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Le résultat des élections régionales des 20 et 27 juin sera analysé et interprété dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022. Les politiciens et journalistes en tireront toutes sortes de conclusions – et chacun, bien sûr, donnera aux résultats la signification qui l’arrange.

Cependant, s’il est vrai que ces élections régionales – comme toute élection – fourniront des renseignements sur l’évolution politique du pays, ils ne permettront absolument pas d’anticiper le résultat du premier tour de l’élection présidentielle. Et ce pour au moins trois raisons :

1) L’abstention, aux régionales, sera sans doute élevée, en particulier dans la jeunesse et les couches les plus opprimées de la population. Or cet électorat se mobilisera davantage en avril prochain. Au profit de quelle force politique ? Ce sera justement l’enjeu central de la présidentielle.

2) La composition des listes de gauche, aux régionales, offre le spectacle d’une véritable Tour de Babel : la FI, le PS, les Verts et le PCF ont constitué des alliances diverses et variées : les alliés dans une région sont concurrents dans une autre ; ailleurs encore, tout le monde est sur la même liste. En France métropolitaine, il n’y a pas moins de six configurations différentes, et plus encore si l’on compte les candidats « dissidents » du PS et du PCF. A l’élection présidentielle, par contre, le choix sera beaucoup plus clair.

3) Une élection n’est jamais qu’une photographie – très imparfaite – de l’opinion publique à un moment donné. Or la profonde crise économique et sociale entraîne une énorme volatilité de l’opinion publique, qui peut connaître des virages massifs et brutaux d’ici l’élection présidentielle de 2022.

Incohérence

Qu’est-ce qui justifie des alliances aussi variables, à gauche, d’une région sur l’autre ? Inutile de rechercher ici des principes ou une cohérence politique globale. Seuls les architectes directs des alliances en question savent quel dosage d’ambitions, d’arrière-pensées et de petits calculs a présidé, dans chaque cas, à telle ou telle configuration. Quant à la masse des jeunes et des travailleurs, ils ne peuvent rien y comprendre – sinon que tout cela sent fort la « politique politicienne » et les arrangements de circonstance.

Les dirigeants du PS, des Verts et du PCF nous ont habitués de longue date à ces alliances à géométrie variable. Ils s’imaginent que cela ne peut plus leur nuire : ils ont déjà touché le fond. Le problème est plus grave dans le cas de la FI, car cette force de gauche – et elle seule – est susceptible de l’emporter en avril 2022.

Comme lors des municipales de mars 2020, la direction de la FI a choisi d’enjamber les élections régionales, c’est-à-dire d’y figurer à minima, quitte à conclure des alliances, dès le premier tour, avec le PS ou les Verts – deux partis profondément discrédités dans les couches les plus radicalisées de la jeunesse et du salariat. C’était une erreur, déjà, en mars 2020 ; c’est toujours une erreur lors de ces élections régionales.

Des enjeux « régionaux » ?

On entend parfois que les alliances de la FI avec le PS et les Verts ne sont pas un problème car il s’agit d’un scrutin aux « enjeux régionaux », et non nationaux. Cette distinction entre enjeux locaux et nationaux est une ridicule abstraction. Dans le contexte d’une profonde crise économique et sociale, la masse de l’électorat ne se demande pas quelles sont les prérogatives des Conseils Régionaux – ni si le PS, les Verts et la FI peuvent s’entendre sur un bon programme régional. Non : la masse de l’électorat va se positionner sur des orientations politiques nationales. Et c’est donc sur un programme essentiellement national, anticapitaliste et radical, que la FI aurait dû axer sa campagne et sa stratégie d’alliances.

Le Rassemblement National fait-il campagne sur un programme « régional » ? Absolument pas : il fait campagne sur son habituelle démagogie raciste, nationaliste et sécuritaire – le tout saupoudré de quelques dérisoires mesures « régionales », pour faire joli. La direction du RN ne s’embarrasse pas de distinctions scolastiques entre enjeux locaux et nationaux. Elle est à l’offensive. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de la FI dans ces élections régionales, sans parler des autres forces de gauche.

Au fond, la direction de la FI ne voulait pas prendre le risque d’essuyer un revers électoral après avoir mené campagne sur son propre programme et sous son propre drapeau. Elle est toujours marquée par son mauvais score aux élections européennes de 2019 (6,3 %), qu’elle a mal interprété. Elle commet une erreur stratégique et une erreur d’analyse de l’humeur politique des masses, dont elle sous-estime la radicalité. Or cette radicalité est clairement apparue, par exemple, lorsque la FI s’est opposée à la manifestation des syndicats policiers du 19 mai dernier. Cette opposition a été extrêmement bien reçue dans de larges couches de la population. La FI était alors en rupture avec toute la classe politique, mais majoritaire dans la masse des travailleurs. C’est précisément ce type de positionnement qui est susceptible de créer une dynamique victorieuse à la présidentielle de 2022.

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