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Boliviens

Les évènements révolutionnaires d’octobre 2003, en Bolivie, marquent l’un des points culminants du processus révolutionnaire en Amérique latine. Ce magnifique mouvement de travailleurs et de paysans pauvres est une source d’inspiration pour le monde entier. Le soulèvement fut la conséquence de l’accumulation d’expérience par les travailleurs boliviens durant les trois dernières années de lutte. Le succès du soulèvement contre la privatisation de l’eau à Cochabamba, en mars/avril 2000, a marqué le début de la renaissance du mouvement des travailleurs et des paysans boliviens, qui avaient subit une lourde défaite en 1985/86. Depuis, nous avons assisté au mouvement massif des planteurs de coca, au blocage national des routes par les paysans, au mouvement des retraités en janvier 2003 et au soulèvement de février.

Tous ces mouvements ont démontré l’extrême faiblesse de la classe dirigeante bolivienne, fragmentée et divisée au plan électoral, entièrement dépendante de l’impérialisme américain et dotée d’un appareil d’Etat instable. L’un des éléments clé du mouvement de février 2003 contre le projet de réforme fiscale du gouvernement de Sanchez de Lozada fut une mutinerie de la police, durant laquelle des officiers de police ont combattu l’armée aux côtés des travailleurs. Sans les hésitations ou la passivité des dirigeants des syndicats et des organisations de gauche, les travailleurs et les paysans auraient pu prendre le pouvoir.

Ces trois années de riche expérience ont également eu un impact au sein des organisations traditionnelles de la classe ouvrière et des paysans. Les syndicats boliviens ont remplacé leur ancienne direction droitière et pro-gouvernementale par une autre, plus radicale, représentant le « bloc anti-néolibéral ». C’est la fédération des mineurs (traditionnellement, le pilier du mouvement ouvrier bolivien) qui a joué un rôle clé, en août 2003, dans l’élection d’une direction plus à gauche de la COB (la confédération syndicale du pays). Les nouveaux dirigeants de la COB, et en particulier son secrétaire Jaime Solares, qui vient de la fédération des mineurs, parlent d’un gouvernement des travailleurs et des paysans muni d’un programme socialiste, de milice ouvrière d’autodéfense, etc.

Ceci est un reflet de la radicalisation de l’humeur des masses, mais c’est aussi une expression de la tradition trotskyste du mouvement ouvrier bolivien. Ceci dit, des discours radicaux ou à consonance « marxiste » ne garantissent pas la victoire pas à eux seuls. Au contraire ils peuvent même souvent mener à la défaite. Pendant l’insurrection d’octobre, ce furent précisément les hésitations de ces dirigeants au moment décisif qui ont permis à la classe dirigeante de sacrifier le président Sanchez de Lozada et de lui substituer un autre politicien bourgeois, Carlos Mesa.

L’importance du mouvement d’octobre vient de ce qu’il a clairement posé la question du pouvoir. A El Alto, les travailleurs et la population ont formé des soviets embryonnaires, sous la forme des « Juntas Vecinales » (des juntes de quartier). Un appel à la formation de comités d’autodéfense a été lancé. Des sections de la police ont fraternisé avec les manifestants, et même au sein de l’armée des soldats ont refusé de tirer sur la foule. Pendant quelques jours, il y a eu une lutte entre le président, qui ne contrôlait plus grand-chose, et les travailleurs et paysans qui détenaient le pouvoir réel dans les rues. N’en déplaise aux intellectuels de « gauche », c’est une fois de plus la classe ouvrière à travers ses organisations, et en particulier les mineurs, qui ont joué le rôle clé dans le soulèvement. Toutes les autres sections de la société cherchaient une direction dans les organisations syndicales.

Le mouvement n’a pas été battu, mais juste temporairement dévié. Le gouvernement de Mesa n’a pas de marge de manœuvre, et ne tardera pas à faire face à un nouveau soulèvement. A un certain stade, la classe dirigeante devra intégrer certains dirigeants des travailleurs et des paysans au sein du gouvernement. Evo Morales et son Mouvement Vers le Socialisme (MAS) sont les candidats parfaits pour jouer ce rôle. Cependant, il ne s’agira pas d’un gouvernement de gauche normal, mais d’un gouvernement sous haute pression de la base et dont les masses ne toléreront aucun mouvement vers la droite.

L’idée d’une Assemblée Constituante, qu’avancent certains dirigeants de gauche (ainsi que certaines sectes d’extrême gauche), sera probablement utilisée par la classe dirigeante pour tenter de résoudre la crise de légitimité du régime.

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