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José Luis Rodríguez Zapatero

Les socialistes espagnols on remporté, dimanche, une victoire sensationnelle. Les sondages, qui prédisaient la victoire du PP, ont été confondus. La situation a brusquement et complètement changé. En l’espace de quelques jours, l’humeur de la masse de la population s’est radicalement modifiée.

Ces événements méritent la plus grande attention, dans la mesure où ils illustrent clairement les processus fondamentaux qui sont actuellement à l’œuvre dans le monde. La soudaineté du changement est une réflexion de la crise générale du capitalisme mondial, qui affecte désormais tous les pays de la planète.

Notre époque est caractérisée par une instabilité colossale et sans précédent. Cela s’exprime par une énorme volatilité à tous les niveaux et peut se manifester par de brusques et violentes modifications de l’état d’esprit aussi bien de la classe dirigeante que des classes exploitées. La déprime alterne avec l’euphorie. De violents mouvements vers la droite sont suivis par des mouvements encore plus violents vers la gauche.

Ces phénomènes sont autant de facettes de la crise organique du capitalisme. Il ne s’agit pas d’une simple crise conjoncturelle de l’économie. Elle est beaucoup plus profonde que cela. Elle a un caractère universel et insoluble. En dernière analyse, cela exprime le fait que les forces productives se heurtent aux limites étroites de la propriété privée et des Etats nationaux.

La mondialisation constituait une tentative de sortir de cette impasse. Cela a eu un certain effet, au début, et a permis aux capitalistes d’éviter une grave récession au cours de la dernière période. Mais cela a désormais atteint ses limites. Ce qui en résulte, c’est une reproduction de toutes les contradictions à une échelle beaucoup plus vaste qu’auparavant. La mondialisation se manifeste sous la forme d’une crise mondiale du capitalisme. Cela s’exprime de nombreuses manières : par des crises économiques, monétaires et financières, mais aussi par des crises politiques, diplomatiques et militaires.

Le terrorisme, qui a pris les caractéristiques d’une maladie chronique et incurable, n’est que l’un des symptômes de cette crise. En se concentrant sur les symptômes et en ignorant leurs causes profondes, la classe capitaliste essaye de détourner l’attention des masses de l’impasse fondamentale de son système. Elle s’efforce désespérément de résoudre les problèmes qui découlent de la crise organique du système capitaliste au moyen de la force brute.

En essayant de restaurer l’« ordre » au moyen de leur écrasante puissance militaire, les capitalistes ne font qu’aggraver les convulsions et l’instabilité, qui prennent un caractère plus violent et plus barbare. Ainsi, l’intervention militaire en Irak n’a rien résolu. Elle n’a fait que créer davantage de chaos et d’instabilité.

Le terrorisme et la guerre se nourrissent l’un l’autre dans un cycle infernal d’action et de réaction. Le type de barbarisme dont les pays sous-développés ont été le théâtre pendant des décennies est en train de gagner les pays capitalistes avancés. Le massacre de dimanche, à Madrid, en est la terrible confirmation. Mais il a immédiatement déclenché une réaction en chaîne d’événements qui ont radicalement transformé la situation.

Une leçon de dialectique

La dialectique nous apprend que les choses peuvent se transformer en leur contraire. Dimanche soir, lorsque les radios et chaînes de télévision annonçaient la défaite du PP, José Maria Aznar avait une bonne occasion de méditer sur la validité de la dialectique.

A peine une semaine avant les élections, l’état d’esprit de la classe ouvrière était au pessimisme. Ce n’est plus le cas ! L’humeur des travailleurs et de la jeunesse d’Espagne s’est transformée du jour au lendemain, comme en témoignent les scènes de liesse qui, après l’annonce des résultats des élections, ont animé Madrid jusqu’à l’aube.

Comment expliquer un changement aussi spectaculaire ? Les horribles attentats qui ont fait 200 morts et 1500 blessés ont bien entendu été le facteur décisif. Ces événements ont déclenché une grande mobilisation de l’électorat. La participation a été massive, avec un taux de participation de 74 %, soit 9 % de plus que lors des législatives de 2000, qui avaient donné une majorité absolue au Parti Populaire. Cependant, ceux qui prédisaient que les attaques terroristes favoriseraient le PP se sont trompés. Le peuple a massivement voté contre le PP, révélant une maturité politique et une conscience de classe considérables.

