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Cet été, les feux de forêt causés par la canicule ont atteint des records en France et en Europe. Près de 60 000 hectares de forêts françaises sont partis en fumée et plus de 15 départements ont été touchés. Même les Monts-d’Arrée et la forêt de Brocéliande, en Bretagne, ont été frappés ! Comme le soulignent nombre de spécialistes, des catastrophes de ce type sont la conséquence du changement climatique. Ils ne peuvent que se multiplier à l’avenir. Les services de lutte contre les incendies se trouvent pourtant dans un état calamiteux. Dans ce domaine, le gouvernement se comporte exactement comme le capitalisme face à la crise environnementale : un mélange de bravades et de dénis.

Un matériel décrépit

A écouter Darmanin, tout semble aller pour le mieux. Il affirme par exemple que la France dispose de la « plus grande flotte européenne de lutte contre le feu ». Sur le papier, c’est peut-être vrai, mais encore faudrait-il que cette flotte soit en état de vol. D’après le syndicat des pilotes de bombardiers d’eau, seuls 8 Canadairs sur 12 étaient en état d’intervenir fin juillet. La cause d’une telle situation ? Ces avions sont vieillissants, voire décrépits : en 2019, un rapport du Sénat signalait ainsi que les deux tiers des appareils avaient dépassé les 25 ans de service. Des avions qui auraient dû être retirés en 2008 puis en 2020 sont toujours en service. Et ce, alors même qu’il n’y a pas assez de mécaniciens pour les entretenir : le même syndicat de pilotes a en effet souligné à plusieurs reprises que le sous-traitant privé chargé de la maintenance (l’entreprise Sabena Technics) « n’est pas à la hauteur » de la tâche que représente l’entretien de la « plus grande flotte européenne »...

Les mêmes carences existent du côté des matériels terrestres. D’après la CGT-SDIS, le nombre de Camions-Citernes Feux de forêt (CCF) en service a par exemple baissé de plus d’un millier entre 2006 et 2020, alors que le nombre d’incendies ne faisait qu’augmenter sur la même période. La course aux économies a aussi fait des ravages dans l’équipement individuel que portent les pompiers pendant les interventions. Le fonctionnement des services de la sécurité incendie est en effet organisé à l’échelle des départements et les achats d’équipements reposent en bonne partie sur les collectivités locales (départements et communes), dont les sources de revenus comme les dotations par l’Etat n’ont fait que baisser ces dernières années. Les budgets de la lutte contre les incendies ont donc stagné, voire baissé dans certains départements. Tous les départements ne disposent en effet pas des mêmes budgets. Cela signifie que les pompiers d’un département « pauvre » auront très souvent un équipement bien inférieur à celui de leurs collègues exerçant dans un département plus « riche ».

Des effectifs en berne

Les mêmes dynamiques d’austérité se retrouvent en ce qui concerne les pompiers eux-mêmes, à tel point que la CGT-SDIS dénonce une « ubérisation » de la profession. En avril, la CGT-SDIS des Landes soulignait que le nombre de pompiers stagnait depuis 2010, alors même que le nombre d’interventions était passé de 23 000 à 34 000 par an. De plus, près de 80 % des pompiers sont des « volontaires ». Si leur motivation n’est pas moindre que celle de leurs collègues professionnels, leurs disponibilités ne sont naturellement pas les mêmes. Certaines interventions peuvent parfois s’en ressentir lorsqu’un volontaire « expert » est absent. C’est par exemple le cas des nombreux chauffeurs routiers qui sont aussi pompiers volontaires formés à la conduite des camions-citernes d’intervention.

Face à l’augmentation du nombre d’incendies ces dernières années, les gouvernements successifs ont souvent choisi de « miser sur la prévention ». En pratique, cela signifie surtout une augmentation du nombre d’affiches et de messages à la télévision et sur les réseaux sociaux. Les services qui sont chargés concrètement de la prévention sur le terrain ont moins de chance. Depuis l’an 2000, l’Office National des Forêts (ONF), qui joue un grand rôle dans la prévention des incendies en milieu forestier a vu ses effectifs passer de 13 000 agents à seulement 8 000. De plus, un nombre croissant de ces agents sont maintenant recrutés par des contrats précaires. Même chose du côté de l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) ou de Météo France, deux services qui jouent un rôle crucial dans la prévention des incendies.

Pour être impartial, il faut souligner que Darmanin a bien annoncé des recrutements pour lutter contre les incendies, courant août. Il a promis une augmentation des effectifs… de la gendarmerie ! Les 3 000 « gendarmes verts » qu’il prévoit de faire recruter seront chargés d’arrêter et de verbaliser les incendiaires. Pour ce qui est du nombre de pompiers, le ministre s’est contenté de demander aux employeurs des pompiers volontaires de les « libérer » en cas d’incendies. Bref, les pompiers devront continuer à gérer le sous-effectif.

Et gare à eux s’ils protestent. En octobre 2019 et en janvier 2020, les syndicats de pompiers s’étaient mobilisés contre la dégradation continue de leurs conditions de travail. Leurs manifestations avaient été brutalement réprimées dans les rues de Paris. Les images de pompiers matraqués et gazés par les CRS avaient montré ce que le gouvernement pensait vraiment des « soldats du feu », auxquels Darmanin, Borne et Macron rendent aujourd’hui des hommages hypocrites.

Cette situation désastreuse est la conséquence logique des politiques d’austérité imposées par les gouvernements successifs. Pour faire des économies à tout prix, les services publics sont mis au régime sec, précarisés ou privatisés, y compris lorsqu’il s’agit de questions cruciales, comme c’est le cas pour les pompiers. Cette logique d’économie ne s’applique pas aux aides publiques aux entreprises. Pour maintenir les taux de profits de la classe dirigeante, celles-ci ont même atteint des sommets ces dernières années. Cet été, alors que les forêts françaises brûlaient et que des canadairs restaient cloués au sol faute de fonds pour les maintenir en état de vol, les entreprises françaises battaient un nouveau record de dividendes versés à leurs actionnaires : 44 milliards au deuxième trimestre de cette année ! Le capitalisme est tout aussi incapable d’enrayer la crise climatique que de faire face à ses conséquences catastrophiques. C’est une raison de plus de renverser ce système qui court à l’abîme.

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