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Pendant la période qui a précédé le référendum sur la Constitution Européenne, les médias nous ont présenté Airbus comme un exemple de la réussite de la construction européenne, faisant travailler dans l’harmonie des salariés de toute l’Europe, capables de relever des défis de la taille de l’A380, cet avion tellement médiatisé que plus personne ne peut l’ignorer.

Airbus, l’Europe du capitalisme triomphant...

Bien entendu, la réalité de cette entreprise et de la construction du capitalisme européen est loin de cette image idyllique que la classe dirigeante nous présente.

A l’intérieur de la société, la direction d’Airbus, qui a mené une grande campagne de communication en faveur du vote pour la constitution Giscard, est en réalité de plus en plus divisée entre les intérêts capitalistes des différentes pays européens, notamment de l’Allemagne et de la France. La question est de savoir qui des deux pays gardera le plus d’activités sur son territoire.

En ce qui concerne le volet libéral d’Airbus et de l’Europe, disons tout simplement qu’Airbus (anciennement Aérospatiale) ne serait pas devenu ce géant industriel sans les deniers de l’Etat. Sans un engagement financier de l’Etat, les grands projets tel que l’A380 n’auraient pas vu le jour. C’est d’ailleurs ce qui est décrié, devant l’OMC, par le concurrent américain Boeing, qui proteste contre cet « obstacle à la libre-concurrence. »

...mais surtout gros producteur de précarité !

On estime à environ 40 000 le nombre de salariés qui, en Haute-Garonne, travaillent plus ou moins directement pour le secteur aéronautique. Le site d’Airbus-France, à Toulouse, compte plus de 11 000 salariés, plus 6 000 salariés sous-traitants. Le fameux avion géant A380 est sous-traité à hauteur de 70%. L’avion de transport militaire A400M est, lui, sous-traité à plus de 80%. Concernant le nouvel avion A350, le taux de sous-traitance sera vraisemblablement du même ordre de grandeur.

L’utilisation de la sous-traitance par les grandes sociétés, dites « donneuses d’ordres », est un phénomène qui ne cesse de croître. En parallèle, la précarité que vivent les salariés ne cesse de se répandre. L’utilisation de la sous-traitance est devenue une règle, au point que l’on assiste à une sous-traitance en cascade, impliquant de nombreuses sociétés, avec pour finir un salarié en bout de chaîne. Par exemple, pour un travail de bureau d’étude, on se retrouve parfois avec 3 ou 4 niveaux de sous-traitance. Le salarié lambda employé (pour 1000-1200 euros net mensuel) en CDI ou en CDI-C pour une filiale d’Adecco, va être loué à la société d’études Assystem, qui elle-même est sous-traitante de la Sogerma, elle-même grosse sous-traitante d’Airbus. On a même vu une société sous-traitante très importante, Labinal, faire travailler illégalement des Mexicains, dans des conditions indignes et pour un salaire à peine suffisant pour vivre au Mexique.

Par ailleurs, ce sont bien souvent les sociétés donneuses d’ordre, comme Airbus, qui sont à l’origine de la création de sociétés sous-traitantes, en France comme dans d’autres pays, tels que la République Tchèque, la Tunisie ou la Pologne. Par exemple, la société Latécoère (convention Métallurgie) sous-traite une grande partie de son activité Bureau d’Etude à la société BEAT (convention Syntec - BE), qui est une filiale du groupe Latécoère. BEAT, à son tour, fait appel à d’autres sous-traitants pour plus de flexibilité. Pour la majorité des salariés sous-traitants, la flexibilité et la précarité sont leurs seules perspectives d’avenir.

De manière générale, les effectifs des salariés stagnent chez les donneurs d’ordres, alors que les effectifs explosent dans la sous-traitance. De plus en plus de salarié sont isolés et éparpillés dans de nombreuses petites sociétés sous-traitantes, dans lesquelles il n’y a bien souvent pas de syndicat, ni même la possibilité d’avoir un délégué syndical. Et quand il y a un syndicat, il s’agit bien souvent d’un « syndicat maison » créé par un proche du patron, ou par un élément corrompu. Il y est également plus difficile de s’organiser à cause de l’isolement des salariés les uns des autres, souvent en prestation chez le « client », ou encore à cause du faible nombre de délégués possibles et du faible nombre d’heures de délégation. Mais surtout, l’obstacle le plus important tient dans les immenses pressions exercées sur les salariés et les délégués, aussi bien de la part du patron de la société sous-traitante que de la part du donneur d’ordres. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’il y ait une perte de confiance dans la possibilité de se défendre collectivement, et qu’en conséquence il y ait un repli vers des tentatives de solutions individuelles (changer de société, changer de métier, écraser ses collègues, etc.), qui sont cependant de moins en moins possibles et ne mènent nulle part pour l’ensemble des salariés.

Salariés de toutes sociétés, unissons-nous !

Alors que le produit du travail des salariés est collectif, le patronat a réussi, pour le moment, à diviser les salariés entre eux en les éparpillant dans leurs nombreuses sociétés distinctes, de manière à faire baisser le coût du travail sur le dos de l’ensemble des salariés.

De même que le patronat est organisé, nous devons nous aussi nous rassembler et coordonner nos activités pour nous défendre. Dans cet esprit de solidarité, le syndicat CGT d’Airbus a demandé le droit de vote des salariés sous-traitants lors des élections des délégués du personnel, et a déjà obtenu gain de cause au tribunal pour l’une des usines d’Airbus.

De plus, l’instabilité économique et politique qui caractérise notre époque fera qu’un jour ou l’autre, de nombreux salariés, surtout en sous-traitance, risquent de se retrouver au chômage pour cause de baisse d’activité. C’est pourquoi nous avons tous intérêt à nous entraider les uns les autres et à constituer un réseau entre syndicats des sociétés donneuses d’ordres et sous-traitantes.

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