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Après des décennies de croissance, l’économie chinoise a commencé à ralentir au milieu des années 2010. En 2020, la pandémie a précipité une crise profonde qui a mis à nu les pires aspects du capitalisme chinois et du régime dictatorial de Xi Jinping. La jeunesse chinoise a été frappée de plein fouet, et aujourd’hui la crise ne lui laisse pas d’autres voies que le désespoir ou la révolte.

Flambée du chômage

En mars dernier, le nom de Kong Yiji a connu un regain de popularité sur le web chinois. Tirée de la littérature chinoise du début du XXe siècle, cette figure d’un lettré pauvre et sans ressources est aujourd’hui utilisée pour décrire la vie de nombreux jeunes diplômés qui ne trouvent aucun emploi décent. La vidéo d’un chanteur amateur qui utilisait ce personnage pour critiquer la situation actuelle et se moquer de l’hypocrisie du régime a été vue des millions de fois sur le réseau social Bilibili – avant d’être censurée par le régime.

Comme à leur habitude, les autorités chinoises ont réagi de façon à la fois autoritaire et paternaliste. Le 16 mars, la chaîne d’Etat CCTV a même publié un article qui appelait les jeunes à « ravaler leur égo » et à « être plus autonomes ». Cet article affirmait aussi que l’époque de Kong Yiji était « depuis longtemps terminée, [car] l’économie est en reprise [et] le marché de l’emploi s’améliore ».

Pourtant, les chiffres brossent un tableau très différent. Le marché de l’immobilier est en crise, la production industrielle est en repli, la croissance du PIB continue de ralentir. Dans ce contexte, le chômage des jeunes augmente sans cesse. D’après les chiffres officiels, il serait passé – dans les villes – de 17 à 21 % au cours du seul premier semestre 2023. Mais ces chiffres officiels sous-estiment énormément la réalité. Par exemple, il suffit de travailler une heure par semaine pour ne plus être considéré comme un « chômeur ». D’après les calculs d’un économiste de l’Université de Pékin, 46,5 % des jeunes auraient été privés d’emploi au mois de mars 2023. C’est peut-être une exagération, mais quand bien même la réalité se situerait entre ce chiffre et celui du gouvernement, la tendance est clairement à la flambée du chômage des jeunes.

Dans le même temps, les licenciements se multiplient. Les trois principales entreprises chinoises du numérique, Baidu, Alibaba et Tencent, ont à elles seules licencié 28 000 travailleurs en 2022. D’autres secteurs sont concernés. Ford a licencié plus de 1300 salariés en mai dernier, et des plans sociaux massifs sont en préparation dans le secteur financier.

Désespoir ou révolte

Les jeunes nés à la fin des années 1990 ou au début des années 2000 ont grandi dans un contexte où la Chine s’insérait toujours plus dans le marché mondial, après le rétablissement du capitalisme dans ce pays. L’économie chinoise connaissait des rythmes de croissance très élevés. En cristallisant toutes les contradictions du capitalisme chinois, la pandémie de Covid a brisé les illusions optimistes accumulées par des dizaines de millions de jeunes Chinois.

Les jeunes sont aujourd’hui la catégorie d’adultes la plus exposée aux problèmes psychologiques, avec un taux de dépression de près de 24 % parmi les 18-24 ans, contre 12 % parmi les 25-34 ans. Sans surprise, de nombreux jeunes cherchent le salut dans l’émigration. En avril 2022, pendant le confinement de Shanghai, les recherches en ligne sur « comment émigrer au Canada » ont fait un bond de 2846 %.

Des listes de conseils sur la façon de vivre en dépensant le moins d’argent possible sont largement partagées en ligne et soulignent l’impasse dans laquelle est plongée la jeunesse chinoise. Une des listes les plus populaires, les « six commandements », conseille de s’abstenir de fumer, de boire de l’alcool, de commander de la nourriture à emporter, mais aussi de se marier, d’avoir des enfants et même d’avoir des relations amoureuses !

Cependant, ces manifestations de désespoir ne sont qu’un des aspects de l’état d’esprit de la jeunesse chinoise. En novembre dernier, au moins 207 universités situées dans 21 provinces différentes ont connu des mobilisations dans le cadre du mouvement initié par les travailleurs de l’usine Foxconn, qui eux aussi étaient pour la plupart assez jeunes. Ce mouvement massif a contraint le régime à reculer et à abandonner la politique « Zéro Covid ».

Cette mobilisation de masse était une illustration flagrante de la frustration et de la colère qui fermentent dans les profondeurs de la société chinoise. Du fait de la crise, l’exploitation et l’oppression que le régime capitaliste de Xi Jinping fait subir à la population vont devenir de plus en plus évidentes et insupportables. La lutte des classes va s’intensifier, et une partie significative de la jeunesse va rechercher une voie révolutionnaire pour sortir de l’impasse. En Chine comme ailleurs, elle ne manquera pas de s’orienter, tôt ou tard, vers les idées et les méthodes du marxisme révolutionnaire.

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