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Pendant des décennies, l’Allemagne a été un pilier de stabilité en Europe. Stabilité économique, d’abord : l’économie allemande a bien résisté à la crise de 2008 ; le taux de chômage officiel est tombé à 3,4 %, du jamais vu depuis les années 1970. Stabilité politique, ensuite : Angela Merkel et sa formation de droite (la CDU/CSU) ont réussi à se maintenir au pouvoir depuis 2005.

Sous la surface, cependant, les contradictions sociales n’ont cessé de s’intensifier. Et désormais, le pays bascule dans l’instabilité.

La chute de la maison Merkel

La croissance économique allemande s’est accompagnée d’une offensive générale contre la protection sociale et le droit du travail, notamment sous le gouvernement Schröder (1998-2005). Le travail précaire a explosé. Conséquence : le chômage a baissé, mais la pauvreté a augmenté, frappant plus de 16 % de la population. Et alors qu’il y a plus de pauvres, il y a moins d’aides sociales : 9 % de la population en bénéficiait l’an dernier, contre 11 % en 2006. C’est d’abord cette situation qui explique la crise politique actuelle.

Les élections fédérales de septembre 2017, déjà, avaient marqué le rejet des partis de la « grande coalition » dirigée par Merkel depuis 2013 : la CDU/CSU et le Parti Social-Démocrate (SPD). Ils ont alors réalisé leur plus mauvais résultat depuis 1945. Reconduite malgré la contestation d’une partie des militants du SPD, la grande coalition continue de voir fondre ses résultats électoraux.

En octobre dernier, lors des élections des parlements régionaux de Bavière et de Hesse, les deux partis au pouvoir ont perdu en moyenne 10 points par rapport aux élections précédentes. Merkel a dû annoncer qu’elle ne briguerait plus de mandat à la tête de la CDU et à la Chancellerie. Quant aux résultats électoraux du SPD, ils sont une nouvelle condamnation cinglante de sa politique d’alliance avec la droite. En conséquence, la coalition gouvernementale est au bord de l’éclatement. Tout ce qui la fait encore tenir, c’est la crainte que de nouvelles élections générales soient marquées par une nouvelle poussée de l’Alternative pour l’Allemagne » (AfD – extrême droite).

Polarisation de classe

C’est en effet ce parti raciste et ultra-réactionnaire qui apparaît aujourd’hui comme le principal bénéficiaire de la crise et du rejet du statu quo. L’an dernier, il s’est hissé à la troisième place au Parlement, passant de 4 à 12 %. Il a dépassé le SPD aux élections locales de Bavière. Son succès s’est accompagné de manifestations d’extrême-droite. En août dernier, la ville de Chemnitz, en Saxe, a été le théâtre de deux jours de violences contre les immigrés. Le 27 août, un restaurant juif a été vandalisé par des fascistes. Début octobre, la police a démantelé un groupuscule néonazi qui préparait des attentats contre des migrants.

Comme à chaque fois que ce type d’événements se produit, on a droit aux habituels discours sur l’inexorable « vague brune » qui submergerait l’Europe « démocratique ». Certes, l’AfD est un danger sérieux qu’il faut combattre fermement. Mais sa croissance ne constitue qu’un pôle de la radicalisation politique en Allemagne. Par exemple, 240 000 personnes défilaient à Berlin, le 13 octobre, contre l’AfD, contre le racisme et pour la solidarité avec les migrants. C’est beaucoup plus que les quelques milliers de manifestants que l’extrême-droite a pu rassembler !

En réalité, la raison pour laquelle l’extrême-droite est apparue si puissante, ces deux dernières années, c’est parce qu’il n’y avait pas, à gauche, d’alternative claire exprimant la colère de la population.

C’est dans ce contexte qu’Oskar Lafontaine et Sarah Wagenknecht, de la gauche de Die Linke, ont annoncé la création de Aufstehen (Debout), un mouvement « trans-parti » qui affirme vouloir rompre par la gauche avec l’ordre établi. Cependant, son programme est confus, tout comme les interventions de ses porte-paroles. S’écartant largement du programme officiel d’Aufstehen, Wagenknecht s’est même opposée à l’immigration ouverte au nom de la lutte contre le « dumping social ». C’est une erreur.

Beaucoup plus positif : Lafontaine a appelé à la nationalisation de l’entreprise métallurgique NHG, qui est menacée de fermeture. Cela a eu un impact important dans les syndicats de la métallurgie. Aufstehen a enregistré 150 000 adhésions sur son site internet dans les deux semaines qui ont suivi sa création. Cependant, l’avenir de ce mouvement est toujours incertain. On ne sait pas, notamment, s’il va déboucher sur une véritable organisation – ou s’il va juste servir de point d’appui à ses fondateurs dans leur lutte interne à Die Linke.

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : l’équilibre politique est rompu en Allemagne. Et la classe ouvrière, après de longues années de torpeur et de reculs, aura besoin d’une puissante organisation pour répondre aux attaques, que celles-ci viennent de la CDU-CSU, de l’AfD ou de l’aile droite du SPD.

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