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Cet article date de la fin du mois d'août. Depuis, les sondages confirment la tendance à la baisse des intentions de vote en faveur de Syriza.


Le 20 août dernier, lors de son allocution télévisée annonçant sa démission et l’organisation d’élections anticipées, Tsipras a déclaré que le peuple va au-devant de nouvelles luttes, mais que la Grèce est « déterminée à honorer » les accords de Bruxelles du 13 juillet. D’un montant de 86 milliards d’euros, le nouveau « plan d’aide » est conditionné à des contre-réformes drastiques, des augmentations d’impôts et 50 milliards d’euros de privatisations. Cela signifie l’abandon complet de tout ce que Tsipras avait promis avant son élection, le 25 janvier.

Chacun sait, en Grèce, que ce nouveau « Memorandum » se soldera par une chute sévère des niveaux de vie, une récession et une croissance du chômage. L’âge du départ à la retraite est repoussé à 67 ans, le minimum vieillesse réduit à 350 euros. Les retraités les plus malades vont perdre 100 euros par mois. L’augmentation de la TVA étrangle le pouvoir d’achat. Et tout ça pour quoi ? Après cinq années de coupes budgétaires, la dette publique du pays est passée de 125 % à 185 % du PIB. Elle se dirige à présent vers les 200 %. Quel beau succès ! A peine 10 % de l’argent des précédents « plans d’aide » est allé dans les caisses de l’Etat grec. Tout le reste a fini dans les coffres de banques allemandes ou d’autres pays européens.

L’accord de Bruxelles exigeait que les principales décisions économiques du gouvernement grec passent sous le contrôle de la troïka. Celle-ci gère directement le fonds de privatisations. Quatre des sept membres du Conseil de politique budgétaire sont nommés par la troïka, qui contrôle aussi le Secrétariat général aux recettes fiscales et l’Institut national de la statistique. La « démocratie » bourgeoise européenne n’est plus qu’une mauvaise farce.

Dès avant les élections du mois de janvier, nous expliquions que Tsipras n’avait que deux possibilités : rompre avec le capitalisme grec – ou capituler face aux exigences de la troïka. Mais quelle est la situation aujourd’hui – et quelles sont les perspectives ?

La scission de Syriza

La capitulation de Tispras a précipité la scission de Syriza. La nouvelle formation (Unité Populaire) rassemble les militants de l’ancienne « Plateforme de Gauche » de Syriza, dirigée par Panayotis Lafazanis, et d’autres groupes dont certains viennent de Syriza. La très populaire présidente du Parlement grec, Zoé Konstantopoulou, quitte Syriza et va collaborer avec Unité Populaire. Nos camarades grecs du journal Epanastasi (« Révolution »), qui constituaient jusqu’alors la Tendance communiste de Syriza, l’ont quitté et figurent parmi les co-fondateurs de la nouvelle formation de gauche.

Dans une interview publiée par l’Humanité du 27 août, un dirigeant d’Unité Populaire, Stathis Kouvelakis, souligne que Syriza est en cours de « désintégration ». Tsipras garde le soutien de nombreux parlementaires, mais 53 membres du Comité Central de Syriza a démissionné. La jeunesse du parti ne le soutiendra pas aux élections du 20 septembre. Plus on descend vers la base, plus l’hémorragie de militants s’intensifie, jour après jour. 

Une « leçon de démocratie » ?

L’annonce d’élections anticipées a été saluée par de nombreuses personnalités de gauche, en France, comme une « leçon de démocratie ». C’est au minimum naïf. Rappelons que Tsipras a signé l’accord de Bruxelles quelques jours après le rejet des politiques d’austérité par 61 % des voix, le 5 juillet. Etrange « leçon de démocratie » ! En ce qui concerne les élections anticipées, Stathis Kouvelakis (Unité Populaire) explique : « le but de la manœuvre est extrêmement clair : il s’agit d’aller aux urnes le plus vite possible avant que l’impact du Memorandum ne se fasse sentir dans la population. » Autrement dit, il s’agit de ne pas laisser à Unité Populaire le temps de s’organiser, de s’enraciner et de constituer une alternative électorale à Syriza. C’est une leçon de realpolitik, si l'on veut ; mais pas de démocratie.

