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Fin septembre, Le Figaro publiait un article intitulé : La dangereuse spirale mondiale de l’endettement et du protectionnisme. Il commente le dernier rapport de la Cnuced, un organisme de l’ONU, sur la conjoncture mondiale. Ce document est très pessimiste : « Dix ans après la crise financière de 2008, l’économie mondiale reste chancelante et les guerres commerciales sont le symptôme d’un malaise plus profond ».

Deux éléments, en particulier, inquiètent la Cnuced. Premièrement, la bulle spéculative qui a éclaté en 2008 a été regonflée à bloc, depuis, ce qui signifie qu’une nouvelle crise financière majeure est à l’ordre du jour. Il est impossible de dire quand elle éclatera, mais il est certain que les dégâts seront colossaux. La finance mondiale est saturée « d’actifs toxiques », c’est-à-dire de produits financiers du genre des célèbres subprimes. Les chiffres donnent le vertige : « Le "shadow banking", cette "banque de l’ombre" qui finance l’économie hors des circuits traditionnels, pèse 160 000 milliards de dollars, soit deux fois le PIB mondial. » Le stock de l’endettement total s’élève à 250 000 milliards de dollars, soit plus de trois fois le PIB mondial. Il faut bien prendre la mesure de ce que signifient ces chiffres : la « reprise » économique actuelle – dont, au passage, les travailleurs ne voient pas la couleur – repose sur une gigantesque montagne de dettes plus ou moins pourries. C’est intenable. Mais en attendant la catastrophe, les capitalistes se livrent à leurs traditionnelles orgies spéculatives, sous le regard complice des gouvernements.

Deuxièmement, la Cnuced redoute les « conséquences dramatiques » de la guerre commerciale qui oppose les Etats-Unis, la Chine et l’Union Européenne (entre autres). Les augmentations des tarifs douaniers « réduisent l’investissement, les salaires, l’emploi – et pèsent sur la croissance ». En effet. Nous avons régulièrement souligné, dans ce journal, qu’une flambée de protectionnisme serait dévastatrice pour l’économie mondiale. Elle pourrait même précipiter une dépression, comme ce fut le cas dans les années 30. A ce stade, les tendances protectionnistes sont relativement limitées au regard du volume total des échanges internationaux. Mais ces tendances ne cessent de s’aggraver, et elles échappent au contrôle des plus chauds partisans du libre-échange. Comme d’autres institutions, la Cnuced alerte, s’alarme, tempête et lève les bras au ciel, mais elle n’avance pas l’ombre d’une proposition concrète pour régler le problème.

Le déclin de Macron

Loin de l’analyse sans concession de la Cnuced, le gouvernement Macron se félicite de la « reprise » de l’économie française – qui, pourtant, s’élève à peine au-dessus de la stagnation – et s’en attribue la paternité. Le contraire serait étonnant. En Macronie comme ailleurs, l’optimisme et l’autocongratulation sont des piliers de toute communication gouvernementale. Cela permet de justifier les politiques passées et à venir, c’est-à-dire, en l’occurrence, une offensive brutale contre les conditions de vie et de travail de la masse de la population – la plus brutale depuis la Seconde Guerre mondiale, pour être précis.

Salariés du privé, fonctionnaires, étudiants, retraités, chômeurs, sans-papiers : tout le monde subit de plein fouet la crise du capitalisme et la politique réactionnaire du gouvernement. Les retraites et l’assurance chômage seront le terrain des deux prochaines « grandes réformes » menées à coup de bulldozer. Mais les mauvais coups pleuvent de toute part, chaque jour, et leurs effets s’infiltrent par mille voies dans le corps social. Par exemple, la loi Elan, qui sera adoptée dans les prochaines semaines, est une attaque sans précédent contre le logement social. Elle se traduira par une chute des constructions de logements sociaux – et donc par une augmentation du mal-logement. Cela n’a pas empêché Macron de s’engager à ce que plus personne ne dorme dans les rues de nos villes, d’ici peu. Suivant la même méthode, qui consiste à prendre les gens pour des imbéciles en affichant un large sourire, le gouvernement a lancé un « plan contre la pauvreté ». Ce « plan » fait penser à un cambrioleur qui, en sortant d’une maison qu’il vient de piller, se retourne et jette quelques centimes sur le sol.

