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Le 1er octobre, les salariés d’Airbus ont eu l’amertume de voir que leurs dirigeants ne valaient pas mieux que ceux de l’automobile. Les 1278 salariés du site de Méaulte, les 485 de Saint-Nazaire-Ville et 158 du Bureau d’Etude (BE) de Toulouse vont perdre leur statut de salariés Airbus, sans qu’on leur en laisse le choix. Le 1er janvier 2009, ils seront officiellement transférés dans une filiale du groupe EADS : Aérolia.

Quelques mois après l’échec du « plan Zéphyr » (le volet externalisation de « Power 8 »), qui consistait à vendre les sites de Saint-Nazaire-Ville et de Méaulte au groupe Latécoère, la direction persiste dans ses projets, en y ajoutant une partie du BE de Toulouse.

Pour justifier le projet de vente à Latécoère, les dirigeants d’EADS et d’Airbus expliquaient qu’il leur fallait trouver un partenaire pour supporter des investissements qu’Airbus n’aurait pas pu financer – malgré une trésorerie de plus de 7 milliards d’euros – pour la fabrication du nouvel avion A350. Or, finalement, on note qu’Airbus a pu investir 160 millions d’euros dans un bâtiment moderne qui fabriquera des pièces en composites à Méaulte, et 40 millions dans l’achat de machines à commande numérique pour Saint-Nazaire-Ville. 200 millions ont donc été trouvés en très peu de temps. Cela confirme que la motivation première n’était pas de partager les « risques » avec un partenaire, mais bien d’externaliser l’activité à tout prix.

D’ailleurs, dans le projet Aérolia, comme dans le projet Latécoère, la stratégie d’EADS est d’externaliser le plus possible, avec 50% de l’activité hors de la zone européenne. Une usine de plus de 1000 salariés est en construction en Tunisie, pilotée par Latécoère pour le compte d’Aérolia. Tom Enders, le PDG d’Airbus, a d’ailleurs déclaré, le 9 septembre, qu’il fallait redéfinir le cœur de métier du BE, et que 50% des charges doivent être sous-traitées. Il a ajouté que les effectifs du BE des sites chinois, russe et indiens doivent  passer de 800 à 1800 salariés d’ici 2012. Et Aérolia est à peine créée que les dirigeants d’Airbus et d’EADS – Louis Gallois en tête – annoncent que cette filiale est destinée à être vendue à plus ou moins court terme.

Brèche ouverte au bureau d’étude de Toulouse

Les salariés du BE qui travaillent sur les pointes avant des avions – et qui, au départ, n’étaient pas concernés par le projet Latécoère – ont appris la nouvelle que leur secteur était ciblé à très court terme. Le 18 septembre, le jour du Comité Central d’Entreprise extraordinaire qui devait exposer le projet Aérolia aux représentants syndicaux, 300 salariés se sont réunis en Assemblée Générale, à l’appel de la CGT, le seul syndicat qui a pris soin de les informer. Des AG se sont également tenues sur les autres sites d’Airbus France. A Toulouse, ils ont élu des délégués venant des différents programmes pour rencontrer la direction, qui a refusé catégoriquement de les recevoir. Dans la foulée, après un vote, les  salariés en colère ont décidé d’occuper les pistes de l’aéroport de Toulouse-Blagnac.

Le lendemain, une nouvelle Assemblée Générale s’est tenue, et une nouvelle manifestation est allée rencontrer la direction réunie en Comité d’Etablissement Extraordinaire. Là encore, la direction a refusé de recevoir les délégués élus en AG. Mais cette fois, elle avait pris soin d’embaucher de nombreux agents de sécurité pour « protéger » la réunion avec les représentants syndicaux – qui, à l’exception du représentant de la CGT, n’ont même pas daigné rencontrer les ingénieurs et techniciens en colère du BE.

Intimidations

Dès le lundi 22 septembre, la direction d’Airbus a repris l’initiative : elle a convoqué les salariés de tous les services du BE en réunions d’information. Elle a expliqué qu’il ne fallait pas de débordements, que l’occupation des pistes était une action illégale, qu’il ne fallait pas insulter le directeur d’Airbus France, et qu’une enquête serait menée à ce sujet. L’après-midi et toute la journée du lendemain, chaque service a été convoqué à une réunion, parfois longue de 3 heures, avec le DRH d’Airbus France et le nouveau PDG d’Aérolia.

La direction d’Airbus a carrément fait de l’entrave au droit de grève, en demandant aux salariés qu’ils signalent à l’avance s’ils seraient en grève le lundi suivant – ce qu’ils ne sont pas obligés de faire. En même temps, un représentant de la CGT a été accusé d’avoir insulté le directeur d’Airbus en public, ce qui est un mensonge éhonté.

La spontanéité et le caractère radical du mouvement a effrayé la direction d’Airbus, d’autant plus que ces salariés font exceptionnellement grève. Elle a donc décidé d’occuper le terrain et d’intimider les salariés mobilisés. Le mercredi 24 septembre, plusieurs d’entre eux – un sur chaque « programme avion » – ont été convoqués pour un entretien préalable à sanction. On leur a reproché d’avoir transféré des e-mails informatifs concernant l’externalisation. Le lendemain, le DRH d’Airbus France a donné l’ordre de transférer aux salariés du BE, par e-mail – deux poids, deux mesures ! – un article de La Dépêche du Midi annonçant que des passagers assignaient la CGT en justice pour avoir commandité l’occupation des pistes. Il est intéressant de relever qu’à la tête de ces six braves « victimes » de la grève, on trouve Pierre Musset, président de l’Union Patronale de l’Ariège, et Pierre Ponthus, figure du Medef en Ile-de-France !

Des dirigeants syndicaux au service de quels intérêts ?

On n’en attendait pas moins de la part du patronat. Mais des dirigeants syndicaux n’ont rien trouvé de mieux à faire que de convoquer certains de leurs syndiqués et de les sermonner pour avoir osé participer à une grève à laquelle ils n’avaient pas appelé. Ce comportement reflète leur capitulation devant le projet d’externalisation. Ces dirigeants syndicaux (FO, CGC, CFTC) se félicitent d’avoir négocié le fait que les avantages sociaux des salariés d’Airbus seront conservés chez Aérolia. Ils prétendent que la filialisation, au sein d’EADS, représente une garantie. Comment osent-ils parler de garantie, alors que toutes les filialisations passées, dans le groupe EADS, ont démontré le contraire ?

La lutte continuera de plus belle

Quelles qu’en soient les suites immédiates, ce mouvement aura impliqué une nouvelle couche de salariés Airbus dans la lutte. C’est une expérience précieuse, un gage de nouvelles mobilisations. Une brèche vient d’être ouverte, et le démantèlement d’Airbus vient à peine de commencer. Il est inimaginable que les salariés se laissent tous pendre séparément sans rien faire.

L’avenir des salariés de l’aéronautique est en jeu, et bien au-delà se joue le futur du bassin industriel des régions concernées : la Picardie, la Loire-Atlantique ou la région Midi-Pyrénées. La privatisation d’Aérospatiale, en 1999, à ouvert la boite de Pandore, qui a libéré la rapacité du capitalisme. C’était une faute gravissime, de la part du gouvernement Jospin et du ministre PCF des Transports. Le tir doit être corrigé. Une alternative doit être proposée, la seule qui vaille : une industrie entièrement publique, débarrassée de la cupidité des actionnaires, contrôlée et gérée démocratiquement par les salariés eux-mêmes.

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