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La campagne de vaccination massive redonne le moral à de nombreux économistes bourgeois. Par exemple, dans une interview accordée au Figaro du 28 décembre, le très médiatique et libéral Nicolas Bouzou affirme : « Cette crise est sanitaire, avec des conséquences économiques. Nous sortirons donc de la crise économique quand nous n’aurons plus besoin de nous protéger du virus ». Et donc, « seule la vaccination de masse nous sortira de la crise économique et sociale ».

Tout est faux dans ce raisonnement : la prémisse comme la conclusion. Non, la récession mondiale n’est pas seulement une « conséquence » de la crise sanitaire. Celle-ci a joué le rôle de catalyseur d’une crise économique qui avait muri de longue date et dont l’imminence était annoncée, bien avant la pandémie, par les analystes bourgeois les plus sérieux (et les marxistes). Désormais, elle développe sa dynamique propre, relativement indépendante de la situation sanitaire. Même dans l’hypothèse d’un succès total de la campagne de vaccination, la crise économique suivra son cours. Et ses conséquences sociales – en termes de chômage, de misère et de précarité – seront très sévères.

Nicolas Bouzou, d’ailleurs, le reconnait indirectement, quitte à se contredire. Dans la même interview, il déclare en effet : « je pense que d’ici dix ans le monde va connaître une forte croissance ». Dix ans ! Voilà qui nuance fortement la perspective de lendemains qui chantent une fois terminée la campagne de vaccination, laquelle ne durera pas une décennie – même en France où son démarrage bat des records de lenteur.

Cette échéance de dix ans n’a aucune base scientifique ; Mr Bouzou l’a calculée au doigt mouillé. Mais le message est clair – et exact : il n’y aura pas de « forte croissance » dans la toute prochaine période, et donc pas d’amélioration des conditions de vie des masses. Au contraire.

Flambée du chômage

En France, une nouvelle flambée du chômage semble inévitable à court terme, notamment parce que les différentes mesures de soutien vont être supprimées pour de nombreuses entreprises. Ce sont les petites entreprises, bien sûr, qui seront les plus impactées, car le gouvernement Macron renfloue les plus grandes à coup de milliards. Des centaines de milliers de salariés de petites entreprises vont perdre leur emploi. Cette tendance a déjà commencé depuis le début de la pandémie, mais elle devrait s’accélérer brutalement.

Le Figaro du 28 décembre prévient : « il faut s’attendre à une réaccélération des faillites, surtout au deuxième trimestre, à mesure que les filets de sécurité seront retirés. L’assureur-crédit Euler Hermes table sur une hausse des défaillances de 25 % dans le monde (…). La France sera parmi les pays les plus touchés (+ 52 %, soit 50 000 défaillances attendues), ainsi que l’Italie (+ 73 %), bien plus que l’Allemagne (+ 5 %). » Bien sûr, ces « prédictions » ne sont pas plus fiables, dans leur détail, que toutes celles avancées depuis le mois de mars, car les économistes naviguent à vue en pleine tempête. Mais ces chiffres indiquent au moins une tendance – à la catastrophe économique et sociale.

Dettes massives

La multiplication des faillites exercera une pression supplémentaire sur le système bancaire. De manière générale, les marchés financiers sont criblés de dettes pourries.

Pour soutenir l’insoutenable, les Etats et les Banques Centrales ont injecté dans l’économie des quantités de liquidités encore plus colossales qu’après la crise de 2008. Aux Etats-Unis, le bilan de la Réserve Fédérale (FED) est passé de 4100 milliards de dollars en février dernier à 7000 milliards en septembre, soit quelque 2900 milliards de dollars d’injection monétaire en l’espace de sept mois : du jamais vu, et de loin.

En Europe, la BCE ne cesse d’augmenter son plan de rachat de dettes. Le 10 décembre, elle a annoncé ajouter 500 milliards d’euros aux divers plans initialement prévus. Entre mars 2020 et mars 2022, le montant total des rachats de dettes par la BCE s’élèverait à 2400 milliards d’euros – si ce bilan ne s’alourdit pas davantage, évidemment.

