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Le 10 janvier, le gouvernement révèlera le détail de son projet de loi sur les retraites. On en connait déjà la mesure centrale : le report de l’âge du départ à la retraite de quatre mois, chaque année, pour atteindre 64 ou 65 ans (contre 62 aujourd’hui) en 2027 ou 2031. Par ailleurs, l’augmentation de la durée de cotisations requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein pourrait être portée à 43 ans (contre 42 aujourd’hui) avant l’échéance prévue (2035). Enfin, les régimes spéciaux seront sans doute remis en cause.

En 30 ans, les gouvernements successifs ont complètement détruit la conquête sociale de 1982, qui fixait à 60 ans l’âge du départ à la retraite et à 37,5 le nombre d’années de cotisations requises. C’est Edouard Balladur qui a ouvert les hostilités, en 1993, en allongeant la durée de cotisations de 37,5 à 40 années dans le secteur privé. En 2003, au nom de « l’égalité », François Fillon imposait la même régression aux fonctionnaires. En 2010, Nicolas Sarkozy portait l’âge du départ à la retraite à 62 ans. Au passage, il s’attaquait aux régimes spéciaux. En 2014, François Hollande programmait le passage à 43 années de cotisations en 2035.

Tout le long de cette descente aux enfers, une horde d’experts médiatiques modulaient à l’infini le même argument : « il faut travailler plus longtemps puisqu’on vit plus longtemps ». En réalité, depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, l’espérance de vie des travailleurs –  qui reste nettement inférieure à celle des capitalistes – a augmenté grâce à la baisse du temps de travail (entre autres). Et cette baisse du temps de travail, toujours arrachée de haute lutte, s’appuyait sur un accroissement continu de la productivité du travail. Cependant, ces évidences ne peuvent pas convaincre les experts et politiciens bourgeois, car leur objectif n’est pas d’exposer la vérité historique ; c’est de défendre les intérêts des grands capitalistes français. La casse des retraites est une politique qui vise, d’une part, à réaliser des économies drastiques sur le dos des travailleurs et des retraités (au profit du grand patronat), et d’autre part à développer le marché – potentiellement colossal – des systèmes de retraites privés.

L’objectif de la lutte

Il ne faut pas douter de la détermination de la bourgeoisie et de son gouvernement à mettre en œuvre cette contre-réforme : il y va de la compétitivité du capitalisme français. Donc, pour y faire obstacle, il faudra bien plus qu’une série de « journées d’action » syndicales, comme l’a démontré l’expérience des 30 dernières années de luttes. Il faudra un solide mouvement de grèves reconductibles embrassant un nombre croissant de secteurs clés de l’économie, c’est-à-dire un mouvement social d’une puissance exceptionnelle.

Cela pose la question des mots d’ordre sous lesquels cette lutte doit être préparée et menée. A lui seul, « l’abandon du projet de réforme » n’est pas un mot d’ordre suffisant. Certes, tous les sondages soulignent qu’une nette majorité de la population rejette la nouvelle offensive contre le système des retraites. Mais dans un contexte où les coups pleuvent de toute part (inflation, misère et précarité croissantes, casse des services publics, etc.), la jeunesse et le salariat ne passeront à l’action d’une façon exceptionnellement massive et durable que si l’objectif de la lutte est bien plus large que l’abandon de ce projet de réforme – dont on sait bien que, chassé par la porte, il reviendrait par la fenêtre quelques années plus tard, si rien d’autre ne change. Il faut que le jeu en vaille la chandelle, que les objectifs du combat soient à la hauteur des sacrifices qu’il exige.

Dans un article publié par « Unité CGT » (l’aile gauche de la CGT), ces camarades écrivent : « L’ensemble des organisations de la CGT se doivent d’être à la hauteur des enjeux. La bataille contre cette réforme ultra régressive des retraites doit être l’occasion d’une mobilisation plus générale de l’ensemble de notre camp social pour un autre projet de société. » C’est exact. En fait, non seulement cette lutte doit être « l’occasion » d’une mobilisation « plus générale », mais une mobilisation plus générale est la condition sine qua non de notre victoire.

La France insoumise et des organisations de la jeunesse appellent à se mobiliser massivement, le 21 janvier, contre le projet de casse des retraites et contre l’ensemble de la politique du gouvernement. C’est un pas dans la bonne direction. Cependant, on sait qu’une journée de mobilisation ne suffira pas. La gauche et le mouvement syndical doivent jeter toutes leurs forces dans la préparation d’un mouvement de grèves reconductibles visant rien moins que le renversement du gouvernement Macron et la fin de toutes les politiques d’austérité.

Nous savons bien que les dirigeants officiels du mouvement ouvrier sont loin d’adhérer unanimement à cet objectif et à ces perspectives. Il n’empêche : c’est la condition de notre victoire, et donc toutes les bases du mouvement ouvrier doivent pousser dans ce sens.


Sommaire

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