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Danone

Les fermetures et les suppressions d’emploi annoncées par la direction du groupe Danone sont totalement inacceptables. Au total, six usines sont menacées de fermeture en Europe, entraînant la suppression de 1400 emplois. En France, la direction du groupe veut supprimer 570 emplois et fermer les usines de Ris-Orangis (Essonne) et de Calais.

Le groupe enregistre des profits records. Son chiffre d’affaires est en forte progression. Au premier trimestre de 2001, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 3,42 milliards d’euros (22,45 milliards de francs) contre 21,8 milliards de francs pour la même période, l’an dernier, soit une progression de 6,6%. Le pôle " biscuits " du groupe progresse également, son chiffre d’affaires passant de 727 millions d’euros au premier trimestre de l’an 2000 à 787 millions d’euros un an plus tard. La branche " produits laitiers " a progressé de 1,57 milliards d’euros à 1,7 milliards d’euros.

Les salariés du groupe se trouvent devant l’absurdité de la logique du profit. Une entreprise qui perd de l’argent en prend prétexte pour redresser les bénéfices de ses propriétaires en licenciant du personnel et en réduisant les coûts. Ici, nous avons une entreprise qui gagne de plus en plus d’argent, grâce au travail, au savoir-faire et à l’implication de ses employés, et qui se retourne contre ceux-ci tout simplement parce que, en restructurant le groupe au détriment de l’emploi et des conditions de travail, il lui sera possible de gagner encore plus d’argent. Pour les salariés des usines menacées de fermeture, pour leur famille, c’est un véritable drame qu’on leur inflige au nom du profit.

L’annonce des fermetures a marqué l’opinion publique. Un sondage réalisé par IFOP indique que 85% des personnes interrogées estiment que les suppressions d’emplois chez Danone étaient injustifiées. Et pourtant, comme avec Marks et Spencer, le gouvernement a voulu focaliser l’attention du public sur la "manière" dont les licenciements ont été dévoilés. Laurent Fabius a trouvé les méthodes du groupe "extrêmement brutales". Élisabeth Gigou, pour sa part, s’est déclarée "stupéfaite". Le porte-parole du PS s’est contenté de rappeler le "rôle indispensable du dialogue social" et a demandé aux entreprises "d’assumer leurs responsabilités économiques et sociales". Voilà de quoi faire trembler les Franck Riboud de ce monde !

Les vices de forme doivent être contestés, mais Marcel Pochet, le représentant CGT de l’usine de Calais, a raison de souligner les limites de cet aspect du combat : "Le Comité Central d’Entreprise ne peut intervenir, dit-il, que sur des défauts de procédure ou sur des délits d’entrave. C’est une réunion d’information et de consultation, comme le prévoit la loi. Nous utiliserons jusqu’au bout la procédure, mais ce n’est pas là qu’on va régler les problèmes des fermetures d’usines ou des licenciements".

Une partie des salariés du groupe a lancé une campagne de boycott des produits Danone. Immédiatement, Riboud a qualifié cette démarche d’un "appel au suicide", laissant entendre qu’une réduction du chiffre d’affaires du groupe serait suivi de nouvelles suppressions d’emploi. Il a reçu du renfort de Nicole Fontaine, présidente de l’Union Européenne. "Les règles ont été respectées par Danone", a-t-elle déclaré, "et donc le boycott n’est pas juste. Il risque de mettre l’entreprise dans une situation beaucoup plus difficile et se retournera contre les salariés." Autrement dit, dès lors que les formes et les procédures sont respectées, des travailleurs menacés de la perte de leur emploi devraient simplement hausser leurs épaules et accepter leur sort !

Ceci dit, du point de vue des salariés du groupe, le boycott est insuffisant. De toute évidence, les enjeux financiers sont trop importants pour que le boycott fasse plier la direction. Marcel Pochet ne voit de salut que dans la "mobilisation de tous". Et il a raison. Il est clair que le mouvement syndical, en France, a le pouvoir de faire échec aux projets de Riboud, à condition que les responsables du mouvement, à tous les niveaux, réagissent. Une victoire chez Danone serait une victoire pour tous. Concrètement, il ne faut pas compter sur le gouvernement pour faire quoi que ce soit de significatif à l’encontre du groupe Danone, en dehors de quelques gestes à des fins électorales. La solution réside dans l’action solidaire de l’ensemble du mouvement syndical, en France comme à l’étranger. La production doit s’arrêter dans toutes les usines du groupe. D’autres syndicats - et notamment ceux du transport routier et du rail - doivent prendre le relais pour assurer que les produits Danone ne circulent plus. Après tout, avant même que le consommateur puisse se poser la question de consommer ou non un produit Danone, il faut que celui-ci se trouve sur les étalages des supermarchés. Les syndicats du commerce doivent également faire ce qu’ils peuvent pour que la marchandise du groupe ne soit pas mise en vente.

Le remboursement des fonds publics accordés aux entreprises qui licencient et l’augmentation des indemnités de licenciement passent à côté du fond du problème. Toutes les fonctions du groupe Danone, tout le travail qui s’y effectue, tout est fourni par les salariés du groupe, alors que Riboud et ses acolytes pourraient partir en vacances pendant de longs mois sans que personne ne s’en aperçoivent. Le marché pour les produits du groupe existe et se porte plutôt bien. La seule et unique "justification" de ces fermetures est celle de l’avidité des actionnaires. Cela et rien d’autre. Est-ce tolérable ?

Depuis une vingtaine d’années, les députés, les ministres, les hauts responsables des partis de gauche et des syndicats ont oublié une bonne vieille revendication du mouvement ouvrier, celle de la nationalisation. Ils sont tous convertis à "l’économie de marché". Il est grand temps de réintégrer cette revendication dans le programme du mouvement syndical et des partis de gauche. Si les capitalistes et les grands actionnaires, qui créent ou suppriment des emplois en fonction des indices de ce grand casino que l’on appelle la Bourse, si tout ce beau monde ne peut gérer une entreprise qu’au mépris de ceux qui y travaillent, alors pourquoi laisser celle-ci entre leurs mains ?

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