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Fin janvier, le PCF publiait son programme pour l’élection présidentielle : La France des Jours heureux. Ce document développe 180 mesures qui, dans leur ensemble, ressemblent beaucoup au programme de la France insoumise (FI).

Ces deux programmes sont réformistes : ils proposent d’améliorer très nettement le niveau de vie de la masse de la population, mais n’envisagent pas de renverser le capitalisme et de remplacer ce système en faillite par une planification socialiste et démocratique de l’économie. Dans le programme du PCF comme dans celui de la FI, les mots « socialisme » et « communisme » ne figurent pas une seule fois. Et pour cause : la perspective que ces mots désignent est absente des deux programmes.

Les deux ailes du réformisme

Si l’on fait abstraction de l’« extrême gauche », le panorama politique, à gauche, est donc assez clair. D’une part, nous avons les candidats de l’aile droite du réformisme : Hidalgo, Jadot et Taubira. Ils proclament leur attachement au système capitaliste, et comme la bourgeoisie française exige des contre-réformes drastiques, ils n’osent pas proposer de sérieuses réformes progressistes. Leur programme est archi-modéré. Ils font penser à des laquais qui, de la grande table de la bourgeoisie, cherchent à faire tomber quelques miettes en direction du peuple, tout en gratifiant leurs maîtres de mille courbettes.

D’autre part, nous avons les candidats de l’aile gauche du réformisme : Mélenchon et le candidat du PCF, Fabien Roussel. Ils critiquent le capitalisme, mais pas au point d’envisager de le renverser. Cependant, l’aile gauche du réformisme bénéficie d’un soutien significatif dans les couches les plus radicalisées de la jeunesse et du salariat. En avril 2017, ce soutien s’est exprimé dans le score de Mélenchon : 19,6 %, contre 6,4 % pour le candidat du PS.

Division

En 2017, la direction du PCF avait longuement tergiversé avant de soutenir la candidature de Mélenchon. Cette fois-ci, elle a choisi d’avoir son propre candidat. Ce choix n’a rien à voir avec les intérêts de la jeunesse, du salariat, ou même du PCF dans son ensemble ; il est uniquement déterminé par la défense (désespérée) des intérêts de l’appareil du PCF – et en particulier de son réseau d’élus. [1] Toujours est-il qu’en mai 2021 la candidature de Fabien Roussel a été validée, à une large majorité, par un vote des militants du PCF. Depuis, ces derniers se mobilisent, jour après jour, pour défendre la candidature de Roussel. Mais jour après jour, celle-ci oscille aux alentours de 3 %, dans les sondages. Cela peut évoluer, bien sûr, mais c’est conforme à ce que les élections intermédiaires ont indiqué, depuis 2017 : la base de soutien de la FI est plus large que celle du PCF.

Dans les limites de cet article, nous ne pouvons pas détailler les causes du déclin du PCF, ces cinq dernières décennies. Signalons une cause majeure : la direction du PCF a suivi comme son ombre la longue dérive droitière du PS, avec lequel elle a multiplié les alliances électorales. Entre 1997 et 2002, le PCF comptait deux ministres dans un gouvernement – celui de Lionel Jospin – qui privatisait des dizaines de milliards d’euros d’actifs publics. D’erreurs en renoncements de la direction du parti, sa base électorale et militante n’a cessé de fondre.

Tout ceci n’empêche pas Roussel de déclarer crânement que son objectif est de remporter l’élection présidentielle d’avril prochain. Y croit-il lui-même ? Non : c’est juste une façon – assez dérisoire – de justifier le maintien de sa candidature, dans un contexte où celle-ci est perçue par de nombreux électeurs de gauche comme une division incompréhensible. De fait, au regard de l’objectif de battre la droite et l’extrême droite, la candidature de Roussel n’a aucune justification. Si la candidature de Mélenchon monte dans les sondages, au cours des prochaines semaines, le PCF sera perçu de plus en plus sévèrement par la masse de l’électorat de gauche le plus radicalisé.

Misères de la « différenciation »

Un autre moyen de justifier la candidature de Roussel – et, en même temps, d’essayer d’élargir son électorat potentiel – consiste à exagérer les « divergences » entre le programme du PCF et celui de la FI. La direction du PCF parle d’une « stratégie de différenciation ». [2]

Si Fabien Roussel se différenciait de Mélenchon au moyen d’un programme de rupture avec le système capitaliste, ce serait positif. Mais ce n’est pas le cas. La différenciation à laquelle on assiste n’entame en rien le caractère réformiste du programme officiel du PCF. On a affaire, au mieux, à des « divergences » qui sont accentuées de façon totalement artificielle – au pire, à des divergences qui placent le PCF sur la droite de la FI.