Sans surprise, la popularité de Macron poursuit sa chute. La base sociale qui soutient sa politique se réduit de plus en plus à « la France qui va bien », voire très bien. Sur les plateaux de télévision, les journalistes réactionnaires placent tous leurs espoirs dans une « meilleure communication » du chef de l’Etat. Il est vrai qu’elle laisse à désirer. Macron réussit l’exploit de se montrer encore plus arrogant que Sarkozy, lequel était pourtant un expert en mépris de classe. Mais les insultes de Macron lui sont d’autant plus dommageables que sa politique aggrave sans cesse la souffrance sociale. L’appel à « traverser la rue » pour trouver du travail est d’une bêtise crasse ; mais il devient insupportable dans le contexte d’un chômage de masse qui ne reflue pas – et qui condamne des millions de personnes à la misère, à la précarité et à l’humiliation quotidienne.

Préparer l’alternative

Les provocations de Macron ne font qu’accélérer la course de son déclin, qui est inévitable et irréversible, parce qu’elle est déterminée par la situation économique et sociale. A peine plus d’un an après la victoire électorale de Jupiter, il baigne dans une étrange ambiance de fin de règne. Les rats quittent le navire : le multimillionnaire Nicolas Hulot est retourné à ses affaires ; Gérard Colomb a imposé son exfiltration. L’affaire Benalla laisse derrière elle une odeur nauséabonde et tenace. Las de se boucher le nez, des députés de LREM s’interrogent à haute voix.

La pression est telle, sur le gouvernement, que certains perdent les pédales. Christophe Castaner, le chef d’En Marche, a accusé le Sénat de viser la « destitution » du chef de l’Etat. En réalité, le Sénat n’est pas taillé pour cela. Mais l’idée reste excellente ! Elle fera son chemin dans les têtes – non des sénateurs, mais des millions de jeunes et de travailleurs qui se demandent comment ils vont supporter cette politique jusqu’en 2022.

Il n’est pas exclu que, d’ici là, Macron soit poussé, sinon à la démission, du moins à la dissolution de l’Assemblée nationale. Certes, on en est encore loin. Mais il est clair que la dynamique politique actuelle crée les conditions d’une vaste mobilisation contre l’ensemble de la politique gouvernementale – et non seulement contre telle ou telle contre-réforme. Au-delà d’un certain seuil d’hostilité du peuple à l’égard du pouvoir, tout devient possible.

Malheureusement, les dirigeants du mouvement ouvrier n’affichent pas la moindre intention de jouer le rôle qui leur revient. Les chefs syndicaux nous proposent de nouvelles « journées d’action ». Elles peuvent être massives – ou pas. Dans tous les cas, on a dépassé cette étape depuis longtemps. On sait que les « journées d’action » ne feront pas reculer le gouvernement d’un millimètre. Il faut donc passer à l’étape suivante, préparer un mouvement plus vaste et plus profond. On ne peut en prévoir la forme et le rythme précis. Mais on sait d’expérience que le gouvernement ne pourrait pas résister à la combinaison de deux facteurs : 1) Une lutte commune des jeunes et des travailleurs ; 2) Le développement d’un solide mouvement de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs clés de l’économie.

Nous ne disons pas qu’un tel mouvement « se décrète » ou qu’il est pour demain matin. Nous disons qu’il faut le préparer systématiquement – ce qui n’est pas fait – et que les nombreuses grèves combatives qui éclatent, à travers le pays, sont à la fois des points d’appui et les signes d’une combativité croissante. De leur côté, les dirigeants de la « gauche radicale » (FI, PCF, NPA...) devraient passer un peu moins de temps à débattre de leurs divergences réelles ou fictives, aussi intéressantes soient-elles, pour se consacrer davantage au rôle qu’ils doivent jouer, ensemble, dans la construction d’une grande mobilisation populaire contre Macron et sa clique. Cela correspondrait mieux aux attentes et aspirations de tous ceux qui souffrent de la crise et des politiques d’austérité.


Sommaire

Ambiance de fin de règne - Edito du n°28
Le métier de guichetier à La Poste
Quatre décennies de privatisation
La répression de l’action syndicale s’intensifie
Soutien à la grève des postiers du 92
L’idéologie de la réussite, antidote bourgeois à l’épidémie de burn-out
Le bilan désastreux de Parcoursup
Les femmes et la retraite
Environnement : le problème, c’est le capitalisme
Le mouvement ouvrier et l’immigration
Manifestations contre la casse des retraites en Russie
Chine : la lutte des travailleurs de JASIC
Mexique : mobilisation massive des étudiants
Marxisme et anarchisme
Socialisme et « égalitarisme »

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