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Les « grandes marches contre l’antisémitisme » organisées ce dimanche, à Paris et ailleurs, mobiliseront sans doute un certain nombre de simples citoyens qui s’inquiètent sincèrement – et à juste titre – de la recrudescence d’actes antisémites (tags, menaces, etc.) au cours des dernières semaines. Mais ces marches auront aussi et surtout la particularité suivante : elles réuniront de très nombreux politiciens bourgeois, réactionnaires, spécialisés dans la propagande raciste et islamophobe, qui sous prétexte de marcher « contre l’antisémitisme » marcheront en réalité pour soutenir le massacre des Gazaouis par l’Etat israélien, mais aussi contre les musulmans, les Arabes et les Noirs, contre la France insoumise en général et Mélenchon en particulier, pour le travail, la famille et la patrie, pour et contre bien d’autres choses – mais certainement pas contre l’antisémitisme.

D’emblée, le fait de « marcher contre l’antisémitisme » aux côtés de Le Pen, Zemmour et leurs partisans, qui s’annoncent nombreux, ne manque pas d'originalité. L’hypocrisie est ici tellement énorme, tellement flagrante, qu’elle oblige un certain nombre de politiciens bourgeois à d’assez comiques contorsions rhétoriques. Un exemple parmi tant d’autres : Yonathan Arfi, l’archi-bourgeois président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), appelle à marcher dimanche – mais, en référence aux origines du RN, il « ne souhait[e] pas que des personnes qui sont héritières d’un parti fondé par d’anciens collaborateurs [nazis] soient présentes ». Cependant, Yonathan Arfi ne veut pas en rester là, et s’empresse d’attaquer aussi la FI et de déclarer qu’elle non plus ne sera pas la bienvenue sur les marches, dimanche. A-t-on oublié d’informer M. Arfi que la FI n’appelait pas à participer à ces marches – précisément parce qu’elle ne veut pas manifester aux côtés d’hypocrites de son genre, qui soutiennent fermement le massacre des Gazaouis ? Mais peu importe à l’archi-bourgeois Yonathan Arfi, au fond, car son adversaire de classe n’est pas l’archi-bourgeois RN : c’est la FI, Mélenchon et surtout, à travers eux, les millions de jeunes et de travailleurs qui soutiennent le peuple palestinien. M. Arfi ne voulait pas qu’il y ait la moindre ambiguïté dans ce domaine.

Notons, au passage, que des politiciens bourgeois qui partagent l’opinion générale de M. Arfi sur Mélenchon et la FI trouvent absolument « scandaleux » que la FI n’appelle pas à manifester, dimanche. Avec ces gens, c’est « pile je gagne, face tu perds » !

Pour sa part, le RN a annoncé qu’il manifesterait quand même et s’efforce pathétiquement, ces derniers jours, de redorer son blason en matière de « lutte contre l’antisémitisme ». La tâche n’est pas facile. Dans une interview à Ouest France, la députée RN de Gironde, Edwige Diaz, souligne que c’est Marine Le Pen qui a exclu du RN Jean-Marie Le Pen, dont l’antisémitisme est notoire. Mais de son côté, le président du RN, Jordan Bardella, a déclaré sur BFMTV ne « pas croire » que Jean-Marie Le Pen « était antisémite ». Face à l’hilarité générale suscitée par cette déclaration, le président du RN s’est ravisé et a plaidé la « maladresse », ce qui n’est pas moins ridicule.

Eric Zemmour et ses partisans posent des problèmes du même ordre à certains chevaliers de la lutte contre l’antisémitisme qui appellent à marcher, dimanche. En effet, le dirigeant de Reconquête est célèbre non seulement pour son islamophobie systématique et obsessionnelle, mais aussi pour son appréciation très personnelle du régime collaborationniste du Maréchal Pétain, lequel aurait « sauvé 95 % des Juifs français ». C’est du moins ce qu’affirme Zemmour dans son brulot raciste et réactionnaire, Le suicide français. Les descendants des dizaines de milliers de Juifs déportés par le régime de Pétain – et morts, pour la plupart, dans des camps de concentration nazis – seront sans doute d’un autre avis.

Du côté du gouvernement – qui appelle à marcher, dimanche –, il faut mentionner les hauts faits d’armes du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en matière de « lutte contre l’antisémitisme ». Dans une tribune publiée par Libération, en 2015, il vantait les mérites de la politique discriminatoire de Napoléon à l’égard des Juifs, au début du XIXe siècle. Darmanin récidiva dans son Manifeste pour la laïcité, publié en 2021, où l’on peut lire que « Napoléon (…) s’intéressa à régler les difficultés touchant à la présence de dizaines de milliers de Juifs en France. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations. » Napoléon a notamment pris des mesures spécifiques contre les « usuriers » juifs – et eux seuls. Darmanin trouve cela formidable. Il est vrai que cette appréciation originale de la politique de Napoléon à l’égard des Juifs sert un objectif supérieur, fondamental, sacré entre tous : fournir un « modèle » à la lutte contre le « séparatisme islamique » ! Dès lors, même le président du Crif n’y trouve rien à redire.

Nous pourrions continuer à dresser la liste des politiciens qui marcheront, dimanche, en dépit de leur CV extrêmement douteux en matière « de lutte contre l’antisémitisme », mais ce qui précède suffit à souligner l’énorme hypocrisie de toute cette opération de propagande pro-israélienne, raciste et archi-réactionnaire. Aussi Mélenchon a-t-il eu parfaitement raison de qualifier ces marches de « rendez-vous » des « amis du soutien inconditionnel au massacre » de Gazaouis. C’est exactement ce qu’elles seront – non pas, bien sûr, dans l’esprit de tous ceux qui marcheront, mais dans celui de bon nombre d’entre eux, à commencer par les politiciens bourgeois qui appellent à marcher.

Le PS, les Verts et le PCF ont annoncé leur participation et profitent de la situation pour, une fois de plus, clouer Mélenchon au pilori. C’est lamentable, mais plus personne ne s’en étonnera. Aucun « cordon républicain », sur ces marches, ne pourra masquer la signification d’une telle « union sacrée » : les dirigeants du PS, des Verts et du PCF, mais aussi François Ruffin, ont complètement capitulé face à l’opinion publique bourgeoise.

Dans la lutte contre l’antisémitisme, la jeunesse et les travailleurs juifs ne doivent accorder aucune confiance aux politiciens bourgeois qui se servent de cette question comme d’un prétexte pour soutenir les crimes de l’Etat israélien et, par la même occasion, pour attaquer les musulmans de France, mais aussi Mélenchon et la FI. La lutte contre l’antisémitisme fait partie intégrante de la lutte contre le capitalisme, contre l’impérialisme, pour l’émancipation de tous les travailleurs – quelle que soit leur origine ou leur religion. Et cette lutte, aujourd’hui, exige une mobilisation massive, unitaire, de tous les travailleurs en solidarité avec le peuple palestinien !

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