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L’élément le plus significatif du résultat des élections européennes est le niveau de l’abstention, qui a battu un nouveau record (59,5%). Pour l’expliquer, les journalistes et la plupart des politiciens ont une théorie assez simple : trop de gens, décidément, ne comprennent rien à l’Europe ou, au mieux, ne s’y intéressent pas. Ainsi, l’affaire se ramènerait aux tares intellectuelles des masses, qui seraient notamment frappées d’étroitesse nationaliste. Mais comme le disait Bertold Brecht, dans des vers célèbres :

« Ne serait-il pas
Plus simple alors pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d’en élire un autre ? »

En réalité, les travailleurs ont quelques idées solides et douloureusement acquises, au sujet de l’Union Européenne. Ils sont nombreux à comprendre que depuis des décennies, la « construction européenne » a servi de prétexte à toutes les régressions sociales. C’est vrai en France comme dans les autres pays de l’UE. Ils ont entendu des centaines de beaux discours promettant la prospérité et le plein emploi, grâce à l’Union Européenne – à condition, dans l’immédiat, de se serrer un peu plus la ceinture (le paradis viendra juste après). Mais « l’immédiat » s’est avéré interminable. Et pendant ce temps, la société a continué de reculer, la misère de s’accroître et les capitalistes de s’enrichir. La pilule ne passe plus. L’abstention massive est d’abord l’expression d’une défiance parfaitement fondée de larges couches de la population à l’égard de la politique réactionnaire de l’UE.

Au lieu de bénéficier de cette défiance, le PS a subi un sérieux revers. Pourquoi ? Parce que ses dirigeants n’offrent aucune alternative crédible à la politique de la droite [1]. Dans la campagne électorale, au lieu de défendre un programme de rupture avec le capitalisme européen, les dirigeants du PS ont une fois de plus réchauffé l’idée archi-éculée d’une « Europe sociale » –  et « écologique », « féministe », « solidaire », « pacifique », tout ce que vous voudrez… sur la base du capitalisme ! Bien des travailleurs haussent les épaules et pensent : « lorsque ces gens étaient au pouvoir, ici, ils n’ont pas été capables de faire un début de "France sociale". Et ils prétendent faire mieux à l’échelle de toute l’Europe ? C’est du baratin ». L’abstention n’est peut-être pas la bonne conclusion politique, mais il y a dans ce raisonnement le verdict d’une expérience tangible.

Avec un peu plus de 6% des voix, les listes du « Front de gauche », soutenues par le PCF, améliorent très légèrement le score du PCF en 2004 (5,9%). Ce résultat a été accueilli avec soulagement par de nombreux militants communistes, qui craignaient un nouveau recul du parti. Ceci dit, ce score est très inférieur au potentiel électoral du PCF, en particulier dans le contexte économique et social actuel. Des millions de jeunes et de salariés cherchent une alternative au capitalisme en crise. Pour répondre à ces aspirations, le PCF doit abandonner le réformisme « anti-libéral » et apparaître clairement comme le parti de la rupture révolutionnaire avec l’ordre établi, le parti qui lutte pour le renversement du capitalisme et son remplacement par une société socialiste. Sur la base d’un programme et d’idées réellement communistes, le PCF gagnera le soutien de larges couches de la jeunesse et de la classe ouvrière.

Toute élection offre une image statique et déformée de la dynamique politique à l’œuvre, dans la société. L’abstention massive renforce nettement ce phénomène. Des millions de travailleurs, de chômeurs et de retraités ne sont pas allés voter : cela devait nécessairement profiter à l’UMP  – ainsi qu’aux Verts, qui recueillent beaucoup de voix dans les classes moyennes. Mais dans une telle équation politique, on ne peut réduire plus de la moitié de l’électorat à zéro ! Compte tenu de l’abstention, le score de l’UMP (28%) représente environ 12% des suffrages exprimés lors des présidentielles de 2007. Ce score ne contredit donc en rien l’inéluctable érosion du gouvernement Sarkozy et la colère qui monte, dans le pays, contre sa politique réactionnaire. Encore une fois, le résultat de ces élections reflète d’abord le rejet croissant de l’Union Européenne, dans la masse de la population.

Face à la crise du capitalisme, le nouveau Parlement européen sera totalement impuissant. Il sera tout aussi impuissant face à la crise de l’UE elle-même. L’UE n’est rien d’autre qu’une coalition de puissances impérialistes rivales. A présent que la campagne électorale est terminée, les discours émus sur « l’unité de l’Europe » laisseront place à toute une série de sérieux conflits entre les grandes puissances européennes, France et Allemagne en tête. Chacun cherchera à se tirer de la crise au détriment du voisin. Quant aux députés européens, personne ne songera à leur demander leur avis !

Partout, en Europe, les travailleurs reprennent le chemin des luttes. Des grandes grèves et de puissants mouvements de la jeunesse ont éclaté dans un pays après l’autre. Loin des salons et bureaux de Bruxelles, dans les profondeurs de la classe ouvrière européenne, un processus de fermentation révolutionnaire est en cours. Tôt ou tard, il fera surface à une échelle massive.

[1Sur 535 séances du Parlement européen, les groupes PPE (droite) et PSE (socialiste) ont voté 525 fois de la même manière !

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