Aznar et les sondeurs n’étaient pas les seuls à prédire que le PP remporterait facilement les élections. C’était l’opinion générale, qui était même partagée par la grande majorité de la gauche. Des années durant, la classe ouvrière espagnole a dû supporter un gouvernement réactionnaire qui semblait ne devoir jamais tomber. Une ambiance pessimiste - et même fataliste - régnait. A présent, tout a changé, et ce en l’espace de quelques jours.

La raison de ce changement soudain de la situation n’est attribuable qu’à une seule chose - l’irruption soudaine de la classe ouvrière dans l’arène politique. Après les attentats terroristes, la société espagnole est passée par tout un éventail de sentiments - le choc, la tristesse, la confusion, la frustration, puis finalement la rage. L’indignation des masses s’est finalement concentrée sur le gouvernement lui-même.

Le gouvernement du PP avait sous son contrôle la quasi-totalité des médias de masse, et il a utilisé ce contrôle avec un cynisme stupéfiant pour manipuler l’information. Il a élaboré une énorme campagne de mensonge et de distorsion dans le but de semer la panique et de s’assurer le soutien de l’opinion. Mais contrairement à l’idée, que défendent souvent des intellectuels de gauche, selon laquelle le contrôle des médias de masse constitue un obstacle insurmontable à la transformation socialiste de la société, au moment décisif, toute la propagande de la presse n’a servi a rien. De fait, elle s’est révélée complètement contre-productive.

Les autorités ont proféré des mensonges flagrants dans le but de persuader la population que l’ETA était responsable de l’attentat. Elles ne voulaient pas que les gens sachent qu’il existait des preuves de l’implication d’Al Qaida, car elles savaient que le lien serait fait avec le soutien d’Aznar à la guerre en Irak.

Les leaders du Parti Socialiste (PSOE) et de la Gauche Unifiée (IU) ont bêtement suivi la ligne du gouvernement et ont soutenu l’appel à l’« unité nationale ». Douze millions de personnes ont participé aux manifestations organisées, vendredi dernier, à travers toute l’Espagne - deux millions à Madrid. Mais même sur ces manifestations, qui étaient supposées être des manifestations d’unité nationale, des symptômes de division ont commencé à apparaître. Lorsque José Maria Aznar est apparu à la tête de la manifestation de Madrid, il a été accueilli par les sifflets d’une partie de la foule.

L’intervention des masses

Les divisions que l’on pouvait discerner sur les manifestations de vendredi ont continué à grandir et à se préciser. Sur les nombreuses manifestations et veilles qui ont eu lieu au cours du week-end, il y eut des altercations. En général, elles opposaient les jeunes aux vieux, ou les travailleurs aux classes moyennes. Une différenciation de classe commençait à apparaître dans le mouvement de masse.

Les attentats du jeudi 11 mars ont frappé la classe ouvrière. Ce n’est pas le quartier bourgeois de Barrio de Salamanque qui a été touché, mais des endroits comme Vallecas et Pozo. Les gens qui ont été tués n’étaient pas des banquiers ou des spéculateurs boursiers, mais des salariés qui allaient travailler et des enfants de familles ouvrières qui partaient vers leurs écoles et collèges.

Aux funérailles, il y avait peu de costumes et cravates. Les visages meurtris étaient ceux de travailleurs ordinaires. Ces gens payaient un prix terrible pour des actions qui échappaient complètement à leur contrôle et à leur compréhension.

La plupart du temps, ces gens ne prêtent pas d’attention à la politique, ou presque pas. Ils ne s’intéressent pas aux événements qui se déroulent sur l’arène mondiale, parce que ces événements leurs apparaissent comme très éloignés. Ils n’affectent pas leur quotidien et celui de leurs familles. Mais aujourd’hui, la crise mondiale a soudainement bouleversé la vie des hommes et des femmes ordinaires.