La manœuvre a de bonnes chances de réussir, dans un premier temps. Malgré ses renoncements, Syriza conserve une base électorale importante. Nouvelle Démocratie (droite) est très discréditée ; le PASOK (social-démocrate) l’est complètement. Tsipras mise sur l’inertie de larges sections de son électorat de janvier dernier. Mais les sondages annoncent déjà autour de 25 % d’intentions de vote pour Syriza, soit une chute de plus de 10 % par rapport aux élections de janvier (36,3 %). Ce mouvement pourrait s’accélérer avant les élections. Une partie non négligeable de l’ancien électorat de Syriza va s’orienter vers Unité Populaire, qui pourrait obtenir des députés, ce que Tsipras cherchait justement à éviter en précipitant les événements. A terme, cette situation va aussi favoriser le KKE, malgré son sectarisme – et, à droite, l’Aube Dorée ou une autre formation prenant sa suite.

Coalition instable

Si Tsipras obtient assez de voix, il formera sans doute un gouvernement de coalition avec le PASOK et Potami, un nouveau parti « centriste » (bourgeois) qui, l’an passé, avait été systématiquement promu par les médias pour faire contrepoids à Syriza. Ceci dit, il n’est pas sûr que le PASOK obtienne des sièges au parlement. Si Syriza recueille moins de 20 % des voix, Tsipras pourrait devoir former une coalition avec Nouvelle Démocratie. Ce serait le baiser de la mort, pour Syriza. Dans tous les cas, on aura affaire à une coalition instable et un gouvernement de crise qui pourrait tomber assez vite.

En France, le Parti de Gauche soutient Unité Populaire. C’est évidemment correct. Syriza va très vite dilapider son capital politique ; d’ores et déjà, les éléments les plus combatifs de la jeunesse et de la classe ouvrière se tournent vers Unité Populaire – ou vers les deux autres forces d’opposition de gauche : le KKE et Antarsya. Si ces trois forces s’unissaient sur un programme de rupture avec la troïka et les politiques d’austérité, elles réaliseraient sans doute un très bon score aux élections. Malheureusement, les directions de ces organisations y font obstacle. Mais c’est la ligne stratégique que défendent nos camarades grecs.

La direction du PCF, elle, soutient toujours Syriza et Tsipras. C’est une erreur grossière qui prolonge toutes les autres erreurs de la direction du parti sur la Grèce. Les militants communistes doivent faire pression pour qu’elle soit rapidement corrigée, car elle revient à associer le PCF à la politique d’austérité drastique qui est menée en Grèce. [1]

Le programme d’Unité Populaire

Lafazanis, le dirigeant d’Unité Populaire, s’oppose à la capitulation de Tipras. C’est à mettre à son crédit. Mais le programme d’Unité Populaire n’offre pas d’alternative réelle. Il propose de rompre avec l’euro, mais la sortie de l’euro sur la base du capitalisme n’est pas une solution. Unité Populaire propose également de nationaliser les banques ainsi que les réseaux d’électricité, les ports et les télécommunications. C’est en effet indispensable. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas nationaliser – et placer sous le contrôle démocratique des travailleurs – l’ensemble des grands leviers de l’économie grecque ? C’est la seule issue. Un retour à la drachme sur la base du capitalisme, même en développant le secteur public, provoquera de l’hyperinflation, une récession sévère et une chute des niveaux de vie.

Perspectives

En l’absence d’un parti et d’une direction révolutionnaires capables de mener rapidement les travailleurs au pouvoir, la crise du capitalisme grec peut se prolonger pendant des années, avec des flux et des reflux, de violentes oscillations électorales vers la gauche et vers la droite, jusqu’à ce qu’une solution finale soit trouvée – dans un sens révolutionnaire ou contre-révolutionnaire.

A un certain stade, les capitalistes grecs et européens exigeront la fin du « chaos » en Grèce. Ils diront : « il y a trop de grèves, trop de manifestations. Il faut de l’ordre ! » Si la gauche n’offre pas d’issue révolutionnaire, la bourgeoisie pourrait s’orienter vers un régime de type bonapartiste (dictatorial). Ceci dit, même un tel régime serait instable. Il ne réglerait rien et ne tiendrait sans doute pas longtemps. Cela ne ferait que préparer le terrain à de plus puissantes offensives de la classe ouvrière, comme on l’a vu en 1974, lorsque la dictature des colonels a été renversée par un mouvement révolutionnaire.

Dans l’immédiat, la polarisation de classe va s’intensifier. Le référendum du 5 juillet a montré le potentiel révolutionnaire du peuple grec. De nouvelles explosions sont inévitables. Le mouvement ouvrier français devra soutenir massivement la lutte du peuple grec pour en finir avec l’austérité. Il devra aussi en tirer pour lui-même toutes les leçons politiques, stratégiques et programmatiques.


[1Le Front de Gauche et la crise grecque

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