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Début juin 2022, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, annonçait que la nationalisation d’EDF était parachevée et se félicitait de ce « succès […] indispensable » pour l’avenir du groupe. De la part d’un chantre des privatisations et d’un admirateur notoire de Margaret Thatcher, une telle déclaration peut surprendre. Mais en réalité, elle est parfaitement logique, car cette nationalisation d’EDF a été réalisée entièrement au profit des capitalistes.

Renflouement

Dès juillet 2022, Elisabeth Borne annonçait que le gouvernement voulait renationaliser EDF (privatisée en 2004). L’entreprise était alors en grosse difficulté, notamment du fait du vieillissement des installations nucléaires et du recours systématique à la sous-traitance. Au printemps de la même année, 24 réacteurs sur 56 étaient à l’arrêt : des problèmes de corrosion avaient été repérés sur leurs systèmes de sécurité. En conséquence, EDF a dû acheter de l’électricité sur le marché européen pour répondre à la demande.

Par ailleurs, en février 2022, Macron a annoncé qu’il voulait faire construire au moins six réacteurs EPR et toute une série de réacteurs « modulaires » (plus petits). Or le coût d’un tel programme dépassait largement les capacités financières d’EDF, alors endettée à hauteur de 64,5 milliards d’euros.

La nationalisation de l’entreprise vise précisément à contourner cette difficulté. C’est un cas d’école d’une formule chère à la bourgeoisie : « nationaliser les pertes, privatiser les profits ! ». L’objectif est de nationaliser EDF pour la renflouer et financer les grands programmes macronistes sur les deniers publics. Puis, lorsqu’elle sera de nouveau rentable, elle sera de nouveau privatisée.

Cette opération se fera donc au bénéfice des futurs actionnaires, qui hériteront d’une entreprise remise à flot. De son côté, la classe ouvrière devra payer la facture de l’opération, sous la forme de politiques d’austérité et d’augmentation d’impôts. Lorsqu’elle a annoncé le projet de renationalisation, la Première ministre a d’ailleurs présenté l’addition : 9,7 milliards d’euros aux frais du contribuable, car l’Etat a racheté toutes les actions qui ne sont pas sous son contrôle.

L’initiative de la NUPES

En septembre 2022, les députés de la NUPES ont déposé une proposition de loi visant à doter EDF d’un nouveau statut après sa nationalisation. L’entreprise ne serait plus une société anonyme, mais un « groupe public unifié » dont le capital serait « incessible ». L’objectif était d’empêcher que le gouvernement ne privatise à nouveau l’entreprise – en bloc ou par morceaux – après l’avoir renflouée.

Adopté en première lecture grâce à l’absence de nombreux députés de la majorité, le projet de loi a ensuite été transmis au Sénat, qui est dominé par la droite. Les sénateurs l’ont alors vidé d’une bonne partie de sa substance : l’idée d’un groupe « unifié » a disparu, tout comme l’impossibilité pour l’Etat de céder tout ou partie du capital. Revenu à l’Assemblée, le projet de loi – tel que modifié par les sénateurs – a été adopté le 4 mai dernier, sous les applaudissements de la gauche. Le député insoumis Bastien Lachaud a même affirmé que la NUPES venait de « faire reculer la macronie ».

En réalité, cette loi a été vidée de la plupart de ses éléments progressistes. Les seuls amendements des députés de la FI qui figurent dans le texte final sont ceux qui rétablissent les tarifs réglementés de vente d’électricité pour les TPE, les PME et les bailleurs sociaux. A cette exception près, la nationalisation d’EDF s’est déroulée dans le cadre qui avait été fixé par le gouvernement Macron, dès le départ.

Leurs nationalisations – et les nôtres

Les marxistes ne soutiennent pas n’importe quel type de nationalisations. Le mouvement ouvrier ne devrait pas soutenir les nationalisations « à la Bruno Le Maire », car elles ne sont rien d’autre, au final, qu’une politique de subvention massive des grands capitalistes – à partir des caisses de l’Etat.

En ce qui concerne EDF, le mouvement ouvrier doit défendre sa nationalisation, bien sûr, mais dans des conditions spécifiques. D’une part, les grands capitalistes devraient être expropriés. Il n’y a aucune raison de les indemniser, car ils se sont déjà largement payés sur la bête, particulièrement ces dernières années grâce à la hausse des prix de l’énergie. D’autre part, tous les travailleurs précaires et sous-traitants devraient être titularisés au sein d’EDF – et dotés des mêmes droits que les autres travailleurs du groupe. Enfin, une fois expropriée, l’entreprise devrait être gérée démocratiquement par des représentants des travailleurs et des consommateurs, et non par les anciens PDG et cadres supérieurs qui la dirigeaient déjà dans le privé.

Par ailleurs, il faudrait nationaliser – de cette manière – non seulement EDF, mais aussi l’ensemble des entreprises du secteur de l’énergie, à commencer par le Réseau de transport d’électricité (RTE), Enedis, Orano (ex-Areva), Engie (ex-GDF) et TotalEnergies. Ces entreprises devraient constituer un vaste secteur public cohérent et coordonné, capable de produire et distribuer de l’énergie dans les meilleures conditions et au meilleur tarif.

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