licences – que, bien sûr, le gouvernement veut donner aux patrons – ne ferait qu’accroître encore l’exploitation inhumaine que vivent les chauffeurs.

Le gouvernement veut nous renvoyer au début des années 30, quand il n’y avait pas de numerus clausus et que les chauffeurs suivaient les tramways, en espérant qu’ils tombent en panne. C’était la jungle, et c’est à cela que Sarkozy veut nous ramener. On ne se laissera pas faire !

Propos recueillis par Laurent Igheroussene (PCF Paris)

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