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Mohammed Ben Salman et Donald Trump

Cet article a été écrit avant l'offensive turque contre le Rojava. Il conserve néanmoins toute sa pertinence.


Le 14 septembre dernier, une attaque de drones contre la raffinerie de pétrole d’Abqaiq et le champ de pétrole de Khurais, en Arabie Saoudite, a fait chuter de 5 % la production mondiale de pétrole. Cet événement est une bonne illustration de ce qu’est devenu le Moyen-Orient sous l’impact des interventions et manœuvres impérialistes : une véritable poudrière.

La montée en puissance de l’Iran

L’attaque a été revendiquée par le mouvement yéménite islamiste des Houthis, qui mène – avec le soutien de l’Iran – une guerre contre la coalition menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (avec le soutien des impérialistes occidentaux).

Depuis plusieurs mois, les Houthis ont amélioré leurs capacités militaires et ont pu frapper des cibles lointaines à l’intérieur de l’Arabie Saoudite. Mais des analystes ont aussi pointé du doigt une milice irakienne soutenue par l’Iran, les Hachd al-Shaabi (Forces de Mobilisation Populaires - FMP). Celles-ci auraient riposté à des attaques aériennes menées contre leurs positions par Israël, avec l’aide de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis.

Washington et Riyad, mais aussi Paris, Londres et Berlin, ont pointé du doigt Téhéran. Ils accusent l’Iran d’avoir mené une « attaque sans précédent contre l’approvisionnement énergétique mondial ». Qui que soient les véritables auteurs de l’attaque, elle est la conséquence logique de la politique menée dans la région par les grandes puissances impérialistes – et leurs relais locaux.

En intervenant en Afghanistan (2001) et en Irak (2003), notamment, les Etats-Unis ont complètement déstabilisé la région. Non seulement ils ont perdu ces guerres monstrueuses et coûteuses, mais ils ont ouvert un vide dans lequel s’est engouffré l’Iran, qui est devenu la principale force militaire de la région. L’accord signé par Barack Obama, sur le nucléaire iranien, était la reconnaissance de cet état de fait.

Mais cet accord était inacceptable pour les dirigeants saoudiens. Ils sont parfaitement conscients de la fragilité de leur régime, qui repose sur l’argent du pétrole et le soutien de Washington. Ils ont donc multiplié les guerres contre les alliés de l’Iran en Syrie ou au Yémen, avec le soutien actif des puissances occidentales. Malgré les innombrables crimes de guerre commis au Yémen par l’armée saoudienne, la France reste l’un de ses principaux fournisseurs d’armements.

Riyad et Washington

Si elles ont rempli les comptes en banque de Dassault et Thalès (entre autres), toutes ces dépenses en armes n’ont pas apporté beaucoup de victoires au régime saoudien. En Syrie, leur guerre par procuration a été un échec total face à l’intervention de la Russie et de l’Iran. Au Yémen, après quatre ans d’une guerre barbare, la coalition que dirigeaient les Saoudiens s’est désintégrée. Les milices soutenues par les Emirats Arabes Unis se sont retournées contre leurs alliés soutenus par les Saoudiens. Surtout, les Houthis sont loin d’être vaincus. Fin septembre, ils ont même été capables de mener une offensive terrestre victorieuse assez loin en territoire saoudien.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump, critique déclaré de l’accord sur le nucléaire iranien, était une bouffée d’espoir pour la monarchie saoudienne, qui a tout fait pour entraîner les Etats-Unis dans une guerre contre l’Iran. Mais même si Trump a sorti les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, il n’est pas en position d’attaquer l’Iran, comme l’a montré son annulation in extremis de frappes aériennes, en juin dernier. Déjà en difficulté en Afghanistan, au Sahel et en Syrie, l’impérialisme américain ne pourrait pas lancer d’offensive militaire contre l’Iran, même limitée à des frappes aériennes, sans déclencher un chaos sanglant dont il sortirait forcément affaibli.

De son côté, l’Iran a montré qu’il lui était facile de mettre en danger la production de pétrole saoudien, via ses alliés Houthis ou les FMP irakiennes. Téhéran, comme Washington, s’efforce d’accumuler un maximum d’atouts avant de négocier. C’est ce qui explique le limogeage du « va-t-en-guerre » John Bolton par Trump, tout comme son refus des offres de « médiation » de Macron sur la question iranienne. Le président français parle beaucoup – mais dans le vide, comme toujours lorsque les intérêts fondamentaux des grandes puissances sont en jeu.

Une allumette sur un tas de bois sec

La démonstration pratique de la vulnérabilité de l’industrie pétrolière saoudienne a provoqué un moment de panique sur les marchés financiers. Le prix du pétrole a même augmenté de 20 % en une seule matinée : du jamais vu depuis la guerre du Golfe de 1990. Dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale, les marchés internationaux n’ont pas beaucoup apprécié la plaisanterie.

Cette situation renforce ceux qui, en Europe ou chez les opposants américains à Trump, espèrent qu’un nouvel accord avec l’Iran permettrait de stabiliser la région. Mais cette solution pousserait sans doute Riyad à de nouvelles provocations contre l’Iran. Chaque soubresaut militaire, économique ou politique aggrave les contradictions qui déchirent tous les régimes de la région. Cela rappelle, si besoin, que les impérialistes n’ont rien à offrir au Moyen-Orient, à part la barbarie généralisée.

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