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Après des années de refus, le gouvernement a cédé à la pression : il a dû se résoudre à réformer l’allocation adulte handicapé (AAH), qui est versée à 1,2 million de personnes. Cette allocation sera enfin « déconjugalisée » : son montant sera calculé de façon individuelle, c’est-à-dire sans tenir compte des revenus de l’éventuel conjoint. Seuls les revenus du bénéficiaire seront pris en compte.

Jusqu’alors, dès que le conjoint gagnait plus de 1020 euros, l’AAH diminuait graduellement. Si le conjoint gagnait plus de 1620 euros, l’allocation était purement et simplement supprimée.

Pour de nombreuses personnes handicapées, la vie de couple impliquait donc de renoncer à toute indépendance financière. C’était évidemment dramatique pour les personnes victimes de violences conjugales, lesquelles touchent deux fois plus les femmes handicapées que l’ensemble des femmes. La conjugalisation de l’AAH les privait d’un revenu indépendant et les rendait donc particulièrement vulnérables.

Un recul bon marché

Les mesures positives de ce gouvernement sont tellement rares qu’il vaut la peine de s’y arrêter et d’en comprendre la signification. Dans ce cas précis, c’est assez clair : le gouvernement a reculé face à la pression sans faille des associations et de l’opinion publique. Mais s’il a cédé à cette pression, c’est aussi parce que l’enjeu budgétaire n’était pas considérable.

Désormais, 120 000 personnes vont toucher 350 euros de plus, en moyenne, chaque mois. Cela représente 500 millions d’euros par an. Or, chaque année, l’Etat verse des centaines de milliards d’euros dans le coffre des entreprises (surtout les grandes), sous la forme d’aides, de subventions et d’allègements fiscaux en tous genres.

Le calcul du gouvernement était simple : pour un coût budgétaire très limité, il pouvait s’enlever une épine du pied et tenter de faire oublier le cynisme qu’il avait déployé lorsqu’il s’opposait fermement à la déconjugalisation. Souvenons-nous de son argument central : la déconjugalisation serait « inégalitaire », car les revenus des conjoints sont inégaux ! Oui, la bourgeoisie veut que les pauvres soient tous également pauvres, en s’alignant sur les plus pauvres.

Cet été, Elizabeth Borne conseillait de « reprendre une activité professionnelle » à une femme en fauteuil roulant qui demandait la déconjugalisation de l’AAH. A présent, Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, fanfaronne : « Tout est fait pour que [la] mise en œuvre opérationnelle [de la réforme] soit simple et profite à tous. C’est une question d’autonomie et de dignité ».

Parcours du combattant

La mesure ne s’appliquera qu’en octobre 2023 : en matière de « dignité », ce gouvernement n’est pas pressé.

Par ailleurs, les montants de l’AAH restent très faibles. Au premier janvier 2023, ils étaient au maximum de 956 euros, soit près de 200 euros de moins que le seuil de pauvreté. Certes, une personne handicapée peut parfois recevoir des aides supplémentaires, selon sa situation. Mais ces aides sont souvent dépensées dans l’achat de matériel médical et paramédical, car celui-ci n’est pas toujours remboursé par la Sécurité sociale. Pour un fauteuil roulant électrique, par exemple, le remboursement maximum prévu est de 5200 euros, ce qui représente à peine la moitié du prix des fauteuils qui sont nécessaires dans un certain nombre de cas de handicap lourd.

En outre, l’obtention de ces aides – comme de l’AAH – est un parcours du combattant qui peut être très humiliant. De commission en commission, d’entretiens médicaux en documents à remplir, une personne devra démontrer la réalité de son handicap à de multiples reprises et la justifier régulièrement auprès de l’administration. Dans ces conditions, on comprend pourquoi près des deux-tiers des personnes qui pourraient bénéficier de certaines aides n’en font même pas la demande.

A tout cela s’ajoutent les difficultés d’accès à l’emploi, à l’éducation, à la culture et au logement. Sur tous ces sujets, le bilan du gouvernement Macron est désastreux. Pour ne prendre qu’un exemple : en 2018, il a abrogé une loi – pourtant modeste – qui rendait obligatoire l’adaptation des logements neufs aux personnes à mobilité réduite. Les grands patrons du BTP sont ravis.

Les personnes handicapées étant de facto plus vulnérables, elles sont particulièrement exposées à la crise du capitalisme et aux politiques d’austérité. A ce sujet, le gouvernement Borne a une nouvelle fois mis en scène sa « générosité » : pour faire face à l’inflation, l’AAH a été augmentée de 4 % en juillet dernier, en plus de la revalorisation annuelle de 1,8 % opérée en avril. Au total, l’augmentation de l’AAH en 2022 a été de 5,8 %. Mais d’une part, cela reste inférieur aux 6,2 % atteints par l’inflation en 2022. D’autre part, l’augmentation de 4 % était une avance sur la hausse annuelle prévue en avril 2023. Celle-ci devrait donc être très basse. Les calculs de la Commission des comptes de la Sécurité sociale semblent indiquer que la hausse d’avril 2023 ne sera que de 1,7 %, alors même que les estimations de la Banque de France pour 2023 tablent sur 6 % d’inflation.

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