La principale raison du vote massif contre le PP est que le peuple espagnol a estimé - à juste titre - que le ralliement servile d’Aznar à Georges Bush et à sa soi-disant « guerre au terrorisme » a placé l’Espagne dans la ligne de mire des islamistes radicaux, et que les attentats de jeudi en ont été la conséquence directe. Ceci dit, la victoire a été assurée par l’intervention directe des masses.

Les manifestations auxquelles le PP appelait se transformaient partout en manifestations contre le PP. Samedi, le mouvement commençait à prendre la forme d’attaques contre le gouvernement. Les chaînes de télévision montraient des scènes incroyables d’espagnols - dont certains étaient clairement de vieux retraités - qui se confrontaient aux forces de l’ordre. Ces dernières, clairement nerveuses, ont répondu à coup de matraques et même en braquant leurs pistolets sur les manifestants. Un sérieux affrontement semblait possible. Mais le nombre important de manifestants - jusqu’à 10 000 - a obligé la police à reculer.

Le porte-parole du gouvernement a déclaré que les manifestations étaient illégales, sous prétexte que la loi interdit toute activité politique la veille des élections (c’est le « jour de réflexion »). Cela montre à quel point les dirigeants du PP étaient en décalage avec la situation. Dans un tel contexte, il était absurde de s’imaginer que le peuple allait se tenir tranquille, les bras croisés. Ici, nous parlons de l’Espagne, et quiconque connaît les traditions de la classe ouvrière espagnole ne peut être surpris par ce qui s’est passé samedi.

La tentative de criminaliser les manifestations s’est retournée contre leurs auteurs. Les manifestants criaient avec défi : « Ce que fait le peuple n’est pas illégal ! », ou encore « Interdisez le PP ! ». D’autres slogans exprimaient la colère du peuple : « Menteurs ! », « Assassins ! », « On veut la vérité ! », et toujours : « Non à la guerre ! ».

A Barcelone, des leaders du PP, Rato et Piquet, ont été rejetés de la manifestation par la violente hostilité de la foule. De tels faits se sont produits dans différentes villes d’Espagne. La panique qui gagnait les dirigeants du PP s’est illustrée par la plainte formelle qu’ils ont adressée à la commission électorale, et dans laquelle ils accusaient les partis d’opposition d’avoir délibérément organisé les manifestations devant les locaux du PP.

La commission a rejeté leur plainte pour cette raison simple qu’elle était sans aucun fondement. Personne n’avait organisé ces manifestations. Les jeunes et les travailleurs qui protestaient devant les locaux du PP s’étaient mobilisés tout à fait spontanément, suivant les meilleures traditions de la classe ouvrière espagnole. On n’y voyait aucun des leaders de l’opposition. C’est le mouvement spontané des masses qui a provoqué la victoire historique des socialistes aux élections - et rien d’autre.

Le rôle décisif de la jeunesse

La jeunesse fut un autre élément important de l’équation. Elle a joué un rôle décisif, aussi bien sur les manifestations qu’aux élections. L’électorat comptait deux millions de jeunes qui pouvaient voter pour la première fois. La jeunesse espagnole, que certains décrivaient comme apolitique et indifférente, a voté massivement, et, dans sa grande majorité, elle a voté pour les socialistes.

Le réveil de la jeunesse est un facteur vital dans toute la situation. Le Syndicat des Etudiants (SE), qui est dirigé par des marxistes, a joué un rôle clé dans l’organisation, la mobilisation et la politisation de la jeunesse. Il a réagi rapidement et de façon décisive aux événements et a été en première ligne de toutes les mobilisations.

Le lendemain du massacre, le SE a organisé des grèves et des manifestations qui ont été massivement suivies dans toute l’Espagne. C’était la seule force politique du pays qui comprenait le potentiel révolutionnaire de la jeunesse. Sans l’intervention décisive du SE, des éléments de droite ou fascistes auraient pu avoir une influence, tout au moins au début, lorsque la confusion régnait.

A Madrid, au début de la manifestation, quelques fascistes brandissant des drapeaux espagnols ont fait leur apparition. Mais ils ont rapidement été réduits au silence par les membres du Syndicat des Etudiants, qui ont saisi le microphone et crié : « Etudiants et travailleurs unis ! » La déclaration du SE fut écoutée dans un très grand silence, qui ne fut brisé que par les lourds applaudissements de la foule.

