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Du jeudi 28 décembre au 7 janvier derniers, l’Iran a connu le mouvement social le plus profond depuis la révolution de 1979. L’étincelle a eu lieu à Mashad, deuxième plus grande ville du pays et bastion conservateur, lors de manifestations qui visaient la politique d’austérité du président Hassan Rohani. Le mouvement social s’est très vite propagé à tout le pays. Au total, près de 80 villes et villages ont été touchés. Des dizaines de milliers de travailleurs, d’étudiants et de chômeurs ont fait grève ou manifesté, malgré la répression.

Désillusion

Le mouvement a secoué le régime en profondeur. Même s’il a mobilisé moins de monde qu'en 2009, il était plus étendu, géographiquement, et a entraîné des couches de la population qui, traditionnellement, soutenaient le régime. Après des années d’austérité, l’arrivée au pouvoir du président « réformateur » Rohani, en 2013, avait suscité beaucoup d’espoir dans la population, tout comme la levée des sanctions américaines, en 2015, suite à l’accord sur le nucléaire iranien. Mais aujourd’hui, les Iraniens se sentent trompés.

Même si l'économie a redémarré (4 % de croissance en 2017), le quotidien des masses iraniennes ne s'est pas amélioré. Le chômage frappe 20 à 30 % de la population active. Il est deux fois plus élevé chez les jeunes. Le coût de la vie a augmenté. Dans ce contexte de misère croissante, la corruption des « élites » est devenue insupportable. Des hauts dignitaires du régime accumulent les milliards de dollars sur le dos du peuple. Selon certaines sources, près de 50 % du PIB est accaparé par les « Gardiens de la révolution ». En décembre, le président Rohani a présenté un budget d’austérité qui prévoit notamment une hausse du prix du carburant et des coupes dans les dépenses sociales. C’est ce qui a mis le feu aux poudres.

Révolution ?

Alors que le mouvement de 2009 avait massivement mobilisé les classes moyennes des grandes villes, en soutien aux « réformateurs » du régime (Mousavi, Kharoubi), ce sont les éléments issus des classes les plus exploitées qui se sont révoltés, cette fois-ci – et dans toutes les provinces du pays. Les slogans anti-austérité se sont mêlés à des slogans contre les conservateurs et les réformateurs, c’est-à-dire contre la République islamique dans son ensemble.

Face à un mouvement inédit depuis 40 ans, la classe dirigeante iranienne s’est divisée. Le « guide suprême », Ali Khamenei, a appelé à une répression sévère. Mais le président réformateur Rohani, conscient que l’usage de la force risquait d'aggraver la situation et de créer des divisions dans l’armée, a hypocritement appelé à la conciliation. Ceci dit, 4000 manifestants ont été arrêtés et 25 ont été tués.

L’Iran est-il au seuil d’une révolution ? De fait, une situation révolutionnaire se dessine depuis 2009. Lénine expliquait qu'une situation révolutionnaire se caractérise essentiellement par trois éléments : une crise au sommet, c’est-à-dire la division de la classe dirigeante, qui ne peut plus gouverner comme auparavant ; l’aggravation de la misère et de la détresse des masses ; enfin, une nette accentuation de la lutte des classes exploitées et opprimées. L’existence d’une situation révolutionnaire ne signifie pas que la révolution aura lieu, mais qu’elle peut avoir lieu. Telle est bien la situation en Iran.

L'impérialisme américain

Le 1er janvier 2018, en pleine phase ascendante du mouvement, Donald Trump a appelé à un « changement de régime » en Iran. La fraction conservatrice de la classe dirigeante iranienne – Ali Khamenei en tête – a sauté sur l’occasion pour jeter le discrédit sur le mouvement, l'accusant d'être orchestré par l'impérialisme américain. Le peuple iranien est très hostile à l’impérialisme occidental, qui a tant pillé et opprimé le pays. Cette hostilité est d'ailleurs l'un des derniers piliers du régime, qui l'instrumentalise constamment, d'une manière très hypocrite. En réalité, la bourgeoisie iranienne n’a rien d’anti-impérialiste. Par le passé, elle a multiplié les interventions militaires au Moyen-Orient (Irak, Liban...) en coopération avec l’impérialisme américain.

Il est vrai que des organisations soutenues par Washington sont actives en Iran, comme les monarchistes de Reza Pahlavi et les islamistes de l’OMPI. Mais elles n'y jouent, heureusement, qu’un rôle insignifiant. Cela dit, l'intervention de Trump – et la crainte d'une récupération du mouvement par les impérialistes occidentaux – ont joué un rôle dans le reflux des mobilisations. Mais il est clair que ce reflux est temporaire. C'est une simple pause.

Les Iraniens qui se sont mobilisés sont issus de la classe ouvrière et des couches les plus opprimées du pays. Pour abattre le capitalisme iranien et son régime réactionnaire, ils devront s’organiser, bâtir une direction révolutionnaire et se doter d’un programme clair. La tâche des marxistes est de soutenir les travailleurs en lutte et d’expliquer patiemment, dans le mouvement de masse, comment envoyer une fois pour toutes les capitalistes iraniens et leur régime dans les poubelles de l’histoire.

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