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Sénat

Une très courte majorité de gauche va siéger au Sénat, pour la première fois sous la Ve République. Le mode d’élection des sénateurs est profondément anti-démocratique. Il est taillé sur mesure pour que la droite conserve à coup sûr – ou presque ! – le contrôle de cette chambre (où, de fait, l’on dort beaucoup). Dans le collège des « grands électeurs », le poids relatif des petites villes et zones rurales, généralement plus conservatrices que les grandes villes, est complètement disproportionné. Un sénateur de zone rurale peut « représenter » 25 000 habitants pendant qu’un sénateur de la banlieue parisienne, à forte concentration ouvrière, en représente 140 000. Le scrutin indirect, avec ses magouilles entre notables locaux, renforce le caractère anti-démocratique de cette élection. Voilà pourquoi le Sénat a toujours été dominé par la droite, depuis 1981, alors que des majorités de gauche ont dominé l’Assemblée nationale à trois reprises, sur la même période. Le basculement du Sénat est donc un symptôme supplémentaire du profond mécontentement qui se développe, dans le pays, à l’égard du gouvernement Sarkozy. Un nombre important de « grands électeurs » traditionnellement fidèles à la droite ont cette fois-ci voté pour les partis de gauche. La colère s’est frayée un chemin jusque dans les bastions les plus reculés du conservatisme.

Le Sénat a été conçu comme l’un des remparts institutionnels qui protègent le pouvoir et les privilèges de la classe capitaliste, au même titre que le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’Etat, etc. Par exemple, le Sénat a systématiquement fait obstacle à l’adoption d’une loi sur le droit de vote des étrangers. Que cette chambre échappe au contrôle des partis de droite est une réjouissante ironie de l’histoire, de notre point de vue, car elle sème le désarroi et la division dans les rangs de nos adversaires. Cependant, cela n’enlève rien au caractère anti-démocratique du Sénat, qui, sans doute, rebasculera à droite à la première occasion. Le mouvement ouvrier doit en réclamer la suppression pure et simple. C’est une revendication démocratique élémentaire.

A cet égard, le Programme populaire et partagé (PPP) du Front de gauche manque de clarté. Ses auteurs écrivent que « nous proposerons la suppression du Sénat ou sa réforme profonde pour devenir une chambre relais des collectivités locales et des initiatives citoyennes. » Cette alternative – « suppression » ou « réforme profonde » – aurait mérité d’être tranchée, et non simplement posée (« nous ferons ceci, à moins que nous ne fassions cela »). Soit dit en passant, ce n’est pas le seul endroit du PPP où l’on rencontre cette curieuse hésitation. Comme nous l’avons relevé dans notre Critique du PPP, le même type d’indécision plane sur le sort que le Front de gauche réserve au FMI et à l’OMC (« réforme » ou « création de nouvelles institutions internationales »). Il faut être plus précis.

Le Sénat ne peut pas être « réformé » au profit des travailleurs. On ne « réforme » pas un lupanar pour en faire un centre culturel. Les travailleurs les plus conscients considèrent le Sénat avec un profond mépris, à juste titre. Nous, communistes, devons nous présenter comme ceux qui veulent jeter cette institution dans la poubelle de l’histoire. Surtout, nous savons bien que le caractère de telle ou telle « assemblée démocratique » découle, en dernière analyse, d’un autre facteur fondamental : quelle classe contrôle l’économie ?Lorsque les travailleurs arracheront le pouvoir économique à la classe dirigeante, ils forgeront des organes de pouvoir locaux et nationaux infiniment plus démocratiques – deleur point de vue de classe – que la plus démocratique des assemblées en régime capitaliste. C’est une idée qui devrait être systématiquement développée, dans notre propagande, en se référant à la très riche expérience du mouvement ouvrier international en la matière (à commencer par la Commune de Paris). Et dans le même temps, nous devons réclamer sans ambiguïté la fermeture de cette luxueuse maison de retraite pour pachydermes corrompus et en fin de course qui domine le jardin du Luxembourg.

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