Une nouvelle Ligue

Une partie croissante des dettes publiques des Etats sont rachetées, sur le marché, par la BCE. Le Figaro en souligne une conséquence : « Alors que la dette [publique de la France] est passée de 100 % à 120 % du PIB en 2020, le coût d’emprunt pour la France n’a jamais été aussi faible, avec une charge des intérêts ramenée à 36,2 milliards. Mais jusqu’à quand cette situation sera-t-elle soutenable auprès des marchés ? »

C’est une excellente question, à laquelle un nombre croissant de politiciens et d’économistes bourgeois répondent en cœur, en sabrant le champagne : « On s’en fout ! » Même parmi les plus orthodoxes, on entend résonner des appels au laxisme monétaire le plus débridé. On les dirait fascinés par le retour d’un vieux fantasme : « l’argent magique », l’argent qu’il suffirait de créer et de distribuer abondamment (surtout aux riches), sans que cela ait de conséquences fâcheuses (inflation, bulles spéculatives, etc.). Ces derniers temps, toute une partie de la presse économique est comme envoutée par ce mirage de « l’argent magique ».

Car un tel argent, bien sûr, n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais. L’économie ne peut pas se soutenir indéfiniment de pure création monétaire, sans production équivalente de richesses. La création monétaire – que la FED et la BCE pratiquent à des échelles inédites – ne peut pas suppléer la production de biens et de services, qui reste le cœur de l’économie, pour le plus grand malheur de la nouvelle « Ligue bourgeoise pour l’orgie monétaire ».

Rompre avec le réformisme ! 

La plupart des dirigeants réformistes de gauche, dont Mélenchon et Martinez, demandent l’annulation d’une grande partie de la dette publique, de façon à rejeter les appels à la rembourser au moyen de politiques d’austérité. Que les capitalistes payent leur crise ! Nous sommes d’accord, à deux réserves près.

Premièrement, ce mot d’ordre correct n’implique pas d’adhérer – comme le font Mélenchon et Martinez, d’une certaine manière – aux idées économiques fumeuses de la Ligue évoquée ci-dessus. Par exemple, il n’est pas vrai que l’annulation d’une partie de la dette publique suffirait pour ouvrir une phase d’amélioration indéfinie des conditions de vie des masses. Il s’agit là d’un conte de fées entièrement fondé sur la planche à billets. La crise actuelle du capitalisme est un phénomène beaucoup trop profond, trop organique, pour être réglé au moyen d’opérations de création monétaire.

C’est pourquoi, deuxièmement, le mot d’ordre d’« annulation de la dette » doit être absolument accompagné de cette autre mesure : la nationalisation de toutes les banques. Toutes les banques – et non seulement quelques-unes, comme le souhaitent Mélenchon et Martinez, qui se montrent plus déterminés en matière de création monétaire que d’offensive contre la grande propriété bourgeoise.

De manière générale, c’est la carence majeure des réformistes de gauche : ils renoncent à s’attaquer à la grande propriété capitaliste, alors que celle-ci est à la racine de tous les problèmes économiques et sociaux. Le mouvement ouvrier doit rompre avec le réformisme. Il doit rompre avec l’idée qu’il serait possible, par tel ou tel moyen, d’améliorer indéfiniment les conditions de vie des masses dans le cadre du système capitaliste. De toute évidence, ce système est entré dans une crise économique, sociale, sanitaire et écologique d’une profondeur inédite, face à laquelle toute autre option que le renversement du capitalisme sonne de plus en plus comme une dérision.

Le renversement de ce système est une urgence dont la réalité ne cessera de monter dans la conscience collective de la jeunesse et du mouvement ouvrier – en France comme à l’échelle mondiale. Il y en a de spectaculaires manifestations aux Etats-Unis mêmes, où une nette majorité des jeunes sympathise avec le « socialisme ». A nous de convaincre cette jeunesse – et celle du monde entier – que 170 ans après sa fondation, le marxisme reste le seul instrument théorique qui permettra de préparer et d’accomplir la révolution socialiste mondiale.


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