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Radio France vient d’être paralysée par le conflit social le plus dur de son histoire, après Mai 68 : 28 jours de grève. Or, ce conflit concerne un service public essentiel : le groupe héritier de l’ORTF, au capital détenu entièrement par l’Etat, qui regroupe toutes les radios publiques ainsi que deux orchestres et deux chorales. Il emploie 4600 salariés « équivalents temps plein ». En fin de conflit, la CGT a déclaré : « cette grève historique n’a pourtant pas suffi à faire reculer la direction et le gouvernement ». Pouvait-il en être autrement ?

Une grève contre l’austérité budgétaire

Cinq syndicats, la CFDT, la CGT, FO, SUD et l’Unsa, sont à l’origine de cet appel à la grève illimitée. Les salariés exigeaient : « 1) l’arrêt des externalisations des activités, l’abandon des méthodes brutales de la direction et le retour à des conditions de travail dignes ; 2) l’abandon de la réorganisation du service propreté ; 3) des effectifs et des moyens nécessaires au service accueil et sécurité ; 4) l’abandon de la réforme des modes de production et de la verticalisation des métiers et des moyens de production ; 5) le maintien de l’ensemble des formations musicales permanentes et du potentiel de Radio France, afin de préserver la richesse de l’offre musicale ».

Les grévistes redoutaient que la direction – et donc l’Etat – délaisse la vocation de service public de Radio France et privilégie des critères de rentabilité. Par exemple, les antennes locales de France Bleu refusent la « syndication » prônée par la direction, c’est-à-dire la mutualisation des programmes dans un souci d’économies. Dans le cadre de l’austérité généralisée, le gouvernement souhaite en effet que Radio France, comme les autres entreprises publiques, réalise des coupes budgétaires. Il a donc demandé à son PDG d’économiser 50 millions d’euros d’ici à 2019.

Des coupes généralisées

Nommé à la tête de Radio France il y a un peu plus d’un an, Mathieu Gallet a donc réalisé un « projet stratégique » pour atteindre cet objectif gouvernemental. La masse salariale représentant 60 % du budget du groupe public, le PDG envisage de la réduire, via 300 à 380 « départs volontaires », en priorité chez les seniors. L’idée de supprimer un des deux orchestres a été finalement abandonnée grâce à la grève, mais leur taille serait réduite. Le plan prévoit aussi l’arrêt de la diffusion en ondes courtes et moyennes. France Musique, dont une partie des émissions basculeraient sur le web, est la radio la plus touchée par ces coupes.

Radio France est financée à plus de 90 % par la redevance audiovisuelle. Mais cette ressource financière est passée de 610 à 601 millions d’euros entre 2012 et 2015. Or, le budget global de Radio France était d’environ 660 millions d’euros en 2014. En 2015, pour la première fois de son histoire, le conseil d’administration du groupe a adopté un budget déficitaire. A l’inverse, la facture du chantier de rénovation de la Maison de la radio n’a cessé de grimper en 10 ans (de 172 à 584 millions d’euros), cristallisant là aussi la colère des salariés.

Négocier ?

Pour tenter de sortir de l’impasse, les syndicats de Radio France ont réclamé un médiateur. Mais ce dernier – et à travers lui, le gouvernement – ne s’est engagé qu’à être présent lors des trois prochains mois pour accompagner la préparation du contrat d’objectifs et de moyens (COM), où la stratégie de Radio France pour les cinq prochaines années serait consignée. L’unité syndicale a commencé à se fissurer précisément autour de l’illusion de possibles négociations avec l’Etat, via ce médiateur.

Suite au succès de la grève, la persistance des organisations syndicales à vouloir négocier est difficilement compréhensible. Pourquoi « négocier » un plan de départs volontaires alors qu’il était refusé dès le départ de la grève ? Les syndicats et l’assemblée générale étaient partagés entre le refus de négocier davantage avec la direction – illustré par la motion de défiance votée contre Mathieu Gallet – et le fait de continuer à se rendre aux réunions pour en retirer « tout ce qu’on pourra obtenir ». Les directions syndicales ont au final préféré lever la grève pour se concentrer sur la négociation à venir avec le médiateur – en contradiction avec l’avis des 400 salariés de l’Assemblée Générale qui refusaient toute capitulation !

Cette fin de grève laisse un gout amer chez les salariés les plus combatifs. Mais la paralysie quasi complète de Radio France au cours de ce conflit démontre la force des salariés, pour lesquels l’expérience est importante. Il s’agit d’un avertissement aussi bien pour le gouvernement que pour les directions syndicales trop timorées : de plus en plus de salariés sont prêts à lutter contre l’austérité par tous les moyens nécessaires !

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