Des manifestations organisées par le SE ont eu lieu à travers toute l’Espagne. Il y eut 50 000 participants à Barcelone, 20 000 à Madrid, 10 000 à Salamanque, 10 000 à Gijon et 8000 à Bilbao. L’approche militante des étudiants marxistes correspondait pleinement à l’état d’esprit de la rue. Partout, les communiqués du SE furent applaudis avec enthousiasme par les manifestants, dont beaucoup n’avaient jusqu’alors jamais participé à une manifestation.

Le rôle du réformisme

C’est une loi historique que lorsque les masses commencent à se mobiliser, elles s’expriment inévitablement à travers leurs grandes organisations traditionnelles. Si quelqu’un en doute, qu’il regarde ce qui vient de se passer en Espagne. En dépit du fait que les leaders du PSOE n’ont joué aucun rôle dans le mouvement de masse contre le PP, lorsque les travailleurs ont cherché une alternative, ils ont voté massivement pour le PSOE. Même au Pays Basque, le PSOE a gagné des voix et des sièges, devenant la deuxième force politique de la région, juste derrière le PNV (nationaliste).

José Luis Rodriguez Zapatero, qui va devenir le Premier ministre espagnol, a remporté 43 % des votes, ce qui lui donne, au parlement, 164 sièges sur 350. Les socialistes peuvent compter sur le soutien d’autres partis de gauche ou régionaux, ce qui leur permettra de former un gouvernement sans pour autant détenir de majorité absolue au parlement.

En réalité, le soutien aux socialistes est bien plus important que ce que suggèrent les résultats. Des résultats électoraux ne donnent qu’une idée partielle de l’état d’esprit des masses. Ils ne donnent qu’une photographie, à un instant donné, d’une humeur qui ne cesse d’évoluer. Dans le cas de l’Espagne, l’état d’esprit de la population changeait avec chaque heure qui passait, et le courant se dirigea rapidement contre le gouvernement.

Les élections se sont déroulées trois jours à peine après les horribles attentats. Il y avait encore beaucoup de confusion. Les grands médias, qui ont été scandaleusement manipulés par le gouvernement, s’efforçaient toujours de semer des doutes sur les véritables auteurs du massacre. Au fur et à mesure que la responsabilité d’Al Qaida aurait clairement émergé, en même temps que les manipulations des médias par le gouvernement, l’indignation aurait continué à croître, donnant au PSOE une majorité absolue.

A vrai dire, les dirigeants socialistes furent les plus étonnés par les résultats des élections. Il en est toujours ainsi ! Les dirigeants réformistes ne font pas confiance à la classe ouvrière, et sont toujours surpris lorsqu’elle les met au pouvoir. De même, les dirigeants syndicaux furent les premiers surpris lorsque les travailleurs ont répondu massivement à leur appel à la grève générale.

Soyons clairs : la défaite du PP n’a rien à voir avec l’action des dirigeants du PSOE. Ces derniers n’y sont pour rien. Au contraire, en acceptant, immédiatement après les attentats, l’appel d’Aznar à l’« unité nationale », ils faisaient le jeu du PP. Si cela ne dépendait que d’eux, le PP aurait conservé le pouvoir. Ce qui a changé la donne, c’est le mouvement spontané de la classe ouvrière.

La promesse de rappeler d’Irak les 1300 soldats espagnols était l’un des principaux points du programme de Zapatero. C’est également la position de tous les partis de l’opposition au gouvernement du PP. C’est désormais une question brûlante. Elle va immédiatement devenir un point focal pour la jeunesse et les travailleurs qui, après avoir chassé le PP du gouvernement par leurs votes, vont demander au PSOE qu’il honore sa promesse.

Les dirigeants socialistes vont-ils tenir leur engagement ? Le discours qu’a fait Zapatero juste après l’annonce de sa victoire ne semble pas très prometteur. Son style n’était pas celui d’un homme qui vient de remporter une victoire exceptionnelle. Il ressemblait davantage à celui de quelqu’un qui a peur du pouvoir qu’on vient de lui confier, et qui veut calmer les esprits de ses supporters, en réduire les attentes. Il a déclaré qu’il souhaitait un « changement tranquille » - ce qui sonnait plutôt comme : « aucun changement ».

