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Depuis le 1er janvier 2019, les demandeurs d’emploi peuvent être sanctionnés plus durement que par le passé. Avec la loi du 5 septembre 2018, joliment appelée « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », le gouvernement a modifié les motifs de radiation, ainsi que l’échelle des sanctions contre les chômeurs. Entretien avec Adrien R., conseiller dans une agence de Pôle emploi à Toulouse.


En quoi consiste ton travail chez Pôle emploi ?

Je suis conseiller « gestion de droits » et j’accueille des demandeurs d’emploi. Je suis là pour informer les demandeurs d’emploi, traiter leurs allocations (ARE, ASS) et faire en sorte que leurs dossiers soient traités et qu’ils soient payés, ou parfois pour gérer du trop-perçu.

Comment faites-vous face à l’afflux de demandeurs d’emploi ?

Il faut voir que les dossiers sont de plus en plus digitalisés. On incite au maximum les chômeurs à passer par leurs espaces personnels, sur internet. On fait le maximum pour qu’ils ne viennent pas à l’agence. On les incite à scanner les documents et ne pas les déposer en agence. Même s’ils veulent les déposer, on leur dit : « non, on ne les prend pas, il faut les scanner ». Au fur et à mesure, on leur fait tout faire à distance.

Là où je travaille, on essaye de faire le maximum et assurer un service de qualité aux chômeurs. On anticipe autant que possible leurs demandes ; mais c’est aussi pour éviter qu’ils viennent à l’agence.

Après, heureusement qu’il y a des jeunes en « service civique » qui assurent l’accueil, qui aident à s’inscrire et à scanner des documents. Ils sont au front et heureusement qu’ils sont là. C’est un boulot compliqué. Ils viennent pallier un manque d’effectifs, sinon c’est nous qui le ferions en plus de ce que nous faisons déjà. Pôle emploi fait de grosses économies sur ça. Ces jeunes sont payés au lance-pierre (473 euros par mois) pour un boulot compliqué, sans être embauchés à la fin de leur service.

Comment se concrétise l’application de la nouvelle loi ?

La loi alourdit les sanctions en cas de manquement aux obligations du chômeur, et ces obligations se sont durcies. Avant, quand il y avait des manquements, comme l’absence à un rendez-vous, le chômeur était radié des listes, mais en se réinscrivant, il récupérait ses allocations. Maintenant, ce n’est plus le cas. Par exemple, l’absence à un rendez-vous est sanctionnée par une radiation d’un mois. Au deuxième manquement, c’est une radiation de deux mois et la suppression de deux mois d’allocations. Au troisième, c’est une radiation de quatre mois et la suppression de quatre mois d’allocations.

Mais dans le cas de manquements tels que le refus de deux offres « raisonnables » d’emploi, le refus de se soumettre à une visite médicale, le refus d’actualiser son Projet Personnalisé d’Accès à l’Emploi, ou encore l’insuffisance de recherche d’emploi, les sanctions sont encore plus dures. Dès le premier manquement, en plus de la radiation d’un mois, c’est la suppression d’un mois d’allocations. Pour les manquements suivants, c’est les mêmes sanctions que pour les absences.

Le demandeur d’emploi peut faire des recours ?

Le problème, c’est que les recours ne sont plus traités par un tiers, comme la préfecture ou la DIRRECTE (ministère du Travail), mais par Pôle emploi lui-même, qui se retrouve juge et partie. En gros, maintenant, vous êtes radiés, mais vous pouvez faire un recours. On vous dira alors que la sanction est maintenue, ou bien, si on ne vous répond pas d’ici deux mois, cela signifie que la sanction est maintenue. Si le directeur territorial de Pôle emploi est submergé de dossiers, comme ce sera le cas, il ne se prendra pas la tête. Et si le demandeur d’emploi veut contester une décision de radiation auprès du tribunal administratif, il ne peut le faire qu’à la condition d’avoir au préalable effectué un recours auprès de Pôle emploi, qui dispose de deux mois pour répondre. C’est un bon moyen pour dissuader le chômeur de faire ce type de recours, tellement il devra attendre sans être indemnisé.

Comment vois-tu l’avenir ?

Quand le pays compte six millions de chômeurs, les traiter ainsi, avec une loi intitulée « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », franchement, c’est grave. Que ceux qui ne sont pas encore au chômage s’imaginent : pendant la durée de la radiation, le chômeur ne peut plus se réinscrire à Pôle emploi, et il ne touche plus d’allocations. Quand on connait la situation de précarité des chômeurs, c’est grave !

Mais la ministre du Travail pourra se féliciter de la baisse du chômage grâce à ces radiations intempestives. Et le président Macron pourra dire que les chômeurs sont des fainéants… On sait pourtant que le chômage est structurel, organique au système capitaliste.

Si on continue comme ça, j’imagine qu’un jour Pôle emploi ne sera plus un service public, et qu’il sera privatisé, pour finir comme une sorte de mutuelle d’assurance chômage privée.

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