Prenons par exemple la question de l’industrie nucléaire. La divergence des programmes de la FI et du PCF, sur cette question, est indiscutable : l’un vise son démantèlement, l’autre son développement. [3] Mais la direction du PCF exagère sciemment la portée de cette divergence. Le renoncement au nucléaire « aura pour effet d’augmenter les factures » d’électricité, explique Ian Brossat, le directeur de campagne de Roussel. Or, le programme de la FI prévoit – entre autres – d’« instaurer une tarification progressive de l’énergie » et de « garantir la gratuité des premières quantités indispensables à une vie digne ». Autrement dit, d’après le programme de la FI, la consommation d’électricité – et d’énergie en général – serait largement subventionnée par l’Etat, qui d’ailleurs prendrait le contrôle intégral d’EDF et d’Engie.

On peut tout à fait discuter les limites de ce programme réformiste, comme nous l’avons fait dans notre Critique marxiste du programme de la FI. Mais ce qui est lamentable, c’est de crier sur tous les toits – sans entrer dans le détail de la question – que le programme de la FI aurait pour effet d’augmenter les factures d’électricité. La direction du PCF, d’ailleurs, ne s’arrête pas en si bon chemin. Elle fait du nucléaire la condition sine qua non d’un puissant développement de l’ensemble du secteur industriel – et ce sur la base du capitalisme en crise, que Roussel n’envisage pas de renverser. Ayant renoncé de longue date à la révolution socialiste, les dirigeants du PCF semblent sur le point de transformer la célèbre formule de Rosa Luxemburg – « socialisme ou barbarie » – en celle-ci : « nucléaire ou barbarie ».

Prenons un autre exemple. Le 1er février dernier, dans l’émission C à vous, Fabien Roussel s’adressait en ces termes à un partisan de la FI : « la reconstruction de la France par le travail et garantir à chacun un salaire et un travail, c’est notre projet, ce n’est pas le vôtre : vous êtes sur le revenu universel ». Factuellement, c’est faux. Le programme de la FI prévoit à la fois d’augmenter très nettement les minimas sociaux, d’augmenter les salaires et de créer au moins un million de postes de fonctionnaires. Le « revenu universel » est une formule qui ne figure pas dans le programme de la FI – qui, par contre, prévoit de proposer à tout chômeur de longue durée « d’être embauché au moins au SMIC – revalorisé – dans un secteur d’urgence ». Mais peu importe à la direction du PCF : elle doit se « différencier » de la FI. Comme l’écrivait Mark Twain : « il ne faut pas laisser la vérité gâcher une bonne histoire » !

Il y a pire : cet argument fallacieux de Fabien Roussel va au-delà de la simple distorsion des faits. Il flirte, dans sa formulation, avec la démagogie classique de la droite, qui n’a de cesse, elle aussi, de vanter la « reconstruction de la France par le travail » – pour justifier l’augmentation du temps de travail, le report de l’âge du départ à la retraite, la casse de l’assurance chômage, la remise en cause du RSA et d’autres minimas sociaux, etc. Aux anges, la presse de droite explique que Fabien Roussel défend « la valeur travail » contre « l’assistanat ». [4]

Lauriers de droite

D’autres déclarations et initiatives de Fabien Roussel ont jeté le trouble dans l’électorat de gauche – y compris, bien sûr, dans les rangs du PCF lui-même. Le 10 juin dernier, sur Cnews, Roussel expliquait que les déboutés du droit d’asile avaient « vocation à repartir et être raccompagnés chez eux ». Il a corrigé le tir par la suite, sous la pression de sa propre base, mais la droite ne s’y est pas trompée : « vive Fabien Roussel ! » Sur la participation du candidat du PCF à la manifestation organisée, le 19 mai dernier, par les syndicats policiers les plus réactionnaires : « Vive Fabien Roussel ! » Et ainsi de suite.

Il y a plus d’un siècle, le dirigeant socialiste allemand Auguste Bebel disait : « Quand mes ennemis me couvrent de louanges, je peux être sûr que j’ai commis une erreur ». La droite a tout intérêt à promouvoir Fabien Roussel. D’une part, ses déclarations soi-disant « populaires » – c’est-à-dire populistes au pire sens du terme – apportent de l’eau au moulin de la droite. D’autre part, et surtout, cette candidature peut être un obstacle (très relatif, mais un obstacle tout de même) à la qualification de Mélenchon au deuxième tour.

Tout ceci prépare une aggravation de la crise interne du PCF et une marginalisation croissante de ce parti. Le PCF ne pourra pas remonter la pente au moyen d’une campagne électorale en solitaire et en eaux troubles. Il ne peut remonter la pente que par un net virage à gauche, vers les idées authentiques du communisme, c’est-à-dire du marxisme. Force est de constater que la direction actuelle du PCF ne prend pas cette voie.


[1] Dans cet article de 2016, nous avons analysé le poids des intérêts de l’appareil du PCF dans les choix politiques de sa direction. Rien de fondamental n’a changé depuis.

[2Le Figaro du 7 février 2022.

[3] Nous publierons prochainement notre position sur l’industrie nucléaire. Ici, nous voulons juste souligner la façon absurde dont la direction du PCF mène ce « débat » avec la FI.

[4] Par exemple dans Le Monde et sur franceinfo.

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