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Selon le dernier bulletin mensuel de la Banque Centrale Européenne, "rien n’indique que le ralentissement de l’économie américaine aura des retombées importantes et durables sur l’économie de l’Union Européenne". Cette perspective a été allègrement reprise, aussi bien dans les déclarations du gouvernement Jospin et que dans la presse.

Quelle est la réalité de la conjoncture économique dans le monde et en Europe ? Le volume des échanges mondiaux se rétrécit. L’économie des États-Unis est passée en l’espace de quelques mois d’un taux de croissance de plus de 4% à un taux se situant entre 0% et 1%. Wall Street connaît l’une des plus graves crises de son histoire, effaçant du coup des centaines de milliards de capitaux. La demande intérieure américaine est en baisse, et 70% des américains déclarent devoir freiner leurs dépenses personnelles (Newsweek 19/03/01). Le Japon, deuxième puissance économique mondiale, s’enlise toujours plus dans le marasme. A force de pomper des liquidités dans l’économie, dans le but de relancer la croissance, le Japon a porté sa dette publique à 135% de son PIB, sans avoir obtenu en retour la moindre amélioration de conjoncture. L’indice Nikkei de la Bourse japonaise est à son plus bas niveau depuis 15 ans. Toute l’Amérique Latine est en récession. Et pourtant, selon les "experts" européens, l’Europe demeurera une "zone de stabilité et de croissance", indépendamment du sort du reste du monde ! Il est vrai que l’Europe n’a pas encore connu la chute de la production qui frappe les autres régions du monde, mais ceci n’est qu’une question de temps.

Depuis des années, les "experts" nous assènent de savants discours sur la "globalisation", comme s’il s’agissait d’un phénomène nouveau, ce qui n’est pas du tout le cas. Le discours sur la mondialisation avait un objectif politique. Il s’agissait de démoraliser et de démobiliser les salariés, en lui faisant passer le message suivant : dans une économie "mondialisée", s’ils ne se serrent pas la ceinture, l’économie française coulerait sous les pressions du marché mondial, dont nul ne peut s’extraire. Et voilà que, tout d’un coup, on entend le contraire. Comme par enchantement, la France et l’Europe seraient à l’abri du marché mondial, dont la contraction ne les affecterait pas.

Ce revirement révèle l’élément de propagande que comportent les soi-disant "analyses" économiques. La BCE et le gouvernement français ne savent-ils pas que le gouvernement allemand vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour l’année en cours ? Ne savent-ils pas que la croissance de la production du premier trimestre, en France, présage un taux de croissance annuel inférieur à celui de l’année dernière ? N’ont-ils pas remarqué le plongeon de toutes les places boursières européennes ? De toute évidence, l’Europe, y compris la France, entre dans une phase de récession. Seulement, il ne faut surtout pas le dire. Pourquoi ?

Pour le MEDEF, comme pour le gouvernement, la perspective d’une longue période de croissance économique, et même du retour au "plein emploi" d’ici 2010, pour reprendre le pronostique de Lionel Jospin, constitue un corollaire indispensable de leur tentative de sacrifier les acquis sociaux aux exigences du "marché". Selon la propagande officielle, le dispositif public des retraites, les services hospitalier, la sécurité sociale, l’Education nationale, la Fonction publique et les emplois stables en général doivent être remis en cause pour "dynamiser" le secteur privé en lui ouvrant de nouveaux secteurs d’activités lucratives. Mais puisque, finalement, il n’y aurait plus de chômage, chacun s’en sortirait mieux. Cependant, dans les mois qui viennent, il deviendra toujours plus difficile de dissimuler les véritables perspectives économiques qui se dessinent pour la France et pour l’Europe tout entière.

