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Place Tahrir

En Egypte et en Tunisie, le mouvement révolutionnaire a repris l’offensive ces dernières semaines et s’oppose aux gouvernements qui se sont emparés du pouvoir dans la foulée de la première phase de ces deux révolutions. En Egypte comme en Tunisie, une partie du peuple se faisait des illusions sur la capacité des Frères Musulmans à gérer les problèmes hérités de l’ancien régime, qui sont en fait les problèmes du capitalisme. La situation économique a même empiré depuis la révolution. La croissance du PIB est passée de 6 % à 1,8 % depuis 2011. Le chômage s’envole. Les investissements étrangers ne représentent plus que le dixième de ce qu’ils étaient avant la révolution. Alors que sa popularité s’effondrait, Morsi a essayé d’augmenter les pouvoirs constitutionnels dont il dispose, ce qui a déclenché une riposte immédiate de la part du peuple. Des manifestants se sont attaqués aux locaux des Frères Musulmans. Les forces de l’ordre ont violemment réprimé les manifestants.

C’est ce qui explique l’apparition du Front du Salut National, une coalition hétéroclite rassemblant notamment des libéraux bourgeois, comme El Baradei, des anciens du régime de Moubarak, comme Moussa, ou encore le Sabbahi (social-démocrate). Le nassérisme, par sa politique de nationalisations, de développement des services publics et d’anti-impérialisme, a laissé un souvenir plutôt positif à la classe ouvrière égyptienne. L’émergence de ce mouvement et le soutien de plus en plus important dont il bénéficie auprès des masses populaires sont révélateurs de la radicalisation de la situation.

Morsi a seulement commencé à appliquer le programme que lui imposent le FMI et la classe capitaliste égyptienne. La mobilisation populaire l’a fait reculer sur de nombreux points, mais il sera forcé de revenir à l’offensive et tentera à nouveau d’appliquer sa politique de rigueur. Cela devrait achever de le décrédibiliser auprès du peuple égyptien.

Les travailleurs tunisiens, non plus, n’ont pas baissé les bras depuis le renversement de Ben Ali en 2011. Certes, la Révolution qui a chassé le clan Ben Ali-Trabelsi a permis, comme en Egypte, aux islamistes d’arriver au pouvoir, par le biais du parti Ennahda. Mais les travailleurs luttent pour « leur » révolution. On a pu le constater par l’opposition constante d’une partie de la population tunisienne à la politique du gouvernement. Les grèves et les manifestations se sont multipliées au cours de ces derniers mois. En décembre, une grève générale, prévue par le syndicat UGTT, a été annulée à la dernière minute. Cette décision fut prise à une très faible majorité par l’Exécutif National de l’UGTT. Si cette grève avait été maintenue, le gouvernement aurait pu être renversé en décembre. Son annulation a été interprétée par les islamistes comme un signe de faiblesse, ce qui explique qu’ils ont osé assassiner Chokri Belaid, le leader du MPD, un parti panarabiste opposé à Ennahda. Mais ils ont sous-estimé la colère des travailleurs et de la jeunesse.

Après cet assassinat, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues contre Ennahda et contre Hamadi Jebali. L’ampleur de ces manifestations a surpris le gouvernement. Des centaines de milliers de personnes étaient dans les rues pour les funérailles de Chokri Belaid. Ennahda a envoyé la police pour réprimer les protestations. Jebali a finalement proposé un « gouvernement de technocrates », pour tenter d’apaiser la foule – et pour se maintenir au pouvoir, bien évidemment. Mais Jebali et les islamistes ne mesurent pas la détermination et l’envie d’émancipation des travailleurs, des femmes, des jeunes et des précaires, qui tous ont envie d’une autre société.

Les travailleurs tunisiens commencent à comprendre qu’ils ne s’en sortiront pas dans le cadre du capitalisme. Une entrée en action massive de la population ouvrirait effectivement la possibilité de renverser le système capitaliste. C’est la seule solution. Malgré les partis sociaux-démocrates et les partis réformistes tunisiens, qui se contentent de demander à Ennahda de quitter le pouvoir, les Tunisiens sont en train de se réapproprier leur révolution et montrent ainsi qu’ils ne l’abandonneront plus.

Rien ne peut arrêter le peuple. Ben Ali a été balayé. Moubarak a été balayé. A terme, les islamistes d’Ennahda ou des Frères musulmans le seront aussi. Les travailleurs unis sont la force la plus puissante qui soit, et à partir du moment où ils en prennent conscience, aucun gouvernement ni aucune armée ne pourront les arrêter.

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