Les implications internationales

Les causes du résultat des élections ne doivent pas être recherchées en Espagne, mais sur la turbulente arène de la politique mondiale. De même, les répercussions de ces événements ne vont pas rester confinées à l’Espagne.

Les masses ont infligé une punition, pour son soutien à la guerre en Irak, au gouvernement du Parti Populaire. Cela a déclenché des alarmes à Londres et Washington. Bush et Blair ont perdu leur plus fidèle allié européen. Blair, qui ne peut plus compter que sur Berlusconi, doit envisager la perspective de voir sa propre majorité s’effondrer. Cette leçon ne sera pas perdue pour Blair et son ami à la Maison Blanche.

L’administration Bush a encore plus de raison que Blair d’être inquiète. Alors que les élections présidentielles approchent, l’opinion américaine est elle aussi en train de lentement retirer son soutien à une guerre qui semble ne devoir jamais finir. L’administration américaine craint que la défaite du PP la fragilise davantage et que l’Espagne retire effectivement ses troupes d’Irak. Cela aurait pour conséquence de renforcer le camp de ceux qui, aux Etats-Unis, demandent le retrait des troupes américaines.

Lundi matin, Zapatero a déclaré que la guerre en Irak était un désastre, et a averti que l’Espagne retirerait ses troupes d’ici juin « si rien ne changeait ». Cette déclaration suggère qu’il entend honorer sa promesse électorale. Mais il y met certaines « sous-conditions » qui pourraient bien affecter le résultat final. Dores et déjà, Tony Blair a expliqué que « les choses changent » en Irak, et que donc il n’est nullement nécessaire que l’Espagne retire ses troupes.

Il y a aussi la possibilité de nouvelles manœuvres au sein de l’ONU. Une résolution pourrait établir la « légalité » de l’occupation de l’Irak, et fournir ainsi une excuse pour que les troupes espagnoles y soient maintenues. La jeunesse et les travailleurs espagnols doivent être sur leur garde ! A la moindre indication d’un recul de la part des dirigeants socialistes, ils doivent se mobiliser.

Dans les semaines à venir, Londres et Washington vont exercer d’énormes pressions sur le nouveau gouvernement espagnol pour qu’il maintienne ses troupes en Irak. Avant même qu’ils aient formé un gouvernement, les leaders du PSOE subissent déjà des pressions de la classe dirigeante espagnole et des impérialistes. Zapatero aura reçu des coups de fil de Londres et Washington pour le féliciter et - en passant - lui rappeler ses « obligations internationales ». L’arrogance de l’impérialisme américain est telle qu’avant même les résultats des élections, Powell et Rumsfeld avertissaient les socialistes espagnols qu’ils ne devraient pas retirer leurs troupes d’Irak et qu’ils devraient continuer de soutenir la « guerre au terrorisme ».

Les impérialistes américains s’imaginent qu’ils ont reçu de Dieu le droit de dicter leur volonté à tous les autres gouvernements du monde. Aux Etats faibles qui ne peuvent se défendre, ils disent : « Faites comme on vous dit, ou on vous bombardera », « Faites comme on vous dit, ou on occupera votre pays ! ». Ils menacent Cuba et le Venezuela. Maintenant, ils veulent menacer l’Espagne. Mais cela ne fera qu’attiser la colère du peuple espagnol.

Il ne sera pas facile, pour les leaders espagnols, d’ignorer la volonté de ceux qui les ont élus. Cette élection s’est déroulée à un moment où la classe ouvrière est entrée en action. Le génie est sorti de la lampe. Il ne sera pas facile de l’y remettre. Les masses vont accorder un peu de temps au gouvernement, mais elles n’ont pas donné à Zaptero un chèque en blanc. S’il ne retire pas les troupes espagnoles d’Irak, des mobilisations massives seront à nouveau à l’ordre du jour.