Les États-Unis occupent une place prépondérante dans l’économie mondiale. Le marché américain consomme à lui seul 28% de toute la production internationale. Dans ces conditions, la récession qui s’installe outre-atlantique aura inéluctablement des conséquences particulièrement graves dans le monde entier. Les pays les plus pauvres seront les plus durement frappés, puisque les États-Unis disposent d’une puissance économique et militaire leur permettant de transférer une partie du fardeau de la crise vers les pays les plus faibles. Dans les pays sous-développés, la récession américaine entraînera dans sa foulée une nouvelle série de guerres et de famines, enfonçant les peuples dans une misère encore plus écrasante. A court terme, l’économie mexicaine, très largement dépendante de ses exportations vers les États-Unis, sera très durement touchée. L’Argentine et la Turquie ont déjà sombré dans une récession particulièrement aiguë. La crise japonaise sera aggravée par la crise américaine, et réciproquement. Dans ce contexte international, l’idée que les pays européens puissent maintenir leurs taux de croissance actuels relève de la pure fantaisie, ou plutôt, s’agissant du MEDEF et du gouvernement, d’une volonté très marquée de ne pas verser de l’huile sur le feu social.

La soudaineté de la chute américaine est telle que ses conséquences sociales ne se sont pas encore manifestées dans toute leur ampleur. Cependant, même à ce stade, la réaction des capitalistes soucieux de sauvegarder leurs profits a frappé de plein fouet des centaines de milliers de travailleurs américains. Ainsi, Daimler-Chrysler ont annoncé 26.000 suppressions d’emploi ; Delphi Automotive Systems supprime 11.500 emplois ; Motorola, 22.000 emplois ; Lucent Technologies, 16.000 emplois ; Nortel Networks, 15.000 emplois ; Verizon, 10.000 emplois ; Proctor-Gamble, 9.600 emplois ; Daewoo, 6500 emplois ; Whirlpool, 6.000 emplois ; General Motors, 5000 emplois ; AOL Time Warner, 2.400 emplois, pour ne citer que quelques exemples d’une liste bien plus longue. En France, la production industrielle infléchit dores et déjà vers le bas (Notes de conjoncture, INSEE). Les licenciements chez Danone, AOM-Air Liberté et ailleurs ne sont qu’un avant-goût de ce qui se produira lorsque la récession s’affirmera. Telle est la dramatique réalité du système capitaliste.

Sous le capitalisme, la production et l’activité économique en général sont soumises au seul critère de rentabilité, et ce au bénéfice d’une infime minorité de la population. Ceci veut dire que la vie des salariés, le budget de leur ménage et l’avenir de leurs enfants dépendent eux aussi de la rentabilité que peut extraire de leur travail cette même minorité. En France, dès que le ralentissement de la croissance et la chute de la Bourse commenceront à se traduire par une baisse des bénéfices des grands détenteurs de capitaux, ceux-ci agiront de façon décisive pour sauvegarder leurs intérêts au détriment des salariés. Le plein emploi est hors de question. C’est l’inverse qui va se produire, puisque la récession s’accompagnera nécessairement d’une aggravation du chômage.

Au cours des mouvements sociaux, nous avons vu l’énorme énergie et l’esprit de combativité des grévistes. Les récentes manifestations pour la défense des retraites et des salaires étaient les plus importantes mobilisations depuis 1995. Comment le capitalisme arrive-t-il cependant à tenir debout ? La raison principale réside dans le comportement des dirigeants des organisations qui ont été créées pour le combattre. Les Jospin, Fabius, Hue et Gayssot, ont voulu atteler les partis qu’ils dirigent à l’économie capitaliste. Leur prétendu "réalisme" n’est rien d’autre qu’une capitulation face au capitalisme. Les directions pro-capitalistes des partis de gauche, de plus en plus contestées par leurs bases respectives, seront davantage fragilisées par la fin de la reprise économique. Le jour où le gouvernail du mouvement socialiste-communiste sera tenu par des dirigeants qui, au lieu de faire l’apologie du système actuel et de s’aligner sur les intérêts patronaux, expliqueront la nécessité de transformer la société et s’efforceront de mobiliser la pleine puissance du salariat et de la jeunesse à cet effet, nous serons dans une position infiniment plus favorable dans la lutte contre les fléaux du capitalisme. Le socialisme balayera la poignée de richissimes qui usent et abusent de leur pouvoir économique. Les grands groupes industriels et financiers seront remis à la collectivité, et soumis à une gestion démocratique orientée vers la satisfaction des besoins sociaux. Tel est notre objectif.

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