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La fraude aux prestations sociales fait régulièrement les gros titres de la presse bourgeoise. A lire les éditos du Point, du Figaro ou de Valeurs Actuelles (entre autres), l’économie française serait rongée par des centaines de milliers de « parasites » qui abusent des largesses de l’Etat français.

Fin octobre, à l’occasion du débat parlementaire sur le budget de la Sécurité sociale, le gouvernement a décidé d’envoyer « un message de fermeté à l’égard de tous les fraudeurs » : le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a présenté un amendement stipulant que « plus aucune allocation sociale hors retraite ne pourra être versée sur un compte non français, ou non européen ». Avec cet amendement, le gouvernement fait d’une pierre deux coups (tordus), car il associe directement fraude sociale et immigration.

Bataille de chiffres

En 2019, les principaux organismes sociaux ont recensé 1 milliard d’euros de fraude avérée. Cependant, il n’existe pas d’estimation précise du montant réel de cette fraude. Pascal Brindeau, rapporteur (de droite) de la commission d’enquête parlementaire sur ce thème, estime que le montant de la fraude sociale, en 2020, se situait entre 14 et 45 milliards d’euros. Quelle précision !

De son côté, la CAF estimait à 2,3 milliards d’euros, en 2019, les fraudes relevant de son périmètre. L’absence de données fiables nourrit les fantasmes des politiciens de droite et d’extrême droite, qui s’appuient sur les estimations les plus élevées. Quoi qu’il en soit, la fraude sociale reste un phénomène marginal, quantitativement, au regard des 800 milliards d’euros de prestations sociales qui sont versées, chaque année.

Non-recours et fraude fiscale

Mais il est un chiffre dont les pourfendeurs de la fraude sociale ne parlent jamais : plus d’un tiers de ceux qui ont droit à diverses aides sociales (RSA, CMU, APL, allocations familiales, chèque énergie, etc.) n’en bénéficient pas. Cela représenterait au moins 10 milliards d’euros d’aides non versées, chaque année. Dans certains cas, ce non-recours atteint même des sommets : entre 57 et 70 % de ceux qui ont droit à l’Aide Complémentaire Santé n’en bénéficient pas !

La complexité du système d’aides sociales, l’informatisation des demandes et la stigmatisation des bénéficiaires sont autant d’obstacles dans l’accès aux aides, notamment pour les plus pauvres et fragiles d’entre nous. Pourtant, ceux qui renoncent à ces aides ont participé à leur financement !

Enfin, soulignons que même les estimations les plus hautes, en matière de fraude sociale, se tiennent loin derrière les 100 milliards d’euros (estimés) de fraude fiscale réalisée, chaque année, au profit des grandes entreprises et des foyers les plus riches.

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