La moindre indication que le gouvernement s’agenouille devant Londres et Washington provoquera une explosion d’opposition de la part de la jeunesse et des travailleurs, ainsi que de la base militante du PSOE. Les dirigeants du PSOE sont pris entre deux feux. Dores et déjà, des bannières « Non à la guerre ! » réapparaissent un peu partout. Toute tentative de revenir sur les promesses électorales déclenchera une puissante vague de colère.

Il faut une politique révolutionnaire !

Dans un tel contexte, le Parti Communiste et la Gauche Unifiée [coalition de partis de gauche dominée par le PC] devraient se renforcer. Mais dans ces élections, la Gauche Unifiée a perdu du terrain. Bien que le nombre de voix qu’elle a recueilli soit resté à peu près stable, elle a perdu 4 sièges, passant de 9 à 5. Elle a perdu tous ses sièges dans ses bastions traditionnels - l’Andalousie et les Asturies. C’est un très sérieux revers.

Ce résultat peut être en partie attribué au phénomène du soi-disant « vote utile » - c’est à dire à tous ceux qui ont voté pour le PSOE afin de ne pas diviser le vote de gauche et, ainsi, s’assurer la défaite du PP. Mais cela n’explique pas tout. Lorsque la classe ouvrière doit choisir entre deux partis ouvriers, l’un grand et l’autre petit, dont les programmes et la politique sont similaires, elle vote pour le plus grand des deux, cependant que le petit tend à disparaître.

Si le Parti Communiste défendait une véritable politique communiste, une politique radicalement différente de celle du PSOE, la fraction la plus avancée de la jeunesse et des travailleurs, tout au moins, ferait la différence et voterait pour le PC. Mais pour le moment, la différence n’est pas claire du tout. Les leaders de la Gauche Unifiée se sont progressivement déplacés vers la droite, ont abandonné le marxisme et ont adopté un programme réformiste.

Lors de la crise qui a précédé les élections, il était impossible de trouver une différence entre la position des leaders de la Gauche Unifiée et celle du PSOE. Ils ont immédiatement commis l’erreur de se joindre à l’appel du PP en faveur de l’« unité nationale ». Ils n’avaient pas de position indépendante. A présent, ils payent le prix de leur opportunisme.

Dans les rangs de la Gauche Unifiée et du Parti Communiste, il y a beaucoup de communistes sincères qui veulent se battre pour une politique communiste. Ils doivent bien évidemment exiger un changement. Plus que jamais, les idées du marxisme démontrent aujourd’hui leur validité. L’exigence d’une politique révolutionnaire croîtra au cours des mois et années à venir, au fur et à mesure que les gens comprendront qu’il n’y a pas d’issue sur la base du capitalisme.

Les conditions de nouvelles explosions - à l’échelle nationale et internationale - sont posées. Les travailleurs apprennent des leçons très dures, mais ils apprennent vite. Il est du devoir de la tendance marxiste de marcher coude à coude avec eux, de faire avancer le mouvement, de défendre les politiques et les tactiques les plus militantes. Par-dessus tout, il est nécessaire de gagner la classe ouvrière, en commençant par les éléments les plus avancés de la jeunesse et du salariat, au programme de la révolution socialiste.

Quoiqu’il arrive, la période à venir ne sera pas tranquille. Les conditions existent pour un mouvement encore plus puissant vers la gauche. Des idées qui, aujourd’hui, ne gagnent l’attention que d’une petite minorité, trouveront un écho parmi un nombre croissant de gens.

Lénine disait que le capitalisme, c’est l’horreur sans fin. Nous avons vu, jeudi dernier, le visage de l’horreur. Mais aujourd’hui, nous voyons un autre visage : celui d’une classe ouvrière triomphante qui a porté un coup puissant à ses ennemis - en Espagne et à l’échelle internationale. Le pessimisme a cédé la place à l’optimisme. Une nouvelle confiance dans la possibilité de vaincre a remplacé le défaitisme. Grâce aux armes d’une politique et d’idées correctes, nous pouvons vaincre - non seulement en Espagne, mais dans le monde entier.

Les leçons de ces derniers jours, en Espagne, doivent être attentivement étudiés par ceux qui veulent comprendre la nature de notre époque. Ce qui s’est passé en Espagne peut se passer demain en Grande Bretagne, aux USA ou dans tout autre pays. Nous devons